FLEUVE NOIR / FLEUVE Éditions
(Paris, France), coll. SF n° 51 Dépôt légal : septembre 1998, Achevé d'imprimer : août 1998 Première édition Roman, 320 pages, catégorie / prix : 39 FF ISBN : 2-265-06518-8 Format : 11,0 x 17,8 cm Genre : Science-Fiction
Né en 1961, Michel Pagel est l'auteur de plusieurs romans relevant de la science-fiction, du fantastique, de l'aventure et de l'heroïc fantasy dont Les flammes de la nuit, Les antipodes, Le crâne du Houngan, Casino Perdu et Orages en terre de France parus au Fleuve Noir. Les connaisseurs le tiennent pour l'une des valeurs les plus sûres et les plus novatrices de la jeune science-fiction francophone.
Imaginez... imaginez que le cinéma soit une machine à créer du réel.. Que les films dits « de genre » engendrent d'autres réalités où des lois improbables se substituent à celles admises dans notre monde... Imaginez un XIXe siècle perpétuel calqué sur l'univers de la Hammer ou des films de la Universal... Imaginez Cinéterre, ce monde d'entre les mondes où les sbires du baron Frankenstein ont décidé de vous en faire voir de toutes les technicouleurs en vous piquant votre fiancée... Imaginez des vampires, des sorcières, des savants fous... Tous ce qu'on aime, en somme.
Un roman palpitant en forme d'hommage attendri et respectueux à tous les amateurs de cinéma bis...
Critiques
Jeune fan de cinéma-bis, Yann a trouvé un bon moyen d'éviter de se morfondre durant des vacances de Pâques qui promettaient d'être mortels, entre le départ des copains et l'obligation de réviser en vue du Bac. Car justement, le Gothic, sa salle favorite, cherche un projectionniste ! Une aubaine que Yann ne saurait laisser passer.
Embauché, il débute aussi sec par la projection d'un Terence Fisher, avec Peter Cushing dans le rôle de Frankenstein... Le rêve, quoi. D'autant que, pour ne rien gâter, la fille du patron, Marion, est mignonne à croquer.
Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes — jusqu'à ce que débarque un cinglé dans le cinéma, qui les menace d'un vieux pistolet. Vaguement ridicule, l'agresseur, mais Yann voit rapidemment toutes ses envies de rire coupées par une nouvelle apparition : une femme en robe du soir bleu pâle. Mircalla. Plaît-il ? Oui : Mircalla, le charmant vampire imaginé par Sheridan Le Fanu et immortalisé ( ?) au cinéma par Ingrid Pitt dans The Vampire Lovers. Vous ne connaissez peut-être pas, mais Yann si, comme tout bon fan de série B qui se respecte !
Coup de poing, enlévement : Marion disparaît entre les mains des étranges visiteurs... Et Yann se retrouvera bientôt plongé dans un monde à la fois étrange et familier : Cinéterre, un univers figé dans les clichés du film pseudo-historique, du cape-et-d'épée, de l'horreur et de l'aventure... Une tranche de film de la Hammer (ou d'Universal), par exemple, qui aurait soudainement pris vie, et à laquelle un projecteur transformé permet d'accéder. Un monde parallèle, tout entier né de l'imaginaire collectif des films de série B et Z, à la fois complètement carton-pâte et cruellement réel — à sa manière. Car à Cinéterre le baron Frankenstein règne depuis toujours sur un Londres hollywoodien, tandis que Dracula et Mircalla écrasent l'Europe sous leur joug.
Longtemps silencieux, Michel Pagel s'est bel et bien réveillé ces derniers mois — il enchaîne roman sur roman, avec une régularité qui n'a rien à envier à son originalité d'inspiration. C'est ainsi qu'après le planet opera du Casino perdu, et avant un space opera pur jus et un steampunk à la française, il nous offre l'amusant Cinéterre — étrange combinaison d'aventure au premier degré et d'exploration des clichés de l'imaginaire. Car c'est bien de clichés qu'il est question ici, même pas d'archétype. Et l'auteur en a parfaitement conscience, qui en joue et en use avec une maîtrise remarquable. Les contradictions, les anachronismes, les faiblesses logiques de son genre cinématographique préféré sont ici explorés avec une logique typiquement science-fictive : poussés jusqu'au bout, ils parviennent à tisser la trame d'un univers cohérent.
Quoique peu au courant des productions Hammer ou Universal, je suis cependant vaguement informé de leurs clichés habituels (comme tout un chacun) et ai donc pu suivre cette aventure sans le moindre problème. J'imagine que le vrai connaisseur n'en retirera qu'encore plus de jubilation !
