John VARLEY Titre original : The Persistence of Vision / In the Hall of Martian Kings, 1978 Première parution : New York, USA : The Dial Press / James Wade, juillet 1978 (sous le titre "The Persistence of Vision", le titre "In the Hall of Martian Kings" ayant été utilisé pour l'édition anglaise en septembre de la même année) (recueil coupé en deux pour l'édition française)ISFDB Cycle : Persistance de la vision vol. 1
Vous vivez dans un très lointain avenir et vous êtes l'héritier d'une humanité si vieille, si décadente, que vraiment vous n'êtes plus très beau à voir. Il vous faut du sang neuf. Où aller le chercher, sinon dans le passé, chez ces Terriens inconscients du XX° siècle qui ont le toupet de se trouver malheureux alors qu'ils ont encore des bras, des jambes, un visage intacts ? Et tant pis pour eux s'ils sont victimes d'un raid aérien à côté duquel les détournements d'avion actuels ressemblent à des attentats d'opérette ! Une nouvelle incroyable dans laquelle, comme dans les quatre autres textes de ce recueil, se déchaîne l'humour macabre, iconoclaste, totalement nouveau de John Varley.
1 - Le Fantôme du Kansas (The Phantom of Kansas, 1976), pages 13 à 74, nouvelle, trad. Michel DEUTSCH 2 - Raid aérien (Air Raid, 1977), pages 77 à 99, nouvelle, trad. Michel DEUTSCH 3 - Un été rétrograde (Retrograde Summer, 1975), pages 103 à 135, nouvelle, trad. Michel DEUTSCH 4 - Le Passage du trou noir (The Bblack Hole Passes, 1975), pages 139 à 180, nouvelle, trad. Michel DEUTSCH 5 - Dans le palais des rois martiens (In the Hall of the Martian Kings, 1977), pages 183 à 253, nouvelle, trad. Michel DEUTSCH
Deux recueils qui n'en font qu'un puisqu'il s'agit de l'énorme Persistence of the visionparu en 1978 aux Etats-Unis et scindé, vu l'importance de la bête, en deux volumes qui paraissent simultanément chez Denoël 1.
Présence du Futur. Le titre de la collection dirigée par Elisabeth Gille convient tout particulièrement à John Varley, tant celui-ci parvient à rendre présent ce futur que nombre d'auteurs s'échinent à faire émerger de leurs écrits. L'emploi du « je » dans plus de la moitié des nouvelles permet une narration en prise directe avec la temporalité de la fiction qui oblige le lecteur à faire sien cet univers dont il ne connaît pourtant que des éléments épars. Décalé vers le futur et sommé de changer de quotidien, il est aussi « dérangé » dans son univers culturel car Varley n'utilise le cadre et les ingrédients de la science-fiction classique que pour mieux les détourner (tout en leur rendant un discret hommage, les private-jokes étant nombreux). Quoi qu'affadie par une traduction qui m'a semblé quelque peu paresseuse, la « Varley touch » est toujours reconnaissable, manière de raconter différente qui joue à pousser la science dans ses derniers retranchements (n'oublions pas que l'auteur est diplômé de physique de l'Université de Michigan), à la presser avec humour et poésie pour en extraire l'inquiétante étrangeté. D'une très grande richesse thématique et s'irisant de surréalisme, la hard SF selon Varley est inimitable.
Neuf nouvelles donc, où l'on retrouve les clones chers à l'auteur (variation policière : comment échapper à votre meurtrier lorsque celui-ci est votre double et qu'il vous a déjà tué trois fois ? Variation érotique : faire l'amour avec son propre clone, n'est-ce pas de la masturbation à quatre mains ?), les chasseurs de trous noirs, les changements de sexe (dans la cellule socio-familiale future, votre mère peut fort bien être en fait votre père ( !) le goût pour une SF sexuée (comment l'acte sexuel peut devenir symphonie grâce au synapticon), le thème du double, etc. Bref, Varley fidèle à l'univers du Canal Ophite 2. Trop sans doute... Et soudain, le choc de la dernière nouvelle, ces merveilleux Yeux de la nuit aux accents douloureusement sturgeoniens 3. Friande d'univers parallèles, la science-fiction a coutume d'aller les chercher dans les déchirures du continuum spatio-temporel. Or il en existe un, tragique et quotidien, à portée de notre main, celui des sourds non-voyants. Keller est un village où vit une communauté de sourds et aveugles surdoués, un lieu où ceux-ci ont repensé le monde en fonction de leur « infirmité », un univers qui a sa logique propre, son organisation sociale, son éthique. Keller est un organisme dont la force est la communication, « une nouvelle manière de concevoir les relations humaines ». Chassé par la crise et le chômage, le héros s'y réfugiera de longs mois, le temps de se rendre compte que le seul infirme de la communauté, c'était lui.
Notes :
1. Dans le palais des rois martiens contient : Le fantôme du Kansas, Raid aérien. Un été rétrograde. Le passage du trou noir et Dans le palais des rois martiens. Et au sommaire de Persistance de la vision : Dans le chaudron (parus — mais très mal traduite — dans Fiction 298 sous le titre A l'intérieur de la boule), Dansez, chantez. Trou de mémoire, (déjà parue dans Futurs 3) et Les yeux de la nuit (prix Nebula 78 pour la nouvelle). 2. A moins que ce ne soit l'inverse. Car n'ayant pas les dates de première parution des nouvelles, il est fort possible que certaines d'entre elles aient été écrites avant Le Canal Ophite(Coll. Dimensions — Ed. Calmann Levy — Critique parue dans Fiction 292). 3. Titre original Persistance of the vision (Un oubli regrettable : les titres originaux des nouvelles ne sont pas mentionnés).