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Le Dieu foudroyé

Nathalie HENNEBERG

Première parution : Paris : Albin Michel, Super fiction, 1976

Illustration de LERAF

L'ATALANTE (Nantes, France), coll. La Petite dentelle
Dépôt légal : novembre 2018, Achevé d'imprimer : novembre 2018
Réédition
Roman, 256 pages, catégorie / prix : 7,50 €
ISBN : 978-2-84172-885-5
Format : 10,8 x 17,8 cm
Genre : Science-Fiction



Quatrième de couverture

En 1976, un an avant sa mort, Nathalie Henneberg publie Le Dieu foudroyé, prolongement et coda de La Plaie.
     Lyrique plus que jamais, elle y met en scène la difficile reconquête de la Terre, devenue le nouvel Enfer de Dante, longtemps après la victoire remportée in extremis sur Sigma d'Arcturus. Airth Reg, le mutant qui s'est fait pirate pour combattre la Plaie, ne supportait plus l'inertie de ses compagnons. Il est parti seul pour un voyage vers l'indicible... et reviendra prendre la tête des escadres de la Reconquête, sanglant et déchiré, mais fort d'un amour nouveau.

     « Je crois fermement que le sort d'un humain est la démesure. Celui du cosmos aussi. » Il n'est rien de comparable à cet oratorio de science-fiction, vision hallucinée des passions qui bouleversent l'humanité.

Le Dieu foudroyé est un chant hors du commun. Nathalie Henneberg, en pleine possession de son art, semble écrire comme dessine Druillet lorsqu'il illustre notamment Salammbô : en allant jusqu'au bout de ses visions baroques et ténébreuses...
Pascal Patoz, Icarus

Critiques

[Focus Nathalie Henneberg :

- La Forteresse perdue - Gandahar

- Les Dieux verts - Callidor

- Le Dieu foudroyé - L'Atalante]

 

    Par un curieux hasard calendaire, trois rééditions de Nathalie Henneberg nous arrivent en même temps ou presque. Pour une auteure passablement oubliée, voilà qui méritait bien un « focus » bifrostien…

    La Forteresse perdue n’avait jamais été réédité depuis sa parution originale au « Rayon Fantastique » en 1962. À sa lecture, on comprend vite pourquoi, tant cette dernière s’avère pénible. Une bien mauvaise surprise, en somme, d’autant que mes lectures précédentes de l’auteure m’avaient plutôt laissé de bons souvenirs…

    Dans sa préface, Didier Reboussin écrit : « Comme toujours chez Nathalie Henneberg, il faut oublier l’aspect rationnel des choses (…) où le monde futuriste qu’elle dépeint n’a rien de plausible. » Nous voilà prévenus… Donc, une expédition de la Légion de l’Espace lancée vers Alpha du Centaure a abordé un monde nommé Isis ouvert sur plusieurs dimensions. Elle y a établi un fortin et s’y accroche avec la rage du désespoir. Mais Isis sert aussi de tête de pont à des créatures d’énergie vampiriques se manifestant sous l’aspect de flammes violettes qui entendent envahir la Terre pour se repaître des êtres humains…

    Le roman s’articule autour de trois personnages. Alix Orlova — une projection transparente de l’auteure —, Arnold de Held — celle de son mari, Charles —, et enfin Ruy Béarn-Léans, traitre façonné dès le début par les flammes violettes qui n’est pas sans rappeler le héros du Sabre de l’Islam. On y retrouve les figures d’amants tragiques que séparent les valeurs sacrées du devoir auxquels ils se sacrifient. La Forteresse perdue offre une dimension largement autobiographique de la vie des époux Henneberg au Proche Orient au début des années 40, à travers une évocation de la défense acharnée de Palmyre (Syrie) par une compagnie de la Légion Étrangère face à des troupes anglaises largement supérieures tant en nombre qu’en matériel. Le récit se veut poétique, épique, haut en couleur. Il n’en est rien. Les mots, précieux souvent, s’alignent mais peinent à faire jaillir des images ; un défaut de cohérence rend l’histoire difficile à suivre, et il faut passer la moitié de ce « fort Alamo stellaire » pour percevoir une amélioration sensible qui ne parvient toutefois pas à sauver cet ensemble brouillon. Dommage.

