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Le Ressac de l'espace

Philippe CURVAL

Première parution : Paris, France : Hachette, Le Rayon Fantastique n° 100, 2ème trimestre 1962


MULTIVERS , coll. Science-fiction précédent dans la collection n° (21) suivant dans la collection
Dépôt légal : juin 2015
Roman, catégorie / prix : 2,49 €
ISBN : 978-2-8068-0192-0
Format : Numérique
Genre : Science-Fiction


Quatrième de couverture
Après une longue errance, le Txalq arrive finalement sur Terre. Sa quête, depuis son départ de la lointaine planète Ormana, est terminée ; il va pouvoir à nouveau se diviser par scissiparité et se multiplier.

Les Txalq sont un peuple parasite et ils s'aperçoivent bientôt que l'homme est un hôte qui leur convient parfaitement et qu'ils peuvent dominer sans peine. Naturellement les humains vont organiser la résistance, mais quelques hommes libérés de l'emprise mentale des extra-terrestres révèlent bientôt que la symbiose avec un Txalq apporte paix, harmonie et bonheur.

C'est par milliers désormais qu'hommes et femmes se livrent joyeusement à la domination des parasites. Seule une poignée d'irréductibles tentent de préserver leur condition humaine. Une poignée contre toute une planète...
Critiques des autres éditions ou de la série
Edition La VOLTE, (2022)

    Initialement paru en 1962 dans la collection « Le Rayon fantastique » et récompensé par le prix Jules Verne, Le Ressac de l’espace, de Philippe Curval, connaît une nouvelle exis­tence éditoriale grâce à La Volte.

    À la suite de l’ère des « Grands Embrase­ments  », une série de désastres sociaux, guerriers et environnementaux ayant ravagé la majeure partie de la Terre, ce qu’il demeure du genre humain a trouvé refuge dans huit villes préexistant à l’Armageddon, parmi lesquelles Londres et Paris. Sur les centres historiques de celles-ci se sont bientôt dres­sées de cyclopéennes « falaises d’habitation » destinées à abriter les populations à nouveau croissantes des «  derniers bastions d’une civilisation défunte ». Car si l’humanité a réussi à se prolonger physiquement, c’est au prix de son âme. Ceux vivant dans ces falaises d’habitation ne jouissent d’une très confortable sécurité qu’à condition de renoncer à leur individualité, pour se fondre dans un « collectif programmé ». Face à cette masse ayant cédé à ces futuristes délices de Capoue, demeure dans les « arché­poles » (ainsi nomme-t-on les cœurs anciens des mégapoles-refuges) une minorité « obs­tinée à perpétuer les traditions de la liberté […], le goût de l’activité artistique, le souci de laisser s’épanouir toutes les idées nouvelles  ». C’est à ce dernier carré de femmes et d’hom­mes libres qu’appartient Jacques Dureur. Notre protagoniste s’est fait astronaute, se saisissant ainsi de l’ultime opportunité d’aventure ménagée par l’ordre conformiste des mégapoles, celle qu’offrent les voyages interstellaires à destination des colonies sises sur Mars, Jupiter et Vénus. C’est lors de l’un de ses périples dans le système solaire que Dureur fait la rencontre de l’extraordinaire, en la personne (si tant est que le terme fasse ici sens) de Linxel, représentant des Txalqs. Soit une espèce extraterrestre privée de planète propre mais dotée, entre autres pouvoirs, d’une puissance psychique hors-normes. C’est en usant de cette dernière que les Txalqs s’assurent la domination des peuples dé­couverts au hasard de leur éternelle errance cosmique. Usant d’une singulière stratégie parasitaire, les Txalqs procurent à ceux qu’ils soumettent une félicité psychique telle que leur aliénation en devient le plus enviable des états. Ainsi en ira-t-il de la Terre après que Linxel y a été (imprudemment) amené. Constituant une proie idéale pour le « soft power » des Txalqs, la moutonnière humanité ne devra désormais son salut (auquel elle n’aspire en réalité guère) qu’à une poignée de ré­sistants emmenés par Dureur… La peinture de l’étrange conflit ainsi déclenché permet à Phi­lippe Curval de travailler plus avant le motif de la servitude volontaire, thème central de ce roman spéculatif. Un livre qui acclimate à son imaginaire SF, entre autres influences théori­ques, l’anarchisme individualiste de Max Stirner (dont Curval a été le lecteur) et le Surréalisme pour lequel l’auteur professe son admiration. Stimulant lorsqu’il conçoit une déclinaison douce de la domination usant du plaisir plutôt que de la contrainte, Le Ressac de l’espace peine cependant à réellement convaincre. D’un ton au sérieux inébranlable, écrit d’une plume policée jusqu’à en être châtiée, le roman affecte une forme d’un trop sage classicisme, neutralisant in fine la portée d’un propos se voulant pourtant radicalement subversif…

