Comme gadget, le roman exploite le vire-matière, qui est aussi vieux que la SF moderne. L'adresse de l'auteur est ici d'en faire une exploitation immédiatement et uniquement commerciale (L'Universal Transmitting Compagny ouvre des terminaux partout et envoie tout le monde n'importe où, pour deux dollars).
Comme incidente, le roman fait intervenir des extraterrestres qui sabotent les réseaux pour des raisons assez obscures, ou alors j'ai lu trop vite. L'adresse : faire de ces extraterrestres (le livre fut publié en 1963) des êtres pacifiques et sympathiques, qui simplement « ont leur raison ».
Enfin, All the colors of darkness fait un pont entre la SF et le polar, puisque son héros est un privé et que le moteur de l'action est l'enquête : c'est une donnée qui semble ces temps-ci en constante expansion (Blade runner), mais qui en 63 n'était pas souvent employée, malgré Les cavernes d'acier et Face aux feux du soleil d'Asimov.
Le malheur de ce roman est de réussir à laminer l'excellence de toutes ces données en leur infligeant un traitement léthargique. Le transmetteur reste un décor lointain, les extraterrestres n'ont guère de présence, le privé n'a aucune personnalité et, pour le malheur de l'enquête, il se fait coincer sur la Lune par les extraterrestres perturbateurs dès le premier tiers du roman. Quatre autres récits mettant en scène Jan Darzek, le « détective du XXIe siècle », suivront. Espérons que Lloyd Biggle se réveillera un peu.
Jean-Pierre ANDREVON (lui écrire) (site web)
Première parution : 1/2/1983 dans Fiction 337
Mise en ligne le : 5/5/2002