    Avec Les Dieux verts rien ne change, sauf que cette fois, ça marche… Tout ce qui apparaissait confus dans La Forteresse perdue devient limpide, évident. La poésie prend corps et les images jaillissent à toutes les pages, souvent sublimes. J’avais un excellent souvenir des Dieux verts, mais après la cruelle déception de La Forteresse perdue, le pire n’était pas à exclure. Or, dès les premières pages, je me voyais rassuré et embarqué, entrainé au plus profond de la nuit d’émeraude avec des personnages plus grands que nature. On plonge dans un univers flamboyant de tous les tons du vert, un tourbillon de merveilles créées par une styliste hors pair dont on ne trouvera guère l’équivalent que chez Samuel R. Delany. Plutôt que de s’empiler, les mots chantent et se répondent en canon, engendrant la plus gracieuse des polyphonies.

    Il y a 2000 ans, la Terre, alors à son apogée, maîtresse d’un empire stellaire, s’est soudain vue frappée par un terrible cataclysme qui n’a laissé que de rares survivants tout en l’isolant du cosmos. La civilisation humaine s’est effondrée tandis que pour les plantes et les insectes, l’heure de la revanche sonnait. Depuis, l’homme défend les ruines de son empire avec mollesse, s’abandonnant aux rêves, à la décadence, laissant les rênes aux végétaux et copiant les insectes, notamment dans leurs mœurs cruelles. Ainsi, la loi impose-t-elle aux derniers mâles solaires, de race pure, de mourir après le vol nuptial… l’enjeu pour les plantes étant d’en accélérer la disparition avant que l’isolement de la Terre ne prenne fin. En dépit de son amour pour la petite reine Atléna, Argo, le suffète des mers, refuse de se plier à cette loi inique et se rebelle. Comme d’habitude chez Henneberg, leur amour est frappé du sceau de la tragédie. Tandis qu’Atléna se voit chargée de défendre ce qui reste de l’empire, Argo se retrouve à la tête d’une horde de monstres et de mutants avec laquelle il entend libérer A-Atlan du joug des plantes intelligentes et rendre à l’humanité sa splendeur passée.

    Les Dieux verts, qui en est à sa quatrième édition, offre toute la panoplie des thèmes chers à Henneberg. L’amour rendu tragique par un implacable destin qui dresse les amants l’un contre l’autre, chacun mu par un sens du devoir infrangible. Le combat final, apocalyptique, fratricide, qui toujours évoque ceux de Palmyre, où l’ennemi véritable se dissimule en arrière-plan. D’innombrables plantes sont ici nommées par leur nom scientifique, ce qui aurait eu tôt fait de sombrer dans le dernier lourdingue, or il n’en est rien. Une riche poésie émerge de toutes les nombreuses descriptions où l’auteure se joue de mots rares pour les palais, les femmes-insectes souvent comparées à des phalènes ou à des orchidées…

    Imaginez deux parties d’échecs. Même ouverture. Même variante. L’une perdue, l’autre gagnée. Difficile de concevoir que deux romans aussi semblables parviennent à des résultats aussi opposés. Les Dieux Verts est un pur chef-d’œuvre ; La Forteresse perdue pour ainsi dire illisible.

    Entre ces deux extrémités, Le Dieu foudroyé occupe une place médiane. Ce troisième volume, qui vient compléter La Plaie, où Nathalie Henneberg évoquait l’exode vécu enfant avec les derniers Russes Blancs de l’armée de Wrangel, point final de la révolution bolchévique, n’en a pas l’envergure. Le souffle épique s’est tari. Initialement publié chez Albin Michel un an avant sa mort (en 1977), ce roman est le chant du cygne d’une auteure désireuse de ne pas laisser son grand œuvre inachevé. La flamme vacille, comme la vie d’Henneberg elle-même. Peut-être a-t-elle trop attendu… Nathalie Henneberg a toujours fonctionné à l’inspiration, elle n’a jamais été un écrivain de métier pouvant sur le tard compter sur le savoir-faire acquis pour compenser une moindre activité créatrice. En dépit de quelques morceaux de bravoure disséminés ici ou là, jamais Le Dieu foudroyé n’atteindra à l’éblouissement des Dieux verts ni à l’ampleur de La Plaie. Le talent est un tigre furieux qui emporte tout dans une étourdissante chevauchée, laissant le lecteur tout ébahi ; mais à juste le tenir par la queue, il se retourne et lacère de ses crocs et ses griffes. Plus grand est le talent, plus sauvage le tigre. Ainsi le tigre du Dieu foudroyé était-il un vieil animal déjà bien fatigué.

