Thomas est un poète talentueux et insouciant, qui parcourt le monde au gré de ses envies. Mais quand il accepte le baiser de la Reine des Elfes, celle-ci l’emporte pendant sept années dans un pays aussi magique qu’inquiétant. Thomas devient alors le pion de la Reine, autant que de la partie qui l’oppose au Chasseur…
Ellen Kushner (À la pointe de l’épée) nous plonge dans l’univers poétique et celtique de Thomas le Rimeur, un roman qui lui a valu un World Fantasy Awards.
A priori, rien que de très classique dans cette nouvelle version de la ballade écossaise sur le séjour d'un joueur de harpe au pays de Faërie, qui a valu à son auteur le World Fantasy Award en 1991. Jeune et beau, Thomas le Rimeur fréquente la grande noblesse et même la cour royale, adoucissant les cœurs des hommes grâce à ses talents de ménestrel et volant ceux des dames par la séduction. Son cœur semble destiné à céder tôt ou tard devant la beauté et la patience d'Elspeth, fille orpheline de simples fermiers. Hélas, en se promenant seul sur les collines un jour, il tombe sous les charmes ensorcelés de la Reine des Elfes, qui lui offre un baiser en échange de sept ans à son service dans son royaume. Là-bas, il verra mille merveilles et connaîtra des moments d'intense plaisir, mais il apprendra aussi ce qui est la souffrance en amour. Et une fois revenu dans notre monde à nous, il devra vivre avec les cadeaux (empoisonnés ?) que lui lègue la Reine : une compulsion à dire toujours la vérité et un don pour prévoir l'avenir des hommes. Il deviendra Thomas le Sincère.
Kushner développe son récit avec beaucoup de simplicité et d'élégance, dans une prose dénuée de toute fioriture (à part les morceaux de ballades qui ponctuent le texte), mais dont certaines phrases résonnent avec une force étrange. L'intrigue se corse légèrement au moment de la confrontation périlleuse de Thomas avec Chasseur, l'un des Elfes les plus puissants du royaume de Faërie, où l'histoire d'amour racontée par une deuxième ballade s'imbrique dans la sienne. Mais c'est surtout par son réalisme psychologique et sa sagesse humaine que ce roman convaincra le lecteur, en décrivant la progression de Thomas vers la maturité et l'empathie, ainsi que les réactions de ses proches à sa réapparition dans le monde ordinaire. Un peu à l'image de son personnage, Kushner ne cherche pas seulement à nous dépayser. Le résultat est à la fois très beau, très émouvant et très réconfortant, à lire de préférence calfeutré l'hiver devant une cheminée...
Il est en ce monde des puissants qu'il vaut mieux ne pas approcher. C'est non seulement vrai de certains souverains despotiques ou dérangés, quoique d'apparence bien humaine, mais également d'êtres a la puissance plus occulte. La Reine des Elfes, par exemple. Le jeune troubadour Thomas rêvait de devenir le meilleur, le plus grand, le plus adulé, et de cour en cour il courait divertir les puissants de ce monde Jusqu'au jour où l'éclat de son talent, s'ajoutant à l'éclat naturel de toutes les vies humaines, cette chaleur de l'âme qui fascine et attire les fées éthérées, fit le malheur de Thomas.
Convoqué par la Reine des Elfe, Thomas le Rimeur va vivre auprès d'elle sept années de fascination et de plaisir. Revenu dans le monde des mortels, il va découvrir que son séjour l'a transformé au point de faire de lui un être de transition, ni humain ni elfe : d'habitude, la légende veut qu'un homme de retour de Faërie vieillisse subitement. Thomas le Rimeur, lui, est devenu autre. Habité par des pouvoirs de prophéties et par le don de la « parole vraie » (terrible malédiction dans une société où sont nécessaires l'hypocrisie et la diplomatie), Thomas va devoir réapprendre à vivre, retrouver la femme qu'il aimait, regagner son statut de chanteur populaire.
Avant d'être un roman, Thomas le Rimeur était une balade, l'une des plus célèbres du répertoire folklorique Celte. Ellen Kushner, autrice de fantasy et animatrice radio fascinée par les musiques du monde, lui a donné corps sous la forme enchanteresse de l'un des plus beaux romans récents de la littérature merveilleuse : « d'ores et déjà un classique de la fantasy », annonce avec raison la quatrième de couverture de cette belle traduction française. En quatre parties, contées par autant de personnages, et en de nombreuses légendes glissées au fil des pages, s'esquisse le parcours profondément bouleversant d'un homme qui n'aurait jamais dû se dépasser lui-même. Une fable sur la condition humaine, prenant appui sur la tradition pour mieux nous parler du présent.
Thomas le Rimeur datant d'il y a 20 ans, on n'osait plus croire à sa parution en France Ouf ! Car voici un roman qui s'impose comme l'un des meilleurs exemples de la fantasy en tant que genre littéraire mâture. Qu'il sorte sous l'élégante couverture d'une toute nouvelle collection, qui sait faire usage d'une présentation « respectable » (pouvant séduire un large public) sans renier son appartenance au genre (le mot fantasy est bien cité en couverture), ne peut que nous réjouir davantage Espérons que ses directeurs sauront toujours faire preuve d'autant de goût