Note : Critique rédigée pour le coffret « Les Cybernautes »
L'idée en soi n'était pas mauvaise, et si l'édition fonctionne désormais sur le mode du paquet cadeau, pourquoi pas un coffret cyberpunk ? Et pourquoi ne pas le ficeler sous l'appellation de « cybernautes » ? Il est vrai que si Denoël a raté William Gibson, la collection a publié quelques titres qui ne déparent pas l'histoire du « mouvement ».
Néanmoins, l'esthète désabusé, à supposer qu'il ait la moindre affinité envers la cyberlittérature, pourra à bon droit s'étonner de l'assemblage dudit coffret. Il y reconnaîtra deux incontournables, dont l'éditeur peut se montrer fier : les deux anthologies. Celle de Bruce Sterling, Mozart en verres miroirs, a fait office de manifeste. Si sa préface contient quelques traces d'autosatisfaction, le choix des textes offre quelques pépites, même si je me demande toujours ce que Petra de Greg Bear fait là-dedans. Quant au Demain les puces de Patrice Duvic, ce fut quand même le recueil qui permit, historiquement, au lecteur francophone de se rendre compte que la SF n'était pas totalement passée au large de l'informatique. Mais attention : il ne s'agit pas d'une réédition à l'identique ! Johnny Mnemonic, à la descendance désormais hollywoodienne, est passé aux pertes et profits, mais figure dans le recueil Gravé sur chrome (J'ai lu). Je regrette davantage la disparition de Mémoire vive, mémoire morte de Gérard Klein, qui marquait alors le retour à l'écriture de l'écrivain, même si une autre vie est offerte par ailleurs au texte (voir nos Galaxies infos). En revanche, l'insertion du Bumpie™ de Francis Valéry permet de revenir sur ce beau texte couvert de lauriers.
Venons-en aux deux romans. J'avais aimé naguère Le Temps du twist de Joël Houssin, bien que je ne sois toujours pas certain de ma motivation : la nostalgie de Led Zep devait y être pour quelque chose. Mais c'est un roman de qualité, et j'aime bien cette vision de l'effacement de trames temporelles perçue comme la réécriture de secteurs d'un disque dur. Voilà une métaphore réellement « cyber »... N'empêche : inclure Houssin dans un coffret cyberpunk, n'est-ce pas aussi un peu recto-politique (protection des minorités ?), ou respect strict de l'exception culturelle ?
Le cas de Walter Jon Williams et de Câblé est encore plus tangent. À fouiller dans le catalogue de la collection, on peut se demander pourquoi lui et non, au hasard, Bruce Sterling (le très beau recueil Crystal express), ou Michael Swanwick, ou même Gwyneth Jones (passons sur Richard Kadrey). Sept jour pour expier, qui n'a rien de cyberpunk, est quand même d'une autre tenue que ce Hardwired un peu lourdingue. Mystère des sélections...
Au total, soyons positif, un coffret plus qu'intéressant pour le néophyte, surtout les deux anthologies, mais qui ne représente certainement pas la quintessence du « mouvement ». Ah ! Si certains titres présents au catalogue de la concurrence avaient dès le départ été retenus par Denoël...
Dominique WARFA (lui écrire) (site web)
Première parution : 1/3/1997 dans Galaxies 4
Mise en ligne le : 3/12/2001