Pierre CHARREL
Première parution : 1/10/2022
Bifrost 108
Mise en ligne le : 14/5/2025


Edition La VOLTE, Le Rayon fantastique (1962)

    La reprise du prix Jules Verne, en 1958, fut marquée par le médiocre « Adieu aux astres », qui réunit contre lui la quasi unanimité des amateurs de science-fiction. L'année suivante, « Surface de la planète » rencontra des partisans et des adversaires également décidés, tandis que les deux romans couronnés en 1960 et en 1961, « La machine du pouvoir » et « Le sub-espace », suscitaient de l'intérêt plutôt que de la véhémence. À la suite de ces ouvrages, voici qu'est couronné cette année le roman d'un auteur que les lecteurs de « Fiction » connaissent bien.

    L'intrigue en est assez simple. Elle raconte l'ultime sursaut de Vitalité d'une race âgée, celle des Txalqs, qui se meurt sur sa planète d'origine après être parvenue à un stade très avancé de civilisation. Son dernier représentant, Linxel, entre en contact avec l'humanité du XXXIe siècle, avec laquelle il voudrait réaliser une espèce de symbiose. S'étant reproduit par scissiparité, Linxel commence à capturer des êtres humains qu'il plonge dans un nirvana contemplatif. La plupart des habitants de la Terre s'accommodent de cette situation, mais une minorité organise la révolte et les Txalqs finissent par être exterminés. C'est du moins ce que les hommes croient ; cependant, Linxel sent que la symbiose recommencera, et marquera une nouvelle évolution pour les deux races…

    Sur ce schéma linéaire, Philippe Curval a bâti un roman qu'on peut qualifier de composite. Le ton en varie à plusieurs reprises. Des passages très colorés, poétiques (l'évocation de la civilisation des Txalqs qui ouvre le récit, ou celle de la partie d'échecs dansée que jouent les pions humains), voisinent avec des comparaisons à l'humour saugrenu (Deux cents hommes rangés comme des suppositoires, p. 121), des effets de vocabulaire qui rappellent ceux de Jacques Sternberg (Et l'Ormix deviné dans la brume, s'il avait été vert jadis, devenait berte et l'almier devenait almige ou blunte, p. 204-205), des visons érotiques, des scènes d'aventure. Philippe Curval modifie son vocabulaire, le rythme de sa narration et la précision de ses descriptions lorsqu'il passe de l'un à l'autre. Cela est d'autant plus notable qu'il s'abstient de prendre parti dans le conflit qui oppose l'humanité à ses visiteurs. 

    Il n'est pas inutile de remarquer que les passages les plus sereins – celui au cours duquel Linxel se souvient de la grandeur de sa race et prépare son astronef, ou celui où les humains dansent selon le désir des Txalqs – sont ceux dans lesquels le rôle principal est assumé par les extra-terrestres. Ceux-ci ont beau avoir l'allure de poulpes assez repoussants, l'auteur manifeste une indéniable sympathie à l'égard de leur pouvoir de contemplation cosmique : leur sérénité s'oppose à la futilité des existences humaines de ce XXXIe siècle, fondées sur la convention et la routine. Liberté ou symbiose ? L'auteur ne prend pas parti de façon nette ; il suggère d'ailleurs que la victoire finale, en dépit des apparences, appartiendra aux Txalqs. Et, s'il montre par moments quelque estime à l'égard des efforts de ceux qui amorcent la révolution humaine, ne suggère-t-il pas que le bonheur du couple d'humains dont il a narré l'histoire sera réalisé avec l'aide du Txalq qui les accompagne dans leur ultime voyage ?

