Ian WATSON Titre original : Slow Birds and Other Stories, 1985 Première parution : London : Victor Gollantz Ltd, octobre 1985ISFDB Traduction de Pierre-Paul DURASTANTI Illustration de Pascal MORET
DENOËL
(Paris, France), coll. Présence du futur n° 448 Dépôt légal : octobre 1987, Achevé d'imprimer : septembre 1987 Première édition Recueil de nouvelles, 224 pages, catégorie / prix : 7 ISBN : 2-207-30448-5 Format : 10,9 x 17,8 cm✅ Genre : Science-Fiction
Quatrième de couverture
Une terre survolée par de mystérieux « oiseaux lents » qui explosent au hasard, laissant derrière eux des cercles vitrifiés pour la plus grande joie des amateurs de patin à voile…
Une terre qu'agrandit progressivement l'inconscient collectif pour y incruster des fragments de réalité onirique…
Une terre où l'on a ressuscité Lucrèce et qui se met à coïncider avec la vision atomistique du poète-philosophe latin…
Une terre où les missiles de croisière se prennent pour des oiseaux migrateurs et fraternisent avec les hirondelles…
Des terres en folie, drôles ou inquiétantes, qui ne décrochent du réel que pour mieux en explorer les dimensions.
L'auteur :
Né en 1943, Ian Watson est l'un des représentants les plus originaux de la science-fiction britannique moderne.
Révélé par L'enchâssement (Calmann-Lévy), qui lui a valu le prix Apollo 1975, il est surtout connu comme un romancier nourri des découvertes les plus en pointe des sciences humaines, mais son œuvre de nouvelliste a d'étonnantes saveurs borgésiennes.
1 - Dans la serre (In the Hothouse, 1985), pages 9 à 10, introduction, trad. Pierre-Paul DURASTANTI 2 - Les Oiseaux lents (Slow Birds, 1983), pages 11 à 40, nouvelle, trad. Pierre-Paul DURASTANTI 3 - L'Élargissement du monde (The Width of the World, 1983), pages 41 à 56, nouvelle, trad. Pierre-Paul DURASTANTI 4 - Les Socquettes blanches (White Socks, 1985), pages 57 à 85, nouvelle, trad. Pierre-Paul DURASTANTI 5 - Le Conférencier fantôme (Ghost Lecturer, 1984), pages 87 à 105, nouvelle, trad. Pierre-Paul DURASTANTI 6 - Maîtresse du froid (Mistress of Cold, 1984), pages 107 à 120, nouvelle, trad. Pierre-Paul DURASTANTI 7 - Dans le miroir de la Terre (In the Mirror of the Earth, 1983), pages 121 à 136, nouvelle, trad. Pierre-Paul DURASTANTI 8 - Croisière (Cruising, 1983), pages 137 à 145, nouvelle, trad. Pierre-Paul DURASTANTI 9 - L'Univers sur le retour (Universe on the Turn, 1984), pages 147 à 164, nouvelle, trad. Pierre-Paul DURASTANTI 10 - La Chair de ses poils (The Flesh of her Hair, 1984), pages 165 à 183, nouvelle, trad. Pierre-Paul DURASTANTI 11 - Le Mariage mystique de Salomé (The Mystic Marriage of Salome, 1981), pages 185 à 199, nouvelle, trad. Pierre-Paul DURASTANTI 12 - La Révolution du Bloomsday (The Bloomsday Revolution, 1984), pages 201 à 221, nouvelle, trad. Pierre-Paul DURASTANTI
Critiques
Onze nouvelles, toutes récentes, qui ne nous font certes pas découvrir un nouveau Watson, mais un Watson plus intériorisé que celui de certains de ses romans du genre L'Inca de Mars ou Les Visiteurs du miracle. La longueur des récits y est pour quelque chose : confronté à une courte distance, l'auteur oublie un peu la péripétie pour se centrer sur l'élaboration d'un décor, l'épaississement d'un climat. C'est à la fois la force de ce recueil, et sa (relative) faiblesse : car parfois, on sent que Watson, tout à la brillance de son idée de départ, n'a pas pu, ou pas su, ou pas eu le temps d'en développer les pistes possibles. Ainsi du Mariage mystique de Salomé, qui démarre de façon croustillante en nous décrivant les tourments du prophète Jean assistant depuis son cachot à la danse des sept voiles, puis se faisant proprement décapiter tout en gardant, si je peux dire, sa tête sur ses épaules et sa conscience claire — mais s'interrompt abruptement. Ainsi également de La révolution du Bloomsday (des personnages — sont-ils au ciel, en enfer, ou dans un monde à la Farmer ? — revivent éternellement la même journée du côté de chez Joyce), qui renouent avec la veine culturelle et livresque de l'auteur (cf. Le Voyage de Tchékhov) mais en reste à une évocation bien sibylline...
De manière caractéristique, ces deux textes sont les deux derniers du recueil. Caractéristique de quoi ? D'une composition fâcheuse qui nous livre les plus beaux joyaux au début. Comme Les Oiseaux lents, précisément, et Les Socquettes blanches, deux nouvelles qui, s'en souvient-on, ont été publiées dans Fiction (heureux choix) et viennent bien évidemment de F and SF. Si l'ont s'en souvient, on saura que la première, succulente dans son onirisme tranquille, décrit un monde où de paresseux missiles venus de nulle part (passons sur l'explication SF, inutile, de la fin) font partie intégrante d'une société pastorale malgré le mortel danger qu'ils représentent, la seconde étant une sorcellerie africaine bien venue. La troisième nouvelle de très haut niveau, inédite celle-là, fait aussi partie de la première moitié du volume : il s'agit du Conférencier fantôme, où l'on voit le poète Lucrèce enlevé à sa latinité par des fouilleurs de temps, et contaminer un Institut de sa « Nature », de sa conception magique de l'univers... Outre que ce texte est bourré jusqu'à la gueule de ce délicieux humour anglais dont l'auteur ne se fait pas faute d'user (Darwin, précédemment arraché à son époque, y a été renvoyé parce qu'il était « barbant », et les scientifiques méditent d'arracher au temps Jésus-Christ lui-même), il rend bien le son global du recueil : « Voir quelque chose en plus, quelque chose de nouveau, dans les interstices du monde » (L'élargissement du monde, p.50). C'est ce quelque chose en plus caché dans la trame du présent (ou se développant dans les strates parallèles du futur) que traque Watson, « dans un univers dont l'existence demeure une énigme formidable et que nous observons par l'intermédiaire d'une conscience dont nous ne comprenons pas la nature » (ainsi qu'il le précise, avec d'autres joliesses, dans sa très courte préface, Dans la serre, où il nous rapporte aussi son expérience de jardinier. Et on sait depuis Silverberg qu'un auteur de SF est un jardinier regardant pousser dans le futur les bourgeons du présent.
Ce recueil est tout à fait en phase avec ce qu'on peut appeler les nouveaux formalistes français. Mais, alors que ceux-ci semblent vouloir gommer la SF pour faire retour à une littérature sans étiquette, Watson creuse et gratte la SF (ou le fantastique) pour en tirer ce genre de littérature qu'elle seule peut faire naître. L'ensemble de ses nouvelles est à déguster comme autant de petits gâteaux, même si certains sont un peu plus secs que d'autres.