BRAGELONNE
(Paris, France), coll. Poche Date de parution : 8 septembre 2021 Dépôt légal : septembre 2021, Achevé d'imprimer : août 2021 Première édition Roman, 192 pages, catégorie / prix : 6,90 € ISBN : 979-10-281-1892-1 Format : 11,1 x 17,8 cm✅ Genre : Science-Fiction
Quatrième de couverture
Le vaste conflit qui a englobé des centaines de mondes et de systèmes solaires touche à sa fin. Mais à la veille du cessez-le-feu, la soldate Scur est capturée par un criminel de guerre renégat et laissée pour morte. Lorsqu'elle reprend connaissance, elle se trouve à bord d'un vaisseau de prisonniers qui a subi une terrible avarie. Les passagers, issus des deux camps, se réveillent d'hibernation beaucoup trop tôt. Leurs souvenirs, gravés sur des balles, sont tous ce qui les lie à un monde qu'ils ne reconnaissent plus. Et Scur va renouer avec son vieil ennemi, mais cette fois, pour un enjeu qui dépasse de loin sa propre vie.
PRIX LOCUS : MEILLEUR ROMAN COURT 2016
« Un maître du space opera. » The Times
« Un drame passionnant sur le thème
de la vengeance. » The Guardian
Critiques
Le space opera, c’est très souvent le conflit : passé, en cours ou à venir ; entre individus, entre factions ou entre civilisations ; pour des ressources, pour des idées ou pour la survie. Or, les conflits génèrent leur propre mé- moire à plusieurs facettes : littéraire, bien sûr, le lieu commun consistant à comparer toute épopée à L’Iliade ou au Mahabharata… mais aussi, et surtout, traumatique, puisque les soldats portent souvent dans leur chair et leurs souvenirs les cicatrices de ce qu’ils ont vécu.
Mémoire de métal est une histoire de conflits multiples dont l’articulation se dévoile peu à peu. En arrière-plan, le conflit entre deux civilisations humaines : d’un côté, les Mondes Centraux, et de l’autre les Périphériques. Leur héritage en partie commun souligne à quel point cette confrontation est aussi absurde que cruelle. Cet arrière-plan détermine la rencontre séminale entre la narratrice nommée Scur et son ennemi Orvin, criminel de guerre désireux de saisir jusqu’au bout les opportunités de raffiner son sadisme. Cette rencontre, à l’origine de la mémoire traumatique de Scur, la met dans la position unique de comprendre et de résoudre le problème qui lui est posé quand – un laps de temps indéterminé après qu’elle a pratiqué sur elle-même une opération sommaire pour se défaire du dispositif mortel implanté par Orvin – elle se réveille à bord d’un vaisseau de croisière endommagé où se trouvent des soldats des deux camps mais aussi des civils. Que s’est-il joué pendant son inconscience ?
La mémoire des événements conditionne la continuité de la civilisation : que faire quand les instruments ordinaires de cette continuité deviennent peu fiables ? En effet, les mémoires du vaisseau sont corrompues et il devient urgent d’en sauvegarder le contenu avant qu’elles ne défaillent tout à fait. La durée de vie de l’information ayant une relation de proportionnalité inverse à la surface où elle est stockée, une solution consistera donc bel et bien à passer de l’informatique… à l’écriture, donnant une belle justification au titre français du texte. La survenue pendant l’hibernation de Scur d’un nouveau conflit – d’une tout autre nature que celui où elle s’était trouvée engagée – explique en effet l’isolement du vaisseau, et montre que ses occupants sont, malgré leur position précaire, bien placés pour assurer un nouveau départ aux rameaux dispersés d’une civilisation humaine à présent effondrée.