Un seul reproche à Cinéterre — et ce reproche s'adresse à l'éditeur, pas à l'auteur : comment se fait-il qu'un roman pour jeunes (car Cinéterre a bien été écrit avec les teenagers en public-cible, et cela se voit) soit publié, sans commentaire, dans la collection de SF du Fleuve Noir ? Il y a là un décalage supplémentaire, que tous les lecteurs n'apprécieront peut-être pas...
PS : Non, je ne dirai rien de l'illustration de couverture, n'insistez pas !
Pour Yann, les vacances de Pâques s'annoncent mal. L'échéance du Bac le coince à Paris pour des révisions qui l'éloignent des pistes de ski. Son dépit, il le ravale en se réfugiant dans son antre habituel, Le Gothic, un cinéma de quartier voué aux productions bis et aux « cinéastes fantastiques d'avant gore » — comme l'annonce la dédicace. Or, la chance lui sourit : le gérant, Alain Carrère, cherche un projectionniste. Yann fait l'affaire et le voilà parti pour des aventures plein écran qu'il ne va pas se contenter de vivre de sa cabine. Par un concours de circonstances, il emprunte un passage qui le propulse dans Cinéterre, un monde parallèle créé par l'inconscient collectif des spectateurs, où les genres en vogue prennent leur autonomie et où les personnages clefs évoluent librement tels des « vivants avec entrailles ».
Dans le choix de l'intrigue — Yann au secours de la belle Marion, avec à ses côtés le Chevalier Edmont d'Avrèze épris de la mystérieuse Emily, elle aussi enlevée par les sbires de l'infâme Frankenstein et par Dracula en personne, pour être ensuite... — , les clichés de la littérature populaire et feuilletoniste et ceux de la Hammer ou de la Universal ne manquent pas. Michel Pagel en rajoute même, jouant la carte de la nostalgie, à la manière du Waxworks (1989) d'Anthony Hickox ou du récent Remake de Connie Willis. Les références nous font passer des Misérables aux films de pirates, des chasses aux sorcières aux monstres sacrés (vampires, loups-garous et créatures couturées). On en redemanderait...
Cinéterre est dans cet esprit sans fioritures. Pas de réflexion sur l'univers cinématographique (on en trouve plus dans un autre roman de Pagel, Nuées ardentes), sur les rapports fiction/réalité, sur le statut de l'être et de l'apparence — pour cela, mieux vaut voir The Truman Show ou La Rose Pourpre du Caire. Tout va de soi dans le monde que traverse Yann et consorts. Un peu trop même à en juger par les commentaires du garçon sur les grosses ficelles de scénario qui le sortent des mauvais pas — comme l'apparition de Van Helsing (alias Peter Cushing). En fait, on se plaît à se poser de vraies/fausses questions telles : Peter Cushing, Boris Karloff et Christopher Lee ont-ils jamais joué ensemble ?
Voilà donc une rétro sympathique, avec un indéniable sens du récit et une orchestration maîtrisée des morceaux de bravoure. À la façon de ces Âges d'or du cinéma... qui procurent joie et frissons sans que l'on se soucie de retenir le nom du réalisateur du documentaire.
Guy ASTIC Première parution : 1/1/1999 dans Ténèbres 5 Mise en ligne le : 1/11/2003
Le nouveau roman de Michel Pagel, Cinéterre, est dédié à tous les fans de Bela Lugosi et de Lon Chaney Jr, aux admirateurs de Terence Fisher et de Roger Corman, aux inconditionnels de Frankenstein et le monstre de l'enfer et de Le Vampire a soif, bref à tous les nostalgiques d'un cinéma fantastique qui n'avait pas recours à des hectolitres de sang pour faire frissonner le spectateur et où « les effets spéciaux n'avaient pas encore supplanté le scénario » (p. 11).
Yann, le jeune héros de Cinéterre, est justement l'un de ces amateurs. Durant les vacances scolaires, il parvient à se faire embaucher au Gothic, petite salle spécialisée dans le cinéma bis d'antan. L'histoire bascule lorsque Marion, la charmante fille du projectionniste, est enlevée par une étrange femme semblant tout droit sortir d'une adaptation cinématographique du Carmilla de Joseph Sheridan Le Fanu. Pour retrouver Marion, Yann devra passer de l'autre côté de l'écran, littéralement, et explorer l'univers parallèle auquel les productions de la Hammer et consorts ont donné naissance, univers dans lequel le docteur Frankenstein ou Dracula existent réellement, et ont bien entendu les visages de Peter Cushing et de Christopher Lee.
