LE PASSAGER CLANDESTIN
(Paris, France), coll. Dyschroniques Date de parution : 11 février 2020 Dépôt légal : 1er trimestre 2020, Achevé d'imprimer : décembre 2019 Retirage Nouvelle, 56 pages, catégorie / prix : 5 € ISBN : 978-2-36935-229-7 Format : 11,0 x 17,0 cm✅ Genre : Science-Fiction
Design de couverture : Xavier Sebillotte.
Autres éditions in Sociales fictions - Les androïdes rêvent-ils d'insertion sociale ?, BREAL, 2004 in Espace vital, J'AI LU, 1987 in Espace vital, 1987 in Le Robot qui rêvait, 1988 in Le Robot qui rêvait, 1988 in Le Robot qui rêvait, 1989 in Espace vital, 1991 in Le Robot qui rêvait, 1992 in Espace vital, 1993 in Le Robot qui rêvait, 1998 in Le Robot qui rêvait, 2002 in Le Robot qui rêvait, 2002 in Le Robot qui rêvait, 2006 in Le Robot qui rêvait, 2008 in Le Robot qui rêvait, 2011 in Le Robot qui rêvait, 2018 in Espace vital, LIBRAIRIE DES CHAMPS-ÉLYSÉES / ÉDITIONS DU MASQUE, 1976 in Espace vital, 1979 in Histoires de demain, LIVRE DE POCHE, 1975 in Histoires de demain, 1976 in Histoires de demain, 1978 in Histoires de demain, 1984 in Histoires de demain, 1989 Sous le titre A voté LE PASSAGER CLANDESTIN, 2016 in Science-Fiction 1950-1980 : Quand les futurs d'hier rencontrent notre présent, 2018
Quatrième de couverture
En 1955, Isaac Asimov imagine le nec plus ultra de la démocratie sondagière
[Texte de l'éditeur]
En 2008, les États-Unis s’apprêtent à voter pour leur prochain président. Dans l’État de l’Indiana, dans le comté de Monroe, dans la petite ville de Bloomington, la rumeur enfle et semble se confirmer peu à peu... Et si c’était ici qu’allait se décider le résultat du scrutin ? Depuis que le pays s’est converti à la « démocratie électronique », le puissant ordinateur Multivac sélectionne LE citoyen qui décidera du nom du prochain leader du monde libre. L’omnisciente machine est en effet capable d’analyser ses réponses à un questionnaire qu’elle a elle-même savamment établi, les recoupant avec les tendances observées dans le reste de la société, pour déterminer le résultat de l’élection… qui, désormais, n’a plus de raison d’être.
À l’heure où les systèmes démocratiques de la planète vacillent sur leur base, il peut être intéressant de se rappeler le point de vue d’Isaac Asimov sur les dérives d’une société politique ivre de technologie, d’efficacité et de rendement.
« La collection “Dyschroniques” remet à l’honneur des textes anciens de grands noms de la SF, nouvelles ou novellas posant en leur temps les questions environnementales, politiques, sociales, ou économiques. Si certaines questions semblent moins d’actualité, d’autres, en revanche, sont devenues brûlantes et illustrent, hélas, la pertinence des craintes exprimées par les auteurs de SF. Chaque texte est suivi d’une biographie/bibliographie de l’auteur, d’un bref historique des parutions VO/VF, d’éléments de contexte, ainsi que de suggestions de lectures ou visionnages connexes. »
A voté, d’Isaac Asimov, est un court texte à lire en ces temps d’élections américaines. Écrit en 1955, alors que les sondages d’opinion avaient déjà prouvé tant leur efficacité que leurs limites, et que la publicité politique commençait son œuvre débilitante, elle poussait au bout l’idée de l’échantillon représentatif, cher aux instituts de sondage, et la mixait avec les espoirs et craintes associés à la cybernétique et au développement des ordinateurs. Asimov y imagine un monde à venir (2008, pour info) dans lequel la démocratie a été « améliorée ». Au lieu de convoquer à intervalles réguliers des dizaines de millions de citoyens pour voter – seul le grand-père se souvient de cette époque et radote dessus dans l’indifférence –, les USA s’en remettent à un seul « électeur » dont le profil permettra de désigner les élus idéaux pour toutes les fonctions politiques. Cet électeur, qui change chaque année et représente à lui seul l’américain-type, est désigné par l’ordinateur central Multivac (« qui gère les élections ainsi que bien d’autres choses »), grande responsabilité qui donne lieu à une grande excitation citoyenne. On y voit le fantasme fifties de l’ordinateur central tentaculaire et les inquiétudes légitimes devant les dérives en gestation de la démocratie élective – en 2007 Idiocracy l’avait moqué, Trump et consorts le confirment aujourd’hui. On y voit aussi l’attrition extrême d’un corps électoral ramené à un « électeur », qui interroge nos temps d’abstention massive et/ou de populisme affirmé dans ce que les politologues nomment la politique post-vérité. Intéressant bien que peu réaliste, le texte, néanmoins, est de qualité très moyenne. Jouant sur le mystère que présente ce mécanisme électoral pour le lecteur, il ne contient que peu d’intensité dramatique et met en scène un personnage falot que sa « responsabilité » émeut in fine.
Traverser la ville, de Robert Silverberg, sort en 1973, un an seulement après le rapport Meadows qui exhortait à la fin de la croissance, onze ans après le Billennium de Ballard qui pointait les risques de la surpopulation, et deux ans après son Monades urbaines sur le même thème. Les années 50 et 60 connurent simultanément l’explosion démographique et l’urbanisation du monde ; c’est alors que naquit le concept, banal aujourd’hui, de mégalopole, qui liait les deux phénomènes. D’autre part, le monde était alors l’objet de forces contradictoires entre volonté de régulation globale et poussées nationalistes variées ; comme l’Europe aujourd’hui. C’est donc un monde surpeuplé, intégralement urbanisé mais politiquement fragmenté, que décrit Silverberg. Le centre est loin, la vie s’organise dans une myriade de districts (proches des comtés US) où vivent (plutôt mal) quelques centaines de milliers de citoyens. Les districts, entre spécialisation et standardisation, ont chacun leur propre organisation politique, leur composition sociologique, leur activité économique dominante. Chacun se méfie des autres, l’âge est aux frontières, tiens donc ! C’est dans ce contexte qu’une rebelle s’exfiltre du district de Ganfield en emportant le logiciel qui régule le fonctionnement de toutes les infrastructures ; un logiciel que personne ne sait remplacer (on est ici proche de « La Pompe six » de Bacigalupi). Dans un monde automatisé où la surpopulation impose une gestion quotidienne de la pénurie endémique et dont la complexité empêche tout contrôle humain, l’évènement est dramatique ; l’effondrement guette Ganfield. Menacé de lynchage par procuration, son mari-du-mois part à sa poursuite afin de récupérer le logiciel pour sauver sa communauté. Il traverse la ville et emmène le lecteur à sa suite, lui faisant visiter un petit bout d’un monde peu attirant. C’est à la fois un peu court et très bien vu.
On notera, dans les deux textes, une vision peu valorisante de la femme. Autres temps…
Éric JENTILE Première parution : 1/1/2017 Bifrost 85 Mise en ligne le : 22/11/2022