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Novice

Octavia E. BUTLER

Titre original : Fledgling, 2005
Première parution : Seven Stories, 2005   ISFDB
Traduction de Philippe ROUARD

AU DIABLE VAUVERT (Vauvert, France)
Date de parution : 5 novembre 2020
Dépôt légal : novembre 2020
Réédition
Roman, 480 pages
ISBN : 979-10-307-0417-4
Format : 13,0 x 198, cm


Quatrième de couverture
Une enfant noire et amnésique, vampire génétiquement modifiée pour vivre à la lumière du jour, cherche ceux qui l’ont laissée pour morte après avoir décimé sa famille. Traquée, elle va devoir être initiée aux pouvoirs qu’elle se découvre.
 
Née en 1947, plusieurs fois lauréate des Prix Hugo et Nebula, mais aussi du prestigieux prix MacArthur Grant « genius », Octavia E. Butler est une des plus grandes voix américaines de la science-fiction et de l’afroféminisme. Elle est décédée en 2006 à Seattle.
Critiques

    Ayant pour thème le métissage, Novice adopte une construction elle-même hybride combinant des régimes narratifs les plus divers…

    Le roman s’ouvre par des pages à l’horreur malaisante. On y découvre la narratrice (et protagoniste) blessée et amnésique. Elle gît dans une caverne sylvestre où elle tue puis dévore une créature s’étant aventurée dans son refuge. Miraculeusement guérie par son accès de férocité prédatrice, la narratrice quitte sa cache. Elle déniche les ruines d’un hameau, théâtre d’une violence énigmatique. Ayant rejoint une route, elle y attire l’attention d’un automobiliste. Rencontrant pour la première fois un regard humain depuis son retour à la pleine conscience, elle s’entend dire par Wright, le conducteur, qu’elle est une fillette afro-américaine d’une dizaine d’années. Déjà singulière, la narratrice le devient alors encore plus, en se mettant à boire le sang de Wright après l’avoir blessé. Ayant ainsi révélé la nature vampirique de l’enfant sauvage, Novice teinte bientôt son épouvante déjà perturbante d’un érotisme pareillement dérangeant. Tirant d’abord une véritable jouissance de la consommation de son sang par la fillette, l’adulte qu’est Wright aura bientôt avec elle un rapport sexuel apparemment pédophile… jusqu’à ce que l’on apprenne que l’infantile héroïne de Novice a en réalité cinquante-trois ans ! Se muant en enquête menée par la femme-enfant et son compagnon, le roman nous dévoile que Shori (tel est son prénom) appartient aux Inas, qui constituent une branche spécifique du genre humain. Semblables à nous autres Homo sapiens, les Inas s’en distinguent par une mutation génétique faisant d’eux (entre autres singularités) des buveurs de sang, si possible humain…

    En réinterprétant ainsi le motif vampirique, Novice évoque Les Fils des ténèbres de Dan Simmons (cf. Bifrost n°101), imaginant lui aussi une origine science-fictionnelle aux « nosferatus ». Mais alors que Dan Simmons campait classiquement le « non-mort » en monstre destructeur, Octavia E. Butler voit dans le vampirisme génétique des Inas un phénomène salvateur et libérateur. Rejoignant en cela Laisse-moi entrer de John Ajvide Lindqvist, Novice fait de ses vampires des êtres bénéfiques pour les humains choisissant de s’associer à eux. Développant avec ceux-ci une relation symbiotique, les Inas (eux-mêmes appelés à vivre des siècles) leur offrent une exceptionnelle longévité. Ils leur permettent en outre d’intégrer une société parallèle à celle de la classique humanité, matriarcale et libertaire, et décrite avec une précision transformant alors Novice en traité ethnologique. Déjà autrement plus avancé que le monde patriarcal de l’Homo sapiens (du moins d’un point de vue progressiste), celui des Inas est sur le point de franchir un nouveau cap émancipateur. Et ce grâce à Shori, qui constitue la première métisse Ina/ Homo sapiens, incarnant ainsi la promesse d’une nouvelle ère dans l’histoire commune aux deux espèces.

    Tous les Inas n’apprécient cependant pas cette évolution, les plus conservateurs d’entre eux étant à l’origine des violences ayant frappé Shori et ses proches. Cet affrontement déchirant les Inas trouvera sa résolution avec un procès, amenant in fine Novice du côté du roman judiciaire. Ce n’est pas la partie la plus exaltante d’un récit procurant un plaisir de lecture d’intensité variable. Plus ou moins convaincant selon les genres adoptés, il séduit avant tout par sa réappropriation spéculative de la figure vampirique. Intellectuellement stimulant, Novice s’avère narrativement plus frustrant, peinant à maintenir l’intrigante tension des chapitres inauguraux…

Pierre CHARREL
Première parution : 1/10/2022 dans Bifrost 108
Mise en ligne le : 5/6/2025

Critiques des autres éditions ou de la série
Edition AU DIABLE VAUVERT, (2008)

     Depuis la fin des années 50, les vampires n'ont jamais cessé d'être à la mode, pas même quelques mois ; pour s'en convaincre il suffit de regarder la liste des films et livres qui, depuis l'époque où Christopher Lee a chaussé son premier dentier, leur donnent le beau rôle.... sans parler de la télévision, et notamment de ces chers Buffy et Angel.

