LES MOUTONS ÉLECTRIQUES
(Bordeaux, France) Date de parution : 17 juin 2022 Achevé d'imprimer : mai 2022 Réédition Roman, 320 pages, catégorie / prix : 24 € ISBN : 978-2-36183-798-3 Format : 16,2 x 21,0 cm✅ Genre : Science-Fiction
Par une nuit étoilée, au sommet d’une colline, durant la Seconde Guerre mondiale, un Anglais se prépare à vivre le voyage le plus extraordinaire jamais entrepris par un homme. Troublé par les remous de l’existence et du monde, cet alter ego de l’auteur s’abîme dans la contemplation des étendues célestes. Par l’esprit, entraîné loin de son corps resté sur Terre, commence alors pour lui une épopée véritablement cosmique qui le conduira, de planète en galaxie, de civilisations extraterrestres en astres conscients, aux confins de l’univers, à la recherche du Créateur d’étoiles.
Nouvelle traduction intégrale, par Leo Dhayer, d’un classique de la science-fiction salué comme le chef-d’œuvre d’Olaf Stapledon et comme un repère essentiel du genre.
« Créateur d’étoiles représente la fresque la plus gigantesque de toute l’œuvre de Stapledon et peut-être de la littérature contemporaine, puisqu’il englobe l’histoire de tout notre univers et de quelques autres. […] C’est dans l’invention, c’est dans la création de son propre univers qu’il faut chercher le véritable Stapledon, l’anti-Pascal par excellence qui ne redoute plus rien du silence des espaces infinis puisqu’il les peuple de ses rêves. » (Gérard Klein)
Critiques
Au cours des années 1930, un écrivain anglais s’inscrivant dans les pas de H.G. Wells a, en l’espace d’une poignée de livres, brossé une histoire du futur à l’ambition aussi étonnante que démesurée. Tous sont épuisés depuis belle lurette, et grâces soient rendues à Léo Dhayer d’avoir retraduit le plus vertigineux d’entre eux, Créateur d’étoiles.
Reprenons. Avec Les Derniers et les premiers (1930), Olaf Stapledon a raconté l’histoire de l’humanité, ou plutôt des humanités futures, dix-huit au total, sur la bagatelle de deux milliards d’années. Son pendant, Les Derniers hommes à Londres (1932), voit l’un des derniers humains, dont le monde est en proie aux feux délétères d’un soleil vieillissant, investir l’esprit d’un jeune homme du début du xxe siècle, afin de l’étudier et de l’influencer. Ces livres ne sont pas des romans au sens strict, dans la mesure où l’on aura du mal à y trouver des personnages… à moins de considérer les races humaines successives comme autant de protagonistes. Mais tout le vertige suscité parLes Derniers et les premiers n’est rien en regard de Créateur d’étoiles (1937).
Un soir, peut-être suite à une dispute avec son épouse, le narrateur s’en va prendre l’air sur une colline. De là, son esprit s’élève vers les cieux ; bien vite, le voilà qui explore l’espace et le temps, rencontre d’autres âmes errantes, s’unit avec elles au sein d’esprits de rang supérieur, assiste à la vie de l’Univers, de ses premiers instants jusqu’à sa lointaine fin.
Plusieurs décennies après sa prime parution, de nombreux aspects de Créateur d’étoiles demeurent frappants. À commencer par la précision de l’auteur vis-à-vis connaissances de l’époque : dans sa prose volontiers lyrique, Stapledon reste en phase avec les récentes découvertes du moment en astronomie, qu’il s’agisse de la pluralité des galaxies comme autant d’univers-îles, la fuite d’icelles et l’expansion de l’Univers. À cela s’ajoute une foi constante en l’esprit « humain », que cet esprit appartienne à un homo sapiens ou à quelque créature éloignée dans l’espace et le temps, mais douée de sensibilité et de raison. Au fil des pages, l’auteur fait preuve d’une inventivité folle, pour imaginer la vie partout où elle peut apparaître… ou s’éteindre.
Il y a dans Créateur d’étoiles la matière à des dizaines de romans, et cela fait quatre-vingts ans que la SF les déploie. Interviewé sur ses liens avec Arthur C. Clarke dans notre 102e livraison, Stephen Baxter reconnaissait une manière de dynastie science-fictive, initiée par Wells, poursuivie par Stapledon, puis Clarke. La dette de l’auteur du cycle des « Xeelees » envers Stapledon est flagrante dans des romans commeExultant, Temps et Espace. De ce côté-ci de la Manche, on peut inscrire dans cette continuité le récent La Nuitdu faune de Romain Lucazeau. Avec cette réédition, hautement recommandable pour tous les amateurs de sense of wonder, on ne peut qu’espérer la poursuite de ce déploiement.
On pratique peu ce genre, à cheval sur la philosophie historique et la cosmologie. Ce sont surtout les Anglais qui l'ont cultivé. Stapledon évidemment, mais aussi C.S. Lewis (dont Cette Hideuse puissance vient d'être réédité chez le même éditeur ) et Lindsay (Denoël). Mais on peut reconnaître l'un des précurseurs chez le Français De Fontenay avec le fameux Star ou Psi de Cassiopée redécouvert par R. Queneau (in Bâtons chiffres et lettres. Idées) et que Denoël a repris il y a quelque temps. Le texte est doté d'une double caution : l'une des dernières préfaces du regretté J. Bergier et surtout un avant-propos de J.L. Borges. Comme tout ce qu'écrit ce diable d'homme, c'est à la fois génial et paradoxal : on y trouve toujours de quoi repenser ses certitudes les mieux établies. Je ne me donnerai pas le ridicule de parler après lui de cet ouvrage. Je signale néanmoins qu'entre Denoël et Oswald presque toute l'œuvre de cet auteur, que nombre de spécialistes tiennent pour l'un des plus extraordinaires visionnaires anglais depuis W. Blake, est maintenant traduite en français. Déguster à petites gorgées.