    Ce caractère ambigu est encore accentué par le personnage de Jacques Dureur, le protagoniste humain de l'histoire. Présenté au début comme un des humains assez rares encore attachés à la volonté, à la curiosité intellectuelle et à l'esprit de décision qui firent la grandeur de sa race, il s'affaiblit progressivement au cours de l'action, hésitant ou devenant lui-même presque indifférent au sort de ses semblables. Le terme de héros ne peut lui être appliqué, et celui de deus ex machina, encore moins : Dureur finit par être guidé par les événements qu'il avait déclenchés en s'intéressant au mystérieux visiteur extraterrestre.

    Une telle évolution de son personnage principal permet de penser que l'auteur n'est pas en train d'exprimer un message. En effet, la décadence de l'espèce humaine n'est pas totale, puisque la révolte contre les Txalqs se révèle efficace, en dépit des faiblesses de ses artisans ; et la victoire finale des frères de Linxel, l'établissement définitif d'une vie en symbiose, n'est que suggérée, à travers l'intuition de Linxel précisément. L'intérêt principal de Philippe Curval semble d'ordre esthétique : il désire peindre une série de scènes – avec plus ou moins d'intensité, avec des éclairages variables, d'une plume alternativement ironique ou poétique. Pour cela, son récit n'est qu'un prétexte, et la place accordée aux divers épisodes n'est point proportionnelle à leur importance (ainsi, l'odyssée d'un groupe de révoltés se trouve traitée avec une assez grande richesse de détail, aux chapitres II et III de la dernière partie, tandis que le renversement de la situation au profit des humains est pour ainsi dire bâclé en quelques pages de l'ultime chapitre).

    Assurément, quelque déséquilibre en résulte. L'auteur n'a-t-il pas eu l'envie ou le temps de mettre au point son ouvrage ? Diverses petites faiblesses matérielles sembleraient le suggérer. Sans s'arrêter aux « tentacules abdominales » de la page 12, on peut s'étonner, à la page 67, de cette nuit brève et de ce jour incessant que connaît la planète Ormana, et qu'une orbite excentrique autour d'un soleil, fût-il vert, ne suffit aucunement à expliquer. Et on remarque, dans le chapitre III de la seconde partie, que l'équipe d'exploration mise en scène à la page 109 compte douze ou treize hommes au choix, dont un certain nombre de gardes noirs : cinq à la page 109, ils ne sont plus que deux à la page 121. Cela n'a pas grande importance, bien évidemment ; mais cela montre un certain manque de fini, ou en tout cas quelque mépris à l'égard des éléments matériels qui contribuent à la crédibilité du récit.

    Philippe Curval n'est apparemment pas un auteur de science-fiction au sens strict du terme, ni même un véritable romancier. Cependant, il montre dans cet ouvrage des qualités poétiques s'exprimant en un certain nombre de pages qui s'imposent à la mémoire. On pourrait chercher chicane au jury du Prix Jules Verne en demandant si celles-ci suffisent pour mériter une récompense qui porte le nom de l'auteur des « Voyages extraordinaires » : pour en juger équitablement, il faudrait d'abord connaître les autres romans présentés à ce concours. Mais ce « Ressac de l'espace », parfois déroutant, inégal et même incomplètement développé, possède néanmoins une qualité importante, qui rachète bien des faiblesses. Il met en scène un extra-terrestre, Linxel, qui est, simplement, et avec vraisemblance, différent. Philippe Curval a su lui donner du relief, et en faire, au total, le vrai héros de son roman. Même lorsqu'il n'est pas en scène, Linxel s'impose au lecteur. Celui-ci oubliera vraisemblablement assez vite les détails de l'action, mais il conservera en mémoire cet étrange personnage. Pour Linxel et pour la couleur de certaines scènes, cet ouvrage mérite l'attention.

Demètre IOAKIMIDIS
Première parution : 1/9/1962
Fiction 106
Mise en ligne le : 28/12/2024

Prix obtenus
Jules Verne, [sans catégorie], 1962


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