Jean-Pierre LION
Première parution : 1/4/2019 dans Bifrost 94
Mise en ligne le : 14/9/2023

Critiques des autres éditions ou de la série
Edition ALBIN MICHEL, Super fiction (1976)

 
     Parmi les science-fictionistes français actuels, une demi-douzaine ont leur place réservée au panthéon de la littérature ; N.C.H. est de ceux-là. — Mais elle a toujours écrit la même chose ! — Certes, mais, tout comme Hugo des Orientales à la Fin de Satan, si elle ne s'est pas renouvelée, elle s'est constamment approfondie et enrichie, jusqu'à ce sommet fragile de la Plaie. — Fragile, ce pavé ? — Oui, car soumis à une double tension : entre la science-fiction et le fantastique (extrapolations scientifiques et mythes anciens : Nocturnes et Mutants sont démons et anges, mais aussi virus et anticorps), entre l'extase et l'horreur (culte de la beauté la plus éthérée et expérience des tortures et des cloaques). Ici, malheureusement, la corde trop tendue s'effiloche. Ce pourrait être un sujet d'étude passionnant, bien que consternant, que la dégradation du style en tics (ah ! cette harpe géante ! ah ! ces ailes de phalène !), des hugoliennes ruptures de ton qui renforcent le sublime par le populaire en chutes dans la banale vulgarité, des tirades en bavardages, des dialogues d'amour cornéliens en sentimentalités dignes au mieux de Géraldy, de la profondeur en obscurité, de la profusion en confusion ; bref, serait-il trop cruel d'appliquer à l'auteur ce qu'elle dit de son poète vieilli Yvan Morosov : « Dans sa mémoire les événements et les mots commençaient à se tasser, sinon à s'évaporer » ? Quant au fond, tout avait été dit dans la Plaie, l'enfer, les faux paradis, les luttes et les espoirs de salut, jusqu'au retournement victorieux in extremis ; une héroïne, Thalestra, le dit même page 235 : « Se survivait-on ? La fin de Valéran, dans un baiser d'amour monstre, au milieu d'une Sigma en flammes, terminait dignement ce poème ardent qu'avait été sa vie... sa vraie vie. Celle d'Ingmar Carrol aussi. Tout ce qui avait suivi ne comptait pas »›. Alors, pourquoi avoir monnayé le lingot d'or en centimes de plomb ? Heureux les dieux foudroyés, car ils ne connaissent pas la décrépitude qui — Jean Ray en témoigne dans Malpertuis — est d'autant plus affligeante que l'apogée était plus éblouissante.

George W. BARLOW
Première parution : 1/10/1976
dans Fiction 273
Mise en ligne le : 11/11/2013


Edition L'ATALANTE, La Dentelle du Cygne ()

« Ce cri disait tout : le monde antimatière devenu le monde anti-temps, l'horreur débordant de la Fosse du Cygne sur les constellations heureuses, les comètes noires sillonnant la Mégasphère et les quasars tombant en poussière enflammée. (Il y avait pourtant dedans le sanglot du lépreux, la plainte ténue du nouveau-né dont on fracasse le crâne sur la pierre... il y avait...) Les volutes de ce cri disaient le bouillonnement purulent de la Plaie, le germe de pourriture corrompant le fond de chaque âme et le péché universel que seul saurait laver le sang d'un dieu. » (p.161)

     Dès les premières pages, Nathalie Henneberg définit clairement ses objectifs : « Ici, je demande pardon aux âmes sensibles, aux faiseurs équilibrés d'histoires sur l'humanité moyenne, sans monstruosités. » (p.16)
     Elle choisit la démesure et se place sous les auspices de Dante et de Goethe pour la conclusion d'une oeuvre riche et foisonnante : Le dieu foudroyé est un chant hors du commun, beau, fort, étrange et émouvant... Nathalie Henneberg, en pleine possession de son art, semble écrire comme dessine Druillet lorsqu'il illustre notamment Salammbô : en allant jusqu'au bout de ses visions baroques et ténébreuses...

     Elle marie avec brio l'austérité de la tragédie antique et la puissance des plus grands mythes avec l'imagerie du space opera, les mutants ou les robots... Le résultat forme une oeuvre dense, difficile et exigeante, mais ceux qui ont déjà lu et apprécié La Plaie n'hésiteront pas à entamer le voyage.

Pascal PATOZ (lui écrire)
nooSFere

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