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Ubik

Philip K. DICK

Titre original : Ubik, 1969
Première parution : New York, USA : Doubleday, mai 1969   ISFDB
Traduction de Alain DORÉMIEUX

Robert LAFFONT (Paris, France), coll. Ailleurs et demain précédent dans la collection suivant dans la collection
Dépôt légal : 4ème trimestre 1970, Achevé d'imprimer : 10 mars 1978
Réédition
Roman, 272 pages, catégorie / prix : nd
ISBN : néant
Format : 13,5 x 21,5 cm
Genre : Science-Fiction

Présence d'une étoile noire au dos de l'ouvrage.


Ressources externes sur cette œuvre : quarante-deux.org

Quatrième de couverture
     Ils serraient de près les hommes de Hollis.
     Pour les neutraliser. Et puis les choses se gâtèrent.
     Ce voyage sur la Lune était une erreur.
     L'admission de Pat Conley dans le groupe de neutralisation était une autre erreur.
     Personne ne connaissait l'étendue de ses pouvoirs : elle pouvait manipuler le temps.
     Et quand les objets se mirent à régresser dans le temps, Joe Chip se dit qu'ils avaient commis une erreur de trop. Le temps s'en allait en lambeaux.
     Une bouffée de 1939 dérivait en 1992.
     Ou était-ce l'inverse ?
     Par les trous soudains visibles du décor se glissaient les messages d'Ubik.
     Ubik est partout. Dans ce monde et dans l'autre.
     Mais qui est Ubik ?
Critiques des autres éditions ou de la série
Edition UGE (Union Générale d'Éditions) - 10/18, 10/18 - Domaine étranger (2000)

     Tous les univers de la science-fiction sont dans Ubik.
     Des nouvelles inédites du monde entier, une partie rédactionnelle sérieuse et rigoureuse, des infos sur toutes les conventions et les critiques de toutes les nouveautés.
     Fongus de Ganymède et autres Bleeks martiens, Ubik est la revue qu'il vous faut.
     Sans danger pour la santé mentale si lu dans le bon sens.

     En 1966, Dick rédige Death of an Anti-Watcher (« Mort d'un anti-guetteur »), qui paraîtra en 1969 sous le titre d'Ubik. C'est la France qui, comme souvent, accueillera avec le plus d'enthousiasme le roman lors de sa parution en 1970 chez Laffont (les fameuses couvertures argentées). « Texte phare », « chef-d'œuvre », les qualificatifs ne manquent pas à propos de ce livre qui termine fréquemment numéro 1 lors des référendums demandant aux lecteurs leur roman de S-F préféré.

     Imaginez maintenant la surprise d'un adolescent de 14 ans, dans les années 90, découvrant un roman que tous considèrent comme une œuvre majeure du genre qu'il affectionne. Il a lu et entendu tellement de bien à son propos qu'il ne peut qu'être déçu ; c'est inévitable.

     Et pourtant...

     Dès le départ, il se montre intéressé par le problème de Glen Runciter. Il trouve fascinant le concept de semi-vie permettant à Ella, la défunte femme de Runciter, de communiquer avec le monde extérieur. L'idée de groupes de télépathes se combattant, bien que peu originale, lui paraît intéressante. Et puis, il y a Joe Chip, le prototype du personnage insignifiant qui travaille dans l'équipe de Runciter et qui lutte sans cesse contre ses appareils ménagers et contre sa porte qui ne veut jamais s'ouvrir. Les leitmotive dickiens sont là, avec le changement de réalité qu'opéré le pouvoir psy de Pat Conley le conapt et Jory l'enfant en semi-vie qui perturbe les communications du Moratorium où se trouve Ella. Bref, l'exposition est drôle, bizarre et ne déçoit pas l'adolescent.