À l'instar de son compère Roland C. Wagner, Michel Pagel s'appuie sur les concepts d'inconscient collectif et d'archétypes incarnés pour créer le monde de Cinéterre. Mais le romancier ne s'encombre guère de justifications pseudo-scientifiques pour entraîner le lecteur dans une aventure bondissante, rendant au passage hommage de façon fort (trop ?) respectueuse aux grandes figures du genre fantastique et plus généralement à une forme de cinéma et de littérature populaires aujourd'hui disparue. Là résident sans doute les limites de ce roman : malgré toute sa bonne volonté, Michel Pagel (à moins qu'il ne s'agisse du lecteur) ne parvient pas à retrouver cette naïveté, cette innocence qui donnaient une grande partie de leur charme aux oeuvres qui l'ont inspiré, et Cinéterre n'est pas autre chose qu'un exercice de style, réalisé certes avec brio, mais pour lequel il est difficile de se passionner. On rangera donc à regret ce roman parmi les ouvrages mineurs de son auteur.
On peut avoir envie de poncifs. De châteaux sinistres, de spadassins, de chevauchées, de poursuites, d'auberges, de bagarres et de duels, de naufrages et de naufrageurs, de serviteur sinistre et bossu, et de belles damoiselles à sauver d'un bûcher ou des dents de Dracula. Pagel s'amuse tellement à raconter tout cela qu on ne peut que prendre plaisir à le lire. L'idée d'un monde parallèle, intemporel, né de l'imaginaire des amateurs d'épouvante, et fonctionnant depuis de manière autonome, justifie un jeu un peu rétro, mais savoureux. Cela pourrait bien plaire à ceux qui, comme le héros, sont prêts à toutes les foucades romantiques pour oublier qu'il y a un bachot à passer.
Reste que les lecteurs un peu plus enfoncés dans la sénescence apprécieraient sans doute que bien des pistes soient davantage explorées, que les réjouissantes incompréhensions nées des passages d'un monde à l'autre soient plus nombreuses, que les références cinématographiques distanciées ne soient pas réservées aux derniers chapitres, ou qu'un usage plus intensif et plus dynamique soit fait des portes entre notre monde et celui de Frankenstein, des loups-garous et des vampires. Bref, que cette histoire très distrayante devienne un jour pour son auteur le brouillon d'un grand livre baroque et déjanté, d'un hommage à la Hammer qui serait plus durable, sur les rayons des librairies comme dans les mémoires.
Yann a prévu de passer ses vacances de Pâques à Paris afin de réviser son bac. Mais une annonce affichée au cinéma Le Gothic change ses plans et son avenir sans doute. Il est embauché pour quelques jours comme projectionniste, ce qui le ravit car Le Gothic ne passe que les vieux films fantastiques en noir et blanc dont il raffole. Il y fait la connaissance de Marion et de son père, monsieur Carrère, propriétaire des lieux.
Le soir même, il est le témoin d'une scène incroyable, digne des films qu'il aime : d'étranges individus armés d'antiques pistolets font irruption dans le cinéma et enlèvent Marion, avant de disparaître en traversant l'écran sans déchirer la toile.
Carrère explique à Yann que ces hommes viennent de Cinéterre, un univers parallèle né de l'inconscient collectif des amateurs de cinéma fantastique. Le dictateur Frankenstein règne sur l'Europe de l'ouest tandis que le comte Dracula sévit à l'est. Yann, tombé amoureux de Marion et aidé par Carrère, passe donc en Cinéterre où il rencontre Edmont, un fougueux chevalier, et Emily Bowen, poursuivie pour sorcellerie. Les trois jeunes gens sympathisent, gagnent Londres où réside Frankenstein et où ils retrouvent Marion. Mais les coups de théâtre se succèdent : les deux jeunes filles sont emmenées en Transylvannie par Dracula qui guettait son heure. Yann et Edmont doivent donc s'y transporter à leur tour pour l'ultime affrontement ...
Ce roman, au rythme effréné, digne d'un film de cape et d'épée est la réédition d'un roman paru au Fleuve Noir, Cinéterre, dont Michel Pagel a revu le texte pour la présente publication.
On ne s'ennuie pas un seul instant en découvrant cette histoire qui est un très bel hommage au cinéma fantastique que produisaient dans les années quarante, cinquante les studios anglais tels que Hammer, Amicus ou Tigon et les réalisateurs comme Terence Fisher. On y retrouve les personnages cultes, issus de la littérature fantastique classique, que ce cinéma a rendus extrêmement populaires : Frankenstein, Dracula, Carmilla le vampire, Jack l'Eventreur, la créature immortalisée par Boris Karloff, Van Helsing, le célèbre chasseur de vampires ... Dans le roman, Michel Pagel leur a donné les traits des acteurs célèbres qui les ont incarnés : Peter Cushing pour Frankenstein et Van Helsing ou Christopher Lee pour Dracula. Il crée un monde onirique à la fois riche et limité, que l'on doit à la passion des amateurs de fantastique, mais qui une fois créé, devient autonome, dans lesquels les personnages ont une volonté propre et, comme la créature du docteur Frankenstein, échappent à leur créateur.