     De temps à autre, un auteur (ou un cinéaste — Kathryn Bigelow en 1987 avec Aux frontières de l'aube ; Abel Ferrara en 1995 avec The addiction ; Po-Chih Leong en 1998 avec La Sagesse des crocodiles) tente une approche originale à défaut d'être totalement inédite, ce qui donne parfois des œuvres marquantes. Pour ce qui est du strict domaine littéraire, on citera L'Aube écarlate de Lucius Shepard (critique dans Bifrost51), Riverdream de George R. R. Martin (critique dans Bifrost42) ou Âmes perdues de Poppy Z. Brite. Novice raconte l'histoire de Shori, une vampire amnésique de 53 ans dont le corps, toujours en pleine croissance, ressemble à celui d'une petite fille noire de 10 ans. Alléchant, sauf que l'ouvrage échoue dès le départ à convaincre, plus d'ailleurs comme roman que comme « roman de vampires ».

     Bourré de très bonnes idées (beaucoup malheureusement moissonnées chez Stephen King), audacieux (puisque le vampirisme décrit est un vampirisme de plaisir, de sélection génétique et de symbiose avant tout, et non un vampirisme de folklore, de domination et de meurtre), Novice se lit davantage comme un best-seller à la Michael Crichton que comme un livre fantastique. Ainsi n'est-on pas surpris de voir cet ouvrage souffrir des habituels défauts du tout-venant catégorie « thriller de plage » : c'est long, très bavard et construit sur une trame usée jusqu'au moindre de ses atomes : héroïne amnésique poursuivie par des tueurs implacables, vampirette pleine de ressources qui vogue de révélation en révélation, pour laquelle la vérité se retourne comme un gant, une fois, deux, trois fois, ad nauseam. Seule surprise, la fin du livre, qui tend vers le « film de procès » cher au cinéma américain depuis Douze hommes en colère.

     A le regarder de près, le texte est encore moins convaincant : style inexistant ou presque, failles scénaristiques, nombreuses, qui vous sortent de votre lecture comme si vous veniez de recevoir un coup de poing à l'estomac, scènes d'un manque de crédibilité incroyable (notamment la première « vampirisation » de Shori, et tout le passage où un groupe de fermes brûle pendant deux jours, sans que personne ne s'en aperçoive), tout comme est incroyable l'incompétence crasse des autorités locales chaque fois qu'un nid de vampires est éradiqué dans un immense feu de joie. Pour tout arranger, l'édition française est à l'avenant : traduction falote, Bram Stoker orthographié Stocker, et j'en passe...

     Les livres ratés ne manquent pas, mais en plus d'être raté, Novice m'a semblé — commentaire subjectif en diable — déplaisant, sans trop que je sache d'où venait précisément le malaise. Rien de précis, donc, mais une accumulation de petits détails, de petites remarques sur les races, les sectes, la foi, la génétique, qui donnent une drôle de texture à l'ensemble, un peu comme quand vous mâchez un fortune cookie trop vieux. Shori, noire, a des esclaves (qu'elle considère comme des symbiotes), mais n'a pas d'état d'âme puisqu'ils sont a priori heureux, comme il se doit. Par ailleurs, même si on arrive fastidieusement à considérer l'héroïne comme une adulte, sa sexualité régulièrement remise sur la table finit par lasser, et l'audace laisse rapidement la place à une impression déplaisante de gratuité (Lolita est un chef-d'œuvre sur le plan du style, enrobage qui fait « passer » beaucoup de choses susceptibles de rester en travers de la gorge, sans même parler de son humour ; Novice n'arrive ni à la cheville, ni à la semelle du plus célèbre roman de Vladimir Nabokov).

     Avec Novice, l'afro-américaine Octavia Butler (surtout connue pour son diptyque La Parabole du semeur, La Parabole des talents — Au Diable Vauvert) a, ce qui ne surprendra personne, voulu écrire sur l'esclavagisme, les préjugés, les différences raciales, les forces et faiblesses du métissage, chassant ainsi sur les terre de Toni Morrison (Beloved, Jazz), de Percival Everett (Effacement) et de Pete Dexter (Train). Malheureusement Novice, présenté par l'éditeur français comme son testament littéraire (Octavia Butler est morte en 2006, à l'âge de 59 ans), souffre terriblement de telles comparaisons et semble « inachevé ». Là où Toni Morrison (Prix Nobel de littérature en 1993) avale à pleins poumons les problématiques raciales, les inspire et les expire avec force jusqu'à créer une tempête sous le crâne de ses lecteurs, Octavia Butler crapote, ne s'élève jamais très haut et provoque avant tout l'ennui.

Thomas DAY (site web)
Première parution : 1/10/2008
dans Bifrost 52
Mise en ligne le : 23/9/2010

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