     Tout va vraiment débuter avec l'arrivée sur la Lune de l'équipe de Runciter, dont la mission est de contrer le groupe concurrent, celui de Ray Hollis. Mais l'affrontement tant attendu par le jeune homme n'aura pas lieu. Le combat de pouvoirs psi avorte (en même temps que l'intrigue échafaudée par Dick) avec l'explosion d'une bombe qui tue Glen Runciter et oblige son équipe à le rapatrier sur Terre et plus précisément dans le Moratorium, aux cotés de sa femme. C'est à ce moment là que le jeune lecteur commence à comprendre le pouvoir de fascination qu'exerce le livre qu'il est en train de lire. Il n'a jamais été confronté à cela auparavant et il n'est pas au bout de ses surprises. Tous les personnages vont devoir maintenant lutter contre l'entropie (autre leitmotiv dickien), adversaire qui réduit certains d'entre eux, au sens propre, en cendres. Le roman n'est plus qu'une course contre la montre dans laquelle les protagonistes essayent de sauver leur peau alors que leur environnement régresse.

     C'est sous forme de graffiti qu'une partie de la vérité va apparaître à Joe Chip et que l'adolescent va enfin rallier le camp de ceux qui ont lu le livre et qui hurlent à qui veut l'entendre qu'Ubik est un chef-d'œuvre !

     Le retournement de situation paraît, avec le recul, être une ficelle maintes fois utilisée, et pourtant... Le roman est tellement passionnant que Dick manipule son lecteur du début à la fin avec une rare maestria. Le choc de la première lecture passée, l'adolescent se replonge dans le texte en se disant qu'après tout, il n'y a qu'un peu d'esbroufe, de poudre aux yeux dont l'auteur se sert pour faire monter la sauce. Encore une fois, il doit se rendre à l'évidence, Ubik est beaucoup plus complexe qu'il n'en a l'air. Les coups de théâtre ne sont pas là pour masquer un manque de fond mais participent, au contraire, à l'opacité, au malaise dont sont pris les protagonistes et, par ricochet, le lecteur. La bouée de sauvetage qu'est l'entité Ubik n'a que peu (on pourrait en discuter longtemps) de connotations religieuses et reste un des concepts les plus fascinants créé par Dick, tout au moins dans la forme qu'elle revêt. La construction narrative non linéaire est un essai transformé par un auteur en quête de renouvellement. Pour autant et en cherchant bien, le texte n'est pas exempt de certains défauts dus à des tics d'écriture dickiens que viennent combler et ensevelir la puissance dévastatrice et novatrice des idées de l'auteur.

     Mais l'adolescent de 14 ans, quant à lui, lit ou relit toujours des livres de Dick et reste convaincu que plus jamais il n'aura un choc comparable à celui qu'il a eu à la découverte d'Ubik. Il continue pourtant de rêver...

     Ah, au fait... l'adolescent n'est pas celui que vous croyez : je suis lecteur et vous êtes critiques !

Laurent QUEYSSI (lui écrire) (site web)
Première parution : 1/5/2000
dans Bifrost 18
Mise en ligne le : 6/10/2003


Edition Robert LAFFONT, Ailleurs et demain (1971)

    Ubik, le plus récent roman de Philip K. Dick à être traduit en français (par Alain Dorémieux), accuse encore les qualités et les « défauts » de cet auteur. Je mets des guillemets autour de « défauts », car à vrai dire l’incohérence, le pessimisme, voire le goût du sordide dont on l’accuse parfois, n’en sont pas pour moi. Mais je sais d’expérience qu’il y a des allergiques à Dick : ceux-ci seront encore plus irrités que de coutume par son dernier ouvrage, alors que les autres, dont je suis, seront encore plus émoustillés, même si Ubik n’a pas toujours la puissance et la complexité de Le dieu venu du Centaure et de Le maître du Haut-Château.

    Dans tout roman de Dick, il y a deux courants mêlés, qui filent de concert la trame des histoires. Le premier est fait de détails et de notations véristes, qui enracinent ses écrits dans un « background » immédiatement provocant, et qu’on peut appeler son réalisme prospectif. Cette faculté de tracer un décor en donnant un léger coup de pouce à la réalité fait de Dick, au premier abord, un auteur social, quand ce n’est pas un auteur politique, puisque celui-ci a choisi de montrer la croissance monstrueuse de certains aspects de la vie aux États-Unis, aspects qui stigmatisent le côté aberrant, « fou » (schizophrénique, a écrit Gérard Klein), de l’american way of life.

