Robert SILVERBERG Titre original : Hot Sky at Midnight, 1994 Première parution : États-Unis, New York : Bantam Spectra, février 1994ISFDB Traduction de Patrick BERTHON
Robert LAFFONT
(Paris, France), coll. Ailleurs et demain Date de parution : février 1995 Dépôt légal : février 1995, Achevé d'imprimer : janvier 1995 Première édition Roman, 384 pages, catégorie / prix : 149 FF ISBN : 2-221-07675-3 Format : 13,5 x 21,5 cm✅ Genre : Science-Fiction
Sur cette Terre du XXIVe siècle, ravagée par l'effet de serre, la disparition de la couche d'ozone et les bouleversements climatiques, jamais plus ne règne la fraîcheur, sous ce ciel brûlant de minuit... Europe et États-Unis sont en majeure partie devenus des déserts, et l'on remorque des icebergs depuis l'Antarctique pour s'alimenter en eau...
Dans ce monde dévasté, chacun tente de trouver une issue : le météorologiste Paul Carpenter en essayant de prévoir les déplacements des nuages toxiques ; le biologiste Nick Rhodes en étudiant l'adaptation de l'humanité à une atmosphère où l'oxygène s'est raréfié ; quant à Paul Farkas, il tente de retrouver sur un satellite le généticien amoral qui l'a fait naître sans yeux mais doué d'une supervision...
Tous pris au piège de ce monde dégradé, de leurs vies et de leurs amours, aussi déboussolés que la Terre brûlante qui les porte. Et qui, tous, cherchent la sortie. Vers les étoiles...
Maître des intrigues croisées, Robert Silverberg est ici le visionnaire d'un avenir réaliste et terrifiant. Il demeure l'un des grands de la littérature de science-fiction, consacré par quatre « Prix Hugo » et cinq « Prix Nebula ».
Dans ce roman que l'on pourrait qualifier de "pré-cataclysmique", Silverberg met en scène un monde en proie au désastre écologique annoncé depuis longtemps.
Différents partis s'y disputent l'avenir... Ceux qui croient encore à la possibilité de réparer la planète... Ceux qui pensent qu'il faut adapter l'homme... Ceux qui enfin voient la solution dans la fuite vers les étoiles, bien que la technologie ne permette pas encore tout à fait d'envisager un voyage interstellaire... Silverberg a l'habileté et l'intelligence d'aborder ces différents points de vue avec lucidité, en se heurtant de front aux problèmes éthiques, notamment en ce qui concerne l'adaptation de l'humanité, solution radicale où celle-ci risque peut-être de se perdre elle-même. Sans chercher à éluder les difficultés que posent ces questions, l'auteur se fait l'avocat du diable, car même si les personnages sont conscients des risques, il n'y a peut-être pas d'autre choix possible...
Mais comment "adapter" l'homme sans expérimentation ? Et comment admettre que certains puissent servir de cobayes ? A-t-on le droit de s'adresser à des scientifiques peu scrupuleux, dont on sait qu'ils ont pratiqué, et réussi, des expériences illégales et monstrueuses ? Ce genre de scientifique à qui la victime peut poser la question quelques années plus tard : "Dites-moi, docteur, avez-vous eu la moindre hésitation, le plus petit scrupule d'ordre moral avant de commencer à me charcuter dans le ventre de ma mère ?" Aucune réponse simple n'est apportée... Et si, après tout, la survie de l'espèce dépendait d'une manipulation génétique infâme ? Si celle-ci se révèlait porteuse d'un espoir insensé ?
Alors que le roman s'engage sur ces considérations complexes, Silverberg a également l'intelligence de mettre en parallèle une aventure toute simple, une aventure à l'échelle de l'individu, qui prend par comparaison valeur de parabole : un capitaine de bateau se trouve également, comme l'humanité, devant un choix impossible entre raison et survie d'une part, morale et honneur d'autre part...
Malheureusement, le dernier quart du roman ne tient guère les promesses d'un début particulièrement brillant. Au lieu d'approfondir son sujet et de mener les personnages jusqu'au bout de leurs quêtes, Silverberg les plonge tout à coup dans un invraisemblable et dérisoire complot... Si l'ultime conclusion revient à l'intrigue principale et constitue une fin logique, nous nous sentons frustrés de cette réorientation soudaine du récit, que rien ne laissait prévoir, et qui laisse de côté les aspects les plus intéressants du récit initial. Bref, bien que les trois premiers quarts de l'ouvrage soient d'un excellent niveau, nous terminons cette histoire déçus, avec l'impression que Silverberg a manqué de peu un grand roman.
En 1994 paraissent aux États-Unis trois gros romans ayant pour thème les bouleversements climatiques : Gros temps de Bruce Sterling (« Présence du Futur », 1997, critiqué dans Galaxies n° 4), La Mère des tempêtes de John Barnes (« Ailleurs et Demain », 1998, critiqué dans Galaxies n° 10) et Ciel brûlant de minuit de Robert Silverberg. Les deux premiers se passent à la fin des années 2020 : approche humaniste teintée de mysticisme pour Gros temps, dont les personnages sont en quête de la tornade ultime, la fameuse F-6, roman-catastrophe de hard-science pour La Mère des tempêtes, qui met en scène le monstrueux cyclone Clem, véritable héros de ce pavé maladroit et indigeste.
Ciel brûlant de minuit se situe dans un futur plus éloigné, le xxive siècle, et va plus loin dans les outrages subis par notre planète : l'effet de serre, la disparition de la couche d'ozone et la pollution ont transformé la Terre en un désert balayé par des nuages toxiques. L'humanité est piégée et cherche la porte de sortie. Faut-il modifier l'homme pour l'adapter à cet enfer ou faut-il fuir dans les étoiles ? Par le jeu des destinées croisées, l'auteur nous donne à suivre plusieurs personnages. Soit fort peu sympathiques, soit empêtrés dans une culpabilité lassante (même si typiquement silverbergienne !), ceux-ci n'emportent pas l'adhésion, hélas. L'intrigue, les intrigues plus exactement, non plus ne convainquent pas, car trop artificielles.
Un Silverberg mineur sur le plan romanesque, mais qui brosse néanmoins un tableau effrayant et crédible de notre planète malade de la folie des hommes.