Bester fait partie des clowns de la S.F., comme Lafferty, mais d'une manière un peu différente : autant Lafferty noie tout dans les brumes de l'alcool, autant Bester prémédite ses effets et les monte soigneusement ; il y a chez lui une précision à la Buster Keaton. Une piste : il a déclaré que Terminus les étoiles, un de ses deux grands romans, est une variation sur le Comte de Monte-Cristo, et c'est vrai. On pourrait donc représenter Bester, ce personnage adipeux et fortement charpenté (avec une barbe en pointe assez satanique), en Monte-Cristo, c'est à dire en Dumas. Eventuellement, décor de cirque galactique ; il est alors Monsieur Loyal et fait défiler les monstres extraterrestres dressés.
Autre piste : il a été scénariste de bandes dessinées (Superman, Batman, Green Lantern, etc.). Le fond serait alors un décor de comic book.
1 - Jacques CHAMBON, Le Bonjour d'Alfred, pages 7 à 23, préface 2 - Les Traîtrises du temps (Time Is the Traitor, 1953), pages 25 à 53, nouvelle, trad. Jacques CHAMBON 3 - Oddy et l'Id (The Devil's Invention / Oddy and Id, 1950), pages 55 à 74, nouvelle, trad. Franz KOWACS 4 - Journal de voyage (Travel Diary, 1958), pages 75 à 79, nouvelle, trad. Jacques CHAMBON 5 - Ne quittez pas (Will You Wait?, 1959), pages 81 à 89, nouvelle, trad. Jacques CHAMBON 6 - Le Compensateur (The Pi Man, 1959), pages 91 à 109, nouvelle, trad. Michel DEUTSCH rév. Jacques CHAMBON 7 - Les États-Unis de Hollywood (The Flowered Thundermug, 1964), pages 113 à 163, nouvelle, trad. Dominique HAAS 8 - Un drôle de numéro (Out of this World, 1964), pages 165 à 177, nouvelle, trad. Dominique HAAS 9 - Le Grand huit (The Roller Coaster, 1953), pages 179 à 189, nouvelle, trad. Dominique HAAS 10 - Un tiens vaut mieux… (Hobson's choice, 1952), pages 191 à 211, nouvelle, trad. Dominique HAAS 11 - Galatée galante (Galatea Galante, 1979), pages 213 à 267, nouvelle, trad. Dominique HAAS 12 - Mes amours avec le science-fiction (My Affair with Science Fiction, 1974), pages 269 à 305, article, trad. Jacques CHAMBON 13 - ANONYME, Bibliographie d'Alfred Bester, pages 307 à 312, bibliographie
Critiques
Alfred Bester est certainement l'un des auteurs les plus surprenants que nous ait donné la Science-fiction. Surprenant par son approche du genre et la façon dont il a su traiter les thèmes auxquels il s'est attaqué — la télépathie dans le légendaire Homme démoli, le télétransport, qu'il nomme « tranzitt » dans Terminus les étoiles, son chef-d'œuvre (Denoël tous deux), ou l'immortalité dans Les clowns de l'Eden (Robert Laffont) — , mais aussi par la disproportion entre sa renommée et le nombre de ses textes publiés : moins de cinquante, dont les trois romans cités plus haut, un quatrième, Golem, qui n'a pas été traduit chez nous, et un ouvrage de littérature générale.
Ce Livre d'Or, en dix textes, nous offre donc une part conséquente de l'œuvre de Bester et l'on ne peut que louer la sélection de Jacques Chambon — même s'il convient d'émettre quelque réserve sur sa préface, à laquelle on préférera Mes amours avec la Science-fiction, étonnante autobiographie littéraire pleine d'humour placée en fin de volume, juste avant une bibliographie ô combien ! maigre et non exhaustive — mais la tâche est ardue, Bester ne s'en souvenant pas lui-même. Cependant, cette appréciation n'est que le reflet d'une opinion personnelle ; je trouve en effet que Chambon n'a pas dégagé l'essence des écrits de Bester dont l'originalité tient, pour lui, à trois facteurs — PARADOXE, J'EMERVEILLE et STYLE — , ce qui est incontestable, mais il oublie le paradoxe de départ, celui sans lequel il n'y aurait pas eu de Bester écrivain de Science-fiction : le perpétuel rapport, l'opposition incessante entre la contrainte et la liberté. Contrainte littéraire stricte permettant la liberté imaginative, comme dans Galatée galante qui, le fait très justement remarquer Chambon, n'est pas très loin de Joyce, mais aussi contrainte imaginative libérant l'écriture. Car si L'homme démoli et Terminus les étoiles — et surtout le second, calqué sur Le comte de Monte-Christo — explosent si violemment sur le plan de la forme, c'est parce que leur structure est d'une solidité à toute épreuve.
Il suffit de consulter l'« équation empirique » de la page 295 pour s'en rendre compte. Bester s'impose des contraintes à niveaux multiples ; la plupart des textes de ce Livre d'Or en témoignent à des degrés divers.
En conclusion, un volume de grande qualité, certainement l'un des meilleurs de cette série indispensable à l'amateur.