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Démons et merveilles

Howard Phillips LOVECRAFT

Première parution : Paris, France : les Deux-rives, Lumière interdite, novembre 1955
Traduction de Bernard NOËL
Illustration de Alain MEYLAN

UGE (Union Générale d'Éditions) - 10/18 (Paris, France), coll. 10/18 - Domaine étranger n° 72 suivant dans la collection
Dépôt légal : 1er trimestre 1963, Achevé d'imprimer : 28 octobre 1963
Retirage
Recueil de nouvelles, 256 pages, catégorie / prix : 2,55 F
ISBN : néant
Format : 10,9 x 17,9 cm
Genre : Fantastique

"Démons et merveilles" est le titre d'une chanson de Jacques Prévert & Maurice Thiriet pour le film les Visiteurs du soir de Marcel Carné.

Autres éditions
   in Druillet - Lovecraft, BARBIER, 2024
   in Druillet - Lovecraft, 2024
   in Druillet - Lovecraft, 2024
   BIBLIOTHÈQUE MONDIALE, 1958
   DEUX RIVES, 1955
   FAMOT, 1974
   OPTA, 1976
   UGE (Union Générale d'Éditions) - 10/18, 1963, 1973, 1977, 1979, 1982, 1990, 1991, 1996, 2015

Quatrième de couverture
     « Comparé à ces contes, Poe ressemble à de la musique de chambre », a écrit Daniel George. On sait maintenant que Lovecraft est le premier romancier moderne dans l'ordre du fantastique.
     Les récits qui composent Démons et merveilles sont autant de voyages hallucinants et angoissés à travers cet Inconnu que les découvertes scientifiques modernes n'ont réussi qu'à multiplier.
Sommaire
Afficher les différentes éditions des textes
1 - Jacques BERGIER, H. P. Lovecraft ce grand génie venu d'ailleurs, pages 7 à 16, préface
2 - Le Témoignage de Randolph Carter (The Statement of Randolph Carter, 1920), pages 15 à 25, nouvelle, trad. Bernard NOËL
3 - La Clé d'argent (The Silver Key, 1929), pages 27 à 45, nouvelle, trad. Bernard NOËL
4 - Howard Phillips LOVECRAFT & Edgar Hoffmann PRICE, À travers les Portes de la Clé d'argent (Through the Gates of the Silver Key, 1934), pages 47 à 109, nouvelle, trad. Bernard NOËL
5 - À la recherche de Kadath (The Dream-Quest of Unknown Kadath, 1939), pages 111 à 250, novella, trad. Bernard NOËL
Critiques des autres éditions ou de la série
Edition DEUX RIVES, Lumière interdite (1956)

    Sous le titre « Démons et merveilles », dans leur nouvelle collection « Lumière Interdite », les Éditions des Deux-Rives nous offrent un curieux cycle de quatre nouvelles de Lovecraft, indûment baptisé « roman ». Lovecraft a des admirateurs et des détracteurs également passionnés ; les uns et les autres trouveront ici des raisons supplémentaires de s’ancrer dans leur jugement (en attendant le quatrième recueil de ses œuvres, prévu par Denoël). Pour moi, qui me range parmi les premiers cités, ce volume comprend un récit que je considère certainement comme le chef-d’œuvre de l’auteur : « À travers les portes de la clé d’argent ». C’est ce récit, avec les deux autres qui le précèdent, qui forme le véritable cycle, et cette première moitié du livre suffira à combler les amateurs. Malheureusement, il en reste un quatrième, qui tient à lui seul toute la seconde moitié… et on se demande par quelle aberration l’éditeur en a jugé la publication opportune, car c’était peut-être le seul de tous les Lovecraft qui méritait de ne pas être exhumé !

    À cet inconvénient s’en ajoute un autre. Je connaissais en anglais les trois premières histoires et les avais trouvées admirables dans leur langue d’origine. Or, j’ai souvent été sur le point de les juger illisibles et insupportables dans la traduction qu’on nous en propose… Lovecraft n’a décidément pas de chance avec ses traducteurs. Aux maladresses et aux impropriétés de Jacques Papy succèdent la lourdeur et la platitude de Bernard Noël. Papy parvenait cependant à sauvegarder l’atmosphère, tandis que Noël, lui, l’annihile complètement. Lovecraft n’est pas ce qu’on appelle un styliste, sa démesure fait éclater toute rigueur, mais son génie de visionnaire illumine sa prose. À cette prose torrentielle charriant les mots comme des comètes, il est pénible de voir substitué ce langage rocailleux qui ahane à suivre le trajet. Où il fallait un souffle épique, on a une sécheresse terre-à-terre. Ceci est d’autant plus irritant que la traduction, par ailleurs, est d’une fidélité mathématique au texte ; en somme, c’est un excellent mot à mot. Mais que n’a-t-on embauché un rewriter ! Je souhaite, toutefois, que la comparaison me rende difficile et que les lecteurs, dépourvus de ce critère, ne soient pas gênés comme moi. Mais ne croyez pas que j’exagère et que je sois injustement sévère. Ainsi, voici un exemple entre cent, pour l’édification des anglicistes. J’ai dit que la traduction de M. Noël était un mot-à-mot, c’est-à-dire qu’elle l’est jusqu’au contresens. Et comme preuve, je me fais un plaisir d’épingler la plus ahurissante bourde que j’ai jamais vue sous la plume d’un traducteur : page 21, pour traduire « so long », qui veut dire « adieu », M. Noël écrit littéralement… « si long » ! Ce qui donne cette phrase énorme : « Si long, Carter, je ne vous reverrai plus » ! (Textuel et sans commentaires !)

