Norman SPINRAD Titre original : The Men in the Jungle, 1967 Première parution : Doubleday, 1967ISFDB Traduction de Michel PÉTRIS Illustration de (non mentionné)
CHAMP LIBRE
, coll. Chute libre n° (4) Dépôt légal : 4ème trimestre 1974, Achevé d'imprimer : 8 octobre 1974 Première édition Roman, 352 pages, catégorie / prix : nd ISBN : 2-85184-028-2 Format : 12,5 x 21,5 cm✅ Genre : Science-Fiction
À l'occasion de la réédition en France de ce titre, devenu un grand classique de la SF, nous avons cru bon de laisser s'exprimer l'auteur lui-même :
« Ces hommes dans la jungle (précédemment paru sous le titre Le Chaos final — NDLR) est le deuxième roman que j'ai écrit, mais le troisième à avoir été publié aux États-Unis, après Les Solariens et Le Pionnier du chaos. Je l'ai écrit en 1966, quand j'habitais dans le quartier de Haight-Ashbury à San Francisco. Il fut largement inspiré par la guerre du Viêt-nam, mais aussi par le périple de Che Guevara en Bolivie. À l'époque, Che Guevara avait fait la révolution à Cuba, et il voulait trouver un autre endroit pour recommencer. Il a choisi la Bolivie, et les choses ont mal tourné pour lui. Mais j'écrivais le roman pendant qu'il courait toujours, et c'est lui qui est à l'origine de mon personnage principal, Bart Fraden, dans ce livre. Fraden a été expulsé d'un endroit, et il rentre des paramètres dans son ordinateur pour localiser un autre monde avec un potentiel révolutionnaire. Puis, il y avait la guerre du Viêt-nam. Mon avis là-dessus est que les Américains se sont introduits à l'aveuglette dans une guerre qui durait déjà depuis mille ans, et n'ont fait qu'empirer les choses. Donc, Ces hommes de la jungle sortait de tout cela.
« Est-ce que ce livre est toujours d'actualité ? Malheureusement, je pense que oui, et même encore plus aujourd'hui qu'hier. Il a un rapport direct avec toutes les guerres de sécession dans l'ex-Yougoslavie, en Bosnie et au Kosovo, avec ce qui s'est passé en Afrique centrale, ou bien avec ce qui se passe en ce moment même en Tchétchénie. Il s'agit de ce qui arrive quand des gens décident d'intervenir en pensant améliorer les choses, ou peut-être plus cyniquement pour profiter d'une mauvaise situation. Quoi qu'il en soit, ils finissent presque toujours par rendre les choses mille fois pires. C'est toute l'histoire des interventions au Rwanda, en Somalie, ou le foutoir qu'est devenu le Congo. Donc, je pense que Ces hommes dans la jungle, pour le meilleur ou pour le pire, est encore plus pertinent que jamais. »
Zelazny : Toujours le mythe du surhomme cher à l'ensemble de son œuvre, mais cette fois dans une situation et un décor fréquents en SF à la fin des sixties : une Terre post-atomique peuplée de monstres, de pillards et de radiations ; un héros de western : Helle Tanner, le dernier des Hell's Angels, qui se retrouve à pied, avec le choix suivant : crever sur la chaise ou se rendre utile à l'humanité et sauver la patrie. Que croyez-vous que fît notre loubard ? Eh bien, en bon Superman, il sauve l'humanité de la peste en bravant mille dangers dans sa voiture blindée. Et il arrive à y prendre goût ! Finalement, sous ses dehors de méchant, c'était un bon. De ce thriller classique a été tiré un film. Les Survivants de la Fin du Monde,que je n'ai pas encore osé aller voir. M'enfin, faut bien se défouler de temps en temps.
Spinrad : Un anti Star-Wars de ... 67 ! (juste avant Bug Jack Barron). Les héros : un politicard véreux et défait, sa nana, au corps fulgurant et à l'intuition splendide, et un bandit qui n'est heureux que dans le massacre et le pillage. La situation : s'emparer du pouvoir (thème cher à Spinrad) sur une planète au « potentiel révolutionnaire élevé », grâce à l'appui des Opprimés locaux dont la fougue révolutionnaire a été habilement réveillée. Les méchants : tout le monde, mais surtout la caste dirigeante de la planète, la Confrérie de la Souffrance, ramassis de sadiques tenant une armée de bêtes à massacre (les Tueurs) et dont l'unique raison d'être est : infliger un maximum de souffrance pour en retirer un maximum de plaisir. Régime : exclusivement anthropophage. Tout un programme. De plus une bonne défonce apportée par les héros, l'Omnidrène, arrive à point pour leur procurer plus de plaisir et moins de vigilance, tandis qu'une plus insidieuse, l'érogyne, sert à former les troupes d'élite de la Révolution : une poignée de junkies entièrement dévoués à leur fournisseur. Déroulement, sur 315 pages : massacres, tueries, étripailles, tortures, bains de sang par m3, hurlements, MEURS MEURS MEURS, stratégies, traîtrises, hyper-défonces, retours-sur-soi, amour, mort, carnages, pillages, cannibalismes, fanatisme, égocentrisme, cynisme, etc., etc. en un bouillon sanglant d'où nos héros se tirent à la fin honteux et dégoûtés, avec un soupir de soulagement poussé conjointement par le lecteur.
Devinette : quels sont les deux points communs à ces deux chefs-d'œuvre ?
Réponse : l'hyper-violence, en vogue à cette époque (si l'on peut dire), et aussi l'unique tentative de ces deux auteurs de profiter de la mode pour se laisser aller dans la facilité — ou l'écriture masturbatoire, comme on voudra, cher Dr Libido.