Ce texte réalise donc une synthèse qu’il est difficile de ne pas trouver parfaite entre ses différentes dimensions. Il s’agit d’un space opera récréatif, aux énigmes non triviales mais dont la résolution réjouit, et qui ne manque pas de gimmicks du genre – il serait trop long de dresser la liste des péripéties pouvant affecter les passagers d’un vaisseau perdu dans l’espace ! Il s’agit aussi, et surtout, d’une belle illustration des principes et des limites de la mémoire, qu’elle soit humaine ou artificielle : l’outil parfois s’émousse… et il arrive même qu’il se détériore au point qu’il soit nécessaire de le remplacer. L’ingéniosité humaine permet à la fois de résoudre les énigmes et les incidents techniques : c’est aussi ce que nous rappelle Mémoire de métal, et au fond… jusque depuis son titre.
ANUDAR Première parution : 1/4/2023 dans Bifrost 110 Mise en ligne le : 11/9/2025
La tendance à l’allongement qui afflige les fictions depuis l’apparition du traitement de texte voici une quarantaine d’années n’a pas épargné la novella, et l’on se souvient d’une époque où des livres tels que Dune ou Tousà Zanzibarfaisaient figure de monstruosités, mais leurs auteurs avaient de quoi les remplir jusqu’à la gueule, et peut-être n’est-ce pas un hasard s’ils continuent de trôner tout en haut de nombre de listes d’estime – à commencer par celle de votre serviteur. Aujourd’hui, ces derniers sont de longueur standard. Il suffit de voir l’énormité des livres de Steven Erikson, Robert Jordan ou autres George R.R. Martin, Tad Williams, Raymond E. Feist, Terry Brooks, Robin Hobb, Terry Goodkind et cie. Autant de trilogies sans fins. « La Comédiehumaine » et « Les Rougon-Macquart » n’ont qu’à bien se tenir. Quand un Christopher Ruocchio ou un David Anthony Durham se limitent vraiment à trois tomes (1), on s’en tape sur le ventre de bonheur. La novella qui naguère s’étendait de 60 à 120 pages tire désormais jusque 170, voire plus. La taille d’un ancien Fleuve Noir. Une taille excellente, au demeurant, qui permet la lecture en une unique session…
Et voici que Bragelonne nous propose ce Mémoire de métal, court roman d’Alastair Reynolds, auteur qui, aux côtés de Stephen Baxter, Peter Watts et une poignée d’autres, compte parmi ceux qui nous offrent de la véritable SF comme on l’aime.
Non. Mémoire demétal n’est pas un chef-d’œuvre. C’est une œuvre mineure qui joue dans la catégorie des meilleurs Fleuve Noir. L’histoire est assez proche de L’Incroyableodyssée de Guy Charmasson (Fleuve Noir, « Anticipation » n°1611) même s’il s’en écarte pour une fin à la Passengers (le long-métrage de Morten Tildum) mâtinée du Croisière sansescale de Brian W. Aldiss (1958). À la fin d’une guerre, les passagers d’un astronef prison, criminels de guerre, traîtres et déserteurs, sortent d’hibernation trop tôt – ou peut-être trop tard – et doivent faire face à une situation bien plus dramatique que tout ce à quoi ils pouvaient s’attendre tout en ayant certains comptes à régler entre eux…
Si Reynolds n’a rien mis là de nouveau sous les soleils, il joue une variation intéressante d’un air bien connu. On passe un bon moment en y prenant un certain plaisir. On oscille entre en vouloir à l’éditeur — Tom Clegg – pour ne pas nous en avoir déjà proposé maints autres – il y en a des tombereaux – et, peu étant mieux que rien, à le remercier de nous avoir déjà donné celui-ci à lire. Après « Dyschroniques » au Passager Clandestin, « Une heure-lumière » au Bélial’, et l’apparition d’« Agullo court », de l’éditeur Mille Cent Quinze et de la nouvelle collection des éditions Armada qui semblent se consacrer au format, voilà que Bragelonne se met aussi à la novella, avec cet avantage qu’à l’instar du Bélial’ et d’Agullo, ils traduisent aussi de l’inédit. C’est la vie de château, pourvu que ça dure !