J'AI LU
(Paris, France), coll. Ténèbres n° 2862 Date de parution : 1er février 2000 Dépôt légal : janvier 2000, Achevé d'imprimer : 21 janvier 2000 Réédition Roman, 544 pages, catégorie / prix : K ISBN : 2-290-30069-1 Format : 11,0 x 18,0 cm✅ Genre : Fantastique
Né à Bangkok, en 1952, S.P. Somtow a fait ses études à Eton et à Cambridge. Musicien célèbre, il a commencé une carrière d'écrivain en 1977 et a été récompensé par de nombreux prix pour ses nouvelles et romans fantastiques.
À douze ans, Timmy Valentine est déjà une star du rock et son nouveau single, « Vampire Junction », semble bien parti pour battre des records de vente. Pourtant, réfugié dans sa demeure baroque sur les hauteurs de Los Angeles, il se sent de plus en plus seul et mal à l'aise. Car il n'est pas seulement un artiste plein d'avenir, il a aussi un passé. Et quel passé ! Deux mille ans d'histoire : Timmy Valentine est vampire. Mais loin de se satisfaire de sa condition, il ne cesse de se remettre en question et de chercher des réponses. Ces réponses, la psychanalyste Carla Rubens les lui fournira peut être...
Loin des habituels clichés du genre, S.P. Somtow propose une histoire fascinante et complexe où l'amour et le destin remplacent l'ail et les crucifix.
Coté S-F, Folio a sorti la version définitive de Mallword. Puis « Lunes d'encre » l'édition intégrale des « Chroniques de l'inquisition ». C'est maintenant au tour de l'œuvre fantastique de Somtow de quitter le purgatoire éditorial. Folio « SF » réédite Vampire junction aux cotés d'un très bon cru de fantastique : Brite, Bradbury et Piccirilli (cf. critique plus haut dans le présent Bifrost). Vu la disette éditoriale du fantastique en général, et en poche en particulier, on ne s'en plaindra évidemment pas.
Vampire junction est le premier tome d'une volumineuse trilogie, « Timmy Valentine ».
Timmy est un vampire. Ses premiers souvenirs datent de la Rome antique, aux cotés d'une sibylle dont il fut l'un des jeunes eunuques. S'il ne meurt pas, il ne vieillit pas non plus. Il a donc toujours 12 ans, et une voix de castrat. Cette particularité lui a rendu de grands services, puisque, après avoir été chanteur classique au lendemain de la Seconde guerre mondiale, il est devenu une immense pop star dans les années 80. Autant de siècles de souvenirs, où Auschwitz croise le terrible Gilles de Rais (que l'auteur rend plus proche des clichés de Huysmans que du remarquable essai de Georges Bataille : Le Procès de Gilles de Rais). C'est donc dans le but de mettre un peu d'ordre dans tout ça que Timmy entreprend une psychanalyse. Une psychanalyse jungienne, tant qu'à faire, puisqu'elle semble plus susceptible de convenir à un archétype comme le vampire qu'il est.
Sauf que bien sûr, sa psychanalyste est divorcée, et que — cerise sur le gâteau — son ex est le plus jeune des Dieux du chaos. Qui sont-ils ? Une bande de vieux sybarites qui ont, dans leur jeunesse, croisé la route de Timmy. Que cherchent-ils vraiment ? Bien malin qui pourrait le dire, à la fin des 500 premières pages. Il faut même attendre les 80 dernières (sur 600 !) pour que l'auteur nous torche vraiment le dénouement du livre en deux parties : 40 pages pour joindre les intrigues, et 40 autres pour bâcler une fin à la va-vite, tout en se ménageant une porte de sortie pour le tome suivant. Vampire junction est une réussite majeure sur au moins une chose : comment faire un pavé avec une intrigue de novella ? De ce point de vue, il n'y a rien à redire : le livre est une grande réussite. La seconde réussite du roman est le coup d'esbroufe psychanalytique. Outre un personnage de psychanalyste bien inconsistant, essentiellement ravalé au rôle de témoin et de confident, c'est finalement la psychanalyse elle-même qui est la grande absente du livre. A part quelques lieux communs sur les archétypes, inutile d'avoir l'espoir d'en apprendre davantage sur l'inconscient collectif jungien. Dommage, car la psychanalyse reste pourtant un terreau potentiellement riche pour l'imaginaire, comme on a pu le voir avec des auteurs comme Ballard.
« Vampire Junction est le premier volet d'une trilogie mêlant rock et vampires, meurtre abominables et déviances sexuelles », nous affirme la quatrième de couverture. Je me sens donc à la fois soulagé et inquiet d'avoir réussi à lire le premier tome. Soulagé, parce qu'il ne m'en reste plus que deux sur les trois à lire. Angoissé, aussi, en me disant qu'il m'en reste encore deux... L'indécrottable pessimiste que je suis ne peut qu'espérer un léger mieux, car après tout, ça pourrait difficilement être pire.
Mauvaise pioche, donc, pour ce titre. Mais gardons tout de même le sourire : entre Brite et Piccirilli, l'amateur de fantastique trouvera son bonheur dans la dernière livraison de Folio « SF ». Croisons donc les doigts pour que les prochaines rééditions soient mieux inspirées : on trouve en effet de nombreuses perles dans la défunte collection « Présence du fantastique »...