[Critique commune de :
- La figurine de plomb par B.R. BRUSS
- Les yeux braqués par Marc AGAPIT
- Madame Atomos frappe à la tête par André CAROFF]
La vocation réelle de Bruss est décidément bien plus le fantastique que la SF. Encore que La figurine de plomb utilise les voyages dans le temps. Mais un voyage purement et honnêtement magique. Il suffit de posséder ce « plomb de Seine », mi-partie de plomb et d'or, pour se trouver transporté dans le Paris de 1408. Et là, vivre, ou revivre, dans le corps d'un lointain ancêtre, qui peut être mire, professeur en Sorbonne, gros marchand ou simple esprit curieux, mais toujours gravitant autour du même cercle étroit d'alchimistes et de chercheurs, animé par Nicolas Flamel.
Cela suffirait déjà pour nous donner un honorable roman d'aventures, bien mis en valeur par une construction savante de retours en arrière, s'il n'y avait également la conjugaison de deux thèmes purement tragiques. D'abord l'affrontement de l'homme et du destin, la tentative désespérée de briser le cercle de ce qui est inévitable : l'anéantissement des alchimistes, dévorés par des forces qu'ils ont déchaînées, et qu'ils ne peuvent, ou ne veulent maîtriser. Ensuite l'amour impossible entre deux êtres prédestinés, séparés par des siècles, et qui ne peut s'accomplir que dans la mort.
Le même mélange de science et de fantastique pur se retrouve, à un degré moindre, dans Les yeux braqués. Agapit nous a campé déjà bien des croquis misogynes, mais jamais comparables à celui de cette garce intégrale, petite bourgeoise, haineuse, envieuse, bête à pleurer, criminelle par personne interposée, et qui se voit châtiée on ne sait comment, acculée au suicide par une obsession magique. On croit à une vengeance exercée par le mari. Mais, nouvelle péripétie, celui-ci est psychiquement dévoré par un mort qu'il a rappelé à la vie. Tout cela donne un roman étrange, déhanché, surchargé, et où vibre par instant un accent assez rare, comme si l'auteur était tout de bon persuadé de la véracité de ce qu'il rapporte.
Madame Atomos est toujours vivante, et toujours désireuse de détruire les U.S.A. à grand renfort d'inventions diaboliques, et ce pour notre plus grande jubilation. Cette fois, c'est en Californie qu'elle frappe, déchaînant à San Francisco de gigantesques émeutes raciales, qui mobiliseront police et armée pour en venir à bout… Mais au fait… est-ce par hasard… Mais non, c'est incroyable…
Jacques VAN HERP
Première parution : 1/11/1965 dans Fiction 144
Mise en ligne le : 30/6/2023