Michel Pagel, lui, maîtrise son monde et ses personnages, multiplie les clins d'œil et les coups de théâtre, tant en gardant une distance suffisante grâce au personnage de Yann qui, venu de notre monde, peut goûter l'ironie ou le cocasse de certaines situations.
Roman réussi et très plaisant à lire. Peut-être que M. Pagel nous racontera d'autres Cinéterres : il y a encore beaucoup d'autres genres cinématographiques à explorer ...
Jeune fan de cinéma-bis, Yann a trouvé un bon moyen d'éviter de se morfondre durant des vacances de Pâques qui promettaient d'être mortels, entre le départ des copains et l'obligation de réviser en vue du Bac. Car justement, le Gothic, sa salle favorite, cherche un projectionniste ! Une aubaine que Yann ne saurait laisser passer. Embauché, il débute aussi sec par la projection d'un Terence Fisher, avec Peter Cushing dans le rôle de Frankenstein... Le rêve, quoi. D'autant que, pour ne rien gâter, la fille du patron, Marion, est mignonne à croquer.
Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes — jusqu'à ce que débarque un cinglé dans le cinéma, qui les menace d'un vieux pistolet. Vaguement ridicule, l'agresseur, mais Yann voit rapidement toutes ses envies de rire coupées par une nouvelle apparition : une femme en robe du soir bleu pâle. Mircalla. Plaît-il ? Oui : Mircalla, le charmant vampire imaginé par Sheridan Le Fanu et immortalisé ( ?) au cinéma par Ingrid Pitt dans The Vampire Lovers. Vous ne connaissez peut-être pas, mais Yann si, comme tout bon fan de série Z qui se respecte !
Coup de poing, enlèvement : Marion disparaît entre les mains des étranges visiteurs... Et Yann se retrouvera bientôt plongé dans un monde à la fois étrange et familier : Cinéterre, un univers figé dans les clichés du film pseudo-historique, du cape-et-d'épée, de l'horreur et de l'aventure... Une tranche de vieux film populaire qui aurait soudainement pris vie, et à laquelle un projecteur transformé permet d'accéder. Un monde parallèle, tout entier né de l'imaginaire collectif des films de série B et Z, à la fois complètement carton-pâte et cruellement réel — à sa manière. Car à Cinéterre le baron Frankenstein règne depuis toujours sur un Londres hollywoodien, tandis que Dracula et Mircalla écrasent l'Europe sous leur joug.
Extirpé des fonds de la défunte « Anticipation » du Fleuve Noir, où l'auteur fit longtemps ses armes, Les Vampires derrière l'écran est la réédition d'un roman précédemment titré Cinéterre, dont l'histoire éditoriale fut un peu compliquée : rédigé à l'origine avec en vue un public d'adolescents, ce livre n'avait pas trouvé preneur chez les éditeurs pour la jeunesse et ce n'est qu'en désespoir de cause qu'on l'avait finalement vu paraître chez « Anticipation » — sans commentaire éditorial sur le décalage pourtant visible avec sa clientèle habituelle ! Il est donc heureux de voir aujourd'hui cet ouvrage repris chez un éditeur spécialisé dans les « littérature de l'imaginaire », comme on dit de nos jours, pour la jeunesse.
Pourtant, des décalages, il en demeure encore... Car elle est étrange, cette combinaison d'aventure au premier degré et d'exploration des clichés de l'imaginaire. De fait, c'est bien de clichés qu'il est question ici, même pas d'archétypes. Et l'auteur en a parfaitement conscience, qui en joue et en use avec une maîtrise remarquable. Les contradictions, les anachronismes, les faiblesses logiques de son style cinématographique préféré sont ici explorés avec une logique typiquement science-fictive : poussés jusqu'au bout, ils parviennent à tisser la trame d'un univers cohérent. Un aussi conséquent travail de mise en abyme — s'attachant qui plus est à des références inconnues du jeune public, je suppose : quels ados ont déjà regardé un vieux film de la Hammer ou d'Universal ? — ne va certainement pas sans poser un léger problème de réception. Mais j'imagine aisément qu'un ado s'amusera au premier degré des péripéties de cette histoire, ainsi que des clichés qu'il connaît, tandis qu'un adulte un peu curieux se réjouira des références supplémentaires qu'il pourra capter.