    Dans Ubik, le côté civilisation-de-l’argent-et-du-crédit est mis en relief, puisque la vie dans un « conapt » moyen nous est montrée comme une consommation payante perpétuelle : « Il manipula la poignée du réfrigérateur, pour en sortir un carton de lait. « Dix cents, s’il vous plaît, » dit le réfrigérateur. « Cinq pour ouvrir ma porte et cinq pour la crème. » (p. 43) L’aliénation complète qui en résulte est naturellement une caricature de la société de profit actuelle, mais une caricature à vrai dire pas tellement poussée. Naturellement, une société évoluée (l’action se déroule en 1992) a aussi ses tolérances : la liberté sexuelle, sur laquelle il est inutile d’insister, mais aussi un goût prononcé pour l’extravagance vestimentaire parfaitement passée dans les mœurs, et qui doit paraître caractéristique à Dick, puisqu’il y revient à de nombreuses reprises : « Il portait un pantalon de cow-boy avec des étoiles d’argent, une tunique de polyester et des sandales, et ses longs cheveux étaient emprisonnés dans une résille. » (p. 74)

    Enfin, le thème de départ du roman (l’action d’un groupe d’antitéléphathes dont la fonction est de lutter contre d’autres possesseurs de pouvoir PSI qui sont employés à des missions d’espionnage industriel ou privé) introduit une autre facteur d’aliénation, dont on voit déjà les germes à notre époque dans la mise en circulation de certains gadgets électroniques : le voyeurisme systématique d’une société organisée à seule fin de contrôler ses sujets. (Filatures, tables d’écoute, etc.)

    Voilà pour les fondations. Le deuxième courant dickien, autrement plus important, consiste en un glissement de la réalité vers une zone imprécise qui, qu’elle soit physiquement située dans une autre dimension (Les mondes divergents, Le maître du Haut-Château) ou simplement enfantée par un psychisme soumis à un dérèglement d’origine chimique (En attendant l’année dernière, Le dieu venu du Centaure), n’en garde pas moins toutes les apparences de la réalité. Que ce passage s’accompagne souvent d’une régression temporelle (et c’est le cas dans Ubik, mais aussi dans En attendant l’année dernière), accentue cette impression de fuite (dans le passé, dans la drogue, dans le rêve, dans l’ailleurs), doublée peut-être d’un inconscient désir de retrouver l’enfance.

    Seulement le héros dickien (l’anti-héros, plutôt), est un être totalement impuissant, totalement aliéné, piégé : la fuite dans l’ailleurs (qu’elle ne soit pas volontaire ne change rien à l’affaire) ne résout rien, puisque cet « ailleurs » se révèle non seulement semblable à la réalité, mais encore plus farci de chausses-trapes et de menaces…

    Ainsi dans Ubik, le groupe de télépathes, après une cassure dans leur propre trame spacio-temporelle (que je ne révélerai pas pour ne pas user le suspense du récit), se trouve dans un monde qui régresse dans le temps jusqu’à l’année 1939. Le personnage principal, Joe Chip, a d’abord tendance à se demander : « Si nous demeurons ici pour le reste de notre vie ? Est-ce que ce serait si terrible ? Nous pouvons nous habituer aux vieux meubles radio (…) Nous pouvons apprendre à conduire les voitures Austin…» etc. (p. 185).