    Voici donc ce livre : mal fagoté, mal attifé, mi-partie décevant. Comprendra-t-on que je lui choisisse malgré tout une place d’honneur sur mes rayons ? J’ai dit pourquoi (à cause de ce long récit intitulé : « À travers les portes de la clé d’argent »).

    Les deux premières histoires : « Le témoignage de Randolph Carter » et « La clé d’argent », bien qu’excellentes, ne peuvent avoir qu’une valeur de repoussoir. Relativement courtes, elles ne font que préparer les thèmes et le climat qui seront intensifiés dans la troisième, clé de voûte du recueil. La première vaut néanmoins par son contexte d’horreur purement subjective, ce qui est exceptionnel chez Lovecraft. Le manque d’unité entre les trois s’explique par le fait qu’elles ont été écrites pour des parutions séparées en magazine (et sans idée préconçue de continuité au départ).

    Dans « À travers les portes de la clé d’argent », ensuite, Lovecraft semble renverser les barrières de l’imagination pour nous entraîner plus loin qu’il n’a jamais été dans ses reconstructions forcenées de l’univers. On éprouve à lire ce récit le même sentiment de vertige qu’avec « Dans l’abîme du temps » ou « Les montagnes hallucinées », mais un sentiment à la force décuplée. Mieux que jamais, Lovecraft est ici le créateur d’un fantastique parfaitement dépourvu de limites. Ce qu’il nous donne, à la faveur d’un voyage échevelé à travers les dimensions, c’est toute une vision du cosmos. Une vision qui semble toujours frôler le point où elle eût fait chanceler le cerveau assez hardi pour l’avoir conçue. On retrouve, dans cette coulée de pages incandescentes, un super-concentré de tous les grands thèmes, de tous les « trucs » géniaux (le mot n’est pas péjoratif) qui constituent la « manière » lovecraftienne. C’est un récit prototype, le plus significatif de son auteur, le plus réussi. Lovecraft démolit le concret, fait reculer les frontières de l’abstrait, jongle avec les données de l’univers mathématique, remonte le temps, dépasse l’espace, brasse les concepts d’une métaphysique délirante et ordonne le tout (oui, ordonne !) en une algèbre de l’univers. De ce kaléidoscope d’images supra-terrestres, on ressort légèrement groggy et incapable d’une pensée lucide. Ravi aussi, si l’on se croyait blindé, à force, contre l’effet Lovecraft, de constater qu’on y a succombé une fois de plus !

    Reste enfin « À la recherche de Kadath », le récit terminal. Je n’y insisterai pas trop ; je ne veux pas être méchant. Disons au moins qu’on ressent en toute objectivité une grande admiration pour l’esprit qui a eu la force (ainsi que l’endurance !) de concevoir et de matérialiser cette accumulation littéralement démentielle de visions jamais imaginées ! En un sens, cela relève de la corde raide ; on s’attend toujours à ce que l’auteur déclare forfait. Mais non, il continue, imperturbable ; il entasse ses monstres, ses horreurs, ses cauchemars, avec le rythme méthodique d’une moissonneuse-lieuse. Jacques Bergier, dans son intéressante préface, note que ce voyage au pays des rêves est en fait une véritable autobiographie rêvée. Elle semble pourtant très artificiellement concertée ; sans doute la trame provient-elle bien de rêves (comme d’ailleurs beaucoup de choses chez Lovecraft), mais leur mise en forme est aussi peu spontanée que possible.

    Ce récit fut un des tout derniers de l’écrivain avant sa mort. On pourra toujours en tirer une relation de cause à effet et admettre que ce grand mécanisme se rouillait. Car, en définitive, « À la recherche de Kadath » fait étrangement penser à un plagiat de Lovecraft par quelqu’un qui n’aurait pas le sens du ridicule. Que l’œuvre ennuie, c’est énorme, mais qu’elle prête à rire, cela dépasse tout. Ces monstres plus repoussants les uns que les autres finissent par avoir l’air échappés d’un film d’Abbott et Costello. On a de plus en plus de mal à garder son sérieux lorsque interviennent – summum de l’horreur – les « maigres bêtes de la nuit » et les « gélatineuses bêtes lunaires »… Et enfin, l’entrée en scène pour couronner le tout de « Nyarlathotep, le chaos rampant » ( !) fait presque figure de gag.

    Ceci n’est amélioré en rien par cette traduction sottement littérale, qui souligne la débauche d’épithètes inutiles dont le texte est agrémenté.

    En réalité, il y a une hypothèse qui arrangerait tout : ce serait de supposer que Lovecraft a voulu écrire une parodie (celle-ci serait géniale). Hélas ! je crains que ce ne soit pas le cas !

Alain DORÉMIEUX
Première parution : 1/2/1956
Fiction 27
Mise en ligne le : 20/4/2025

Cité dans les Conseils de lecture / Bibliothèque idéale des oeuvres suivantes
Francis Berthelot : Bibliothèque de l'Entre-Mondes (liste parue en 2005)

Adaptations (cinéma, télévision, BD, théâtre, radio, jeu vidéo...)
The Testimony of Randolph Carter , 1987, Andrew Leman (d'après le texte : Le Témoignage de Randolph Carter), (moyen métrage)
Créature des ténèbres , 1993, Jean-Paul Ouellette (d'après le texte : Le Témoignage de Randolph Carter)
Dream-Quest of Unknown Kadath (The) , 2003, Edward Martin III (d'après le texte : A la recherche de Kadath), (Film d'animation)
Statement of Randolph Carter (The) , 2005, Edward Martin III (d'après le texte : Le Témoignage de Randolph Carter), (Court Métrage)
Statement (The) , 2007, Kurt Dudley (d'après le texte : Le Témoignage de Randolph Carter), (Court Métrage)

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