    Mais le passé n’a rien d’idyllique, et Joe commence à découvrir une autre forme d’aliénation, disparue à son époque, le racisme et l’intolérance : « Nous avons un problème identique ici aux États-Unis (qu’en Allemagne nazie), à la fois avec les juifs et les nègres. Il se peut que nous soyons forcés de faire quelque chose pour les deux. » (p. 186). Et puis ce passé n’est pas un passé véritable : c’est un rêve dans un rêve (…dans un autre rêve peut-être, et ainsi à l’infini, comme semble le suggérer Dick à la dernière page du roman. Mais on peut aussi considérer cette « fin ouverte » superflue). Et qui plus est, un rêve dirigé, imposé, où tous les mouvements sont contrôlés, où l’apparence même de la réalité peut être soumise à des transformations imprévues sur le simple caprice de ceux qui, de l’intérieur ou de l’extérieur de l’univers phantasmatique, en déterminent la mouvance. Finalement, on n’échappe pas à l’œil omniprésent qui nous guette : dans la réalité ou dans le voile des fantasmes, vivant, ou semi-vivant, ou mort, l’œil est là, comme au-dessus de Caïn, pour l’éternité.

    C’est dire le pessimisme absolu qui enserre l’œuvre de Dick. Et c’est dire aussi que les lignes arbitrairement extraites de la structure de ses romans (mais tout particulièrement de Ubik,) n’en font qu’une réalité : car à l’aliénation matérielle du monde solide, répond une aliénation plus puissante encore dans le monde de fumée des rêves glacés vers lequel le réel, insensiblement, nous entraîne.

    Ubik est un livre qui ne laisse pas sourdre le moindre rayon d’espoir, un livre qui nous fait pénétrer dans un univers où le poids du « fatum » est écrasant. Mais c’est à ce titre justement qu’il est passionnant : écrit avec la nervosité du roman noir, dont il possède aussi la cohorte de personnages traqués, il dévie dans sa deuxième moitié vers l’ouvrage de pure angoisse, puis s’achève dans l’horreur. C’est dire qu’il se situe loin de la science-fiction, aussi bien de celle, traditionnelle, développée dans le space-opéra, que celle, éclatée en fioritures, mais le plus souvent abstraite et glaciale, de la nouvelle vague anglo-saxonne.

    Philip K. Dick explore méticuleusement une voix qui lui est propre, et plonge de plus en plus profondément dans un univers obscur dont les pans d’ombre nous sont progressivement dévoilés. À ce titre, on peut considérer Ubik comme un roman métaphysique, mais, grâce à la présence charnelle, à l’insertion existentielle des personnages mis en scène par Dick, le livre échappe à la théorisation pour entrer de plain-pied dans la poésie.

    C’est le meilleur compliment qu’on peut apporter à cet « Ailleurs et demain », qui est d’une qualité qui se situe presque au niveau de l’extraordinaire Vagabond par lequel la collection avait débuté avec fracas.

Denis PHILIPPE
Première parution : 1/2/1971
Galaxie 2 81
Mise en ligne le : 24/6/2024

Cité dans les pages thématiques suivantes
Cyberpunk
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Les Thèmes - Drogues
Cité dans les Conseils de lecture / Bibliothèque idéale des oeuvres suivantes
Annick Béguin : Les 100 principaux titres de la science-fiction (liste parue en 1981)
Jacques Sadoul : Anthologie de la littérature de science-fiction (liste parue en 1981)
Jean Gattegno : Que sais-je ? (liste parue en 1983)
Denis Guiot & Jean-Pierre Andrevon & George W. Barlow : Le Monde de la science-fiction (liste parue en 1987)
Albin Michel : La Bibliothèque idéale de SF (liste parue en 1988)
Jean-Bernard Oms : Top 100 Carnage Mondain (liste parue en 1989)
Lorris Murail : Les Maîtres de la science-fiction (liste parue en 1993)
Stan Barets : Le Science-Fictionnaire - 2 (liste parue en 1994)
Association Infini : Infini (1 - liste primaire) (liste parue en 1998)
Jean-Pierre Fontana : Sondage Fontana - Science-fiction (liste parue en 2002)

Adaptations (cinéma, télévision, BD, théâtre, radio, jeu vidéo...)
Ubik , 1998, Cryo Interactive (Jeu Vidéo)

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