DLM Editions
, coll. Cyberdreams, la collection n° 4 Dépôt légal : janvier 1998, Achevé d'imprimer : décembre 1997 Première édition Recueil de nouvelles, 128 pages, catégorie / prix : 45 FF ISBN : 2-87795-120-0 Format : 11,0 x 18,0 cm Genre : Science-Fiction
C'est un fait : l'Homme ira visiter les étoiles. Dans un siècle ou deux, il inventera de nouveaux moyens de déplacement et découvrira le nada-continuum. Alors, des Propulseurs pourront pousser les vaisseaux spatiaux d'étoile en étoile...
Mais que trouveront-ils exactement dans l'univers ? L'illumination spirituelle ou une nouvelle forme de drogue ? Quoiqu'il en soit, pour Max Thorn, l'expérience ne s'achèvera pas de façon ordinaire !
Des étoiles, l'Homme ramènera d'étranges objets, comme ces cristaux qui ont le pouvoir d'enregistrer les émotions et les sentiments. Mais lorsqu'on est le seul survivant d'une terrible catastrophe, quel usage peut-on en faire ?
Quant à ceux qui resteront sur Terre et qui auront envie de se distraire, c'est pour eux que l'on concevra de gigantesques parcs d'attraction en orbite. Et si un employé androïde devient fou, il faudra faire appel à Isabella Manchester, une jeune Tutsi aux pouvoirs vraiment très spéciaux !
Né en 1960, Eric Brown a vécu en Australie, en Grèce et en Inde. Il a publié deux recueils de nouvelles et deux romans : son œuvre est celle d'un écrivain concerné par les rapports douloureux entre l'Homme et la technosphère, un univers où artistes et enfants incarnent et transcendent les pouvoirs de la technologie.
1 - Sylvie DENIS, Eric Brown ou la recherche de l'absolu, pages 7 à 13, préface 2 - L'Homme décalé (The Time-Lapsed Man, 1988), pages 15 à 41, nouvelle 3 - Du rififi au grenier (Big Trouble Upstairs, 1988), pages 43 à 68, nouvelle 4 - Mourir pour l'art - et vivre (The Girl Who Died for Art and Lived, 1987), pages 69 à 99, nouvelle 5 - Les Disciples d'Apollon (The Disciples of Apollo, 1989), pages 101 à 117, nouvelle 6 - (non mentionné), Bibliographie d'Eric Brown, pages 119 à 120, bibliographie
Critiques
Après le remarquable Axiomatique signé Greg Egan, dont nous vous faisions béatement l'éloge dans ces colonnes il y a quelques mois, voici que nous arrive un autre petit bouquin à la couverture bizarroïde de l'éditeur montpelliérain DLM, un volume qui nous propose de faire plus ample connaissance avec Eric Brown, l'un de ces jeunes écrivains prometteurs issus des bancs du magazine britannique Interzone.
L'ouvrage s'ouvre par une courte préface non signée — qu'on attribuera sans peine à la nouvelle responsable de collection, Sylvie Denis — présentant les thématiques récurrentes de l'auteur. Une initiative dont on ne peut que se féliciter puisque, hormis trois nouvelles publiées dans CyberDreams (DLM), une autre dans Univers 1989 (J'ai Lu) et enfin un dernier texte paru dans l'anthologie Century XXI (Encrage), force est de constater qu'en France, on ne sait que bien peu de choses d'Eric Brown.
Avec « L'homme décalé », premier des quatre textes présentés, nous entrons de plein pied dans l'univers créatif de l'auteur, une matière que Brown puisera invariablement tout au long du recueil dans le vaste champ des motivations, affres et autres aspirations de « cette chère humanité », comme l'aurait dit en son temps un certain Curval. Ainsi, le héros de « L'homme décalé » a un problème : il est victime de ce que l'on pourrait qualifier de vieillissement sensoriel. C'est à dire que ce qu'il voit en ce moment s'est déroulé il y a plusieurs heures, le goût qu'il a dans la bouche n'est que le fantôme gustatif de son petit déjeuner du matin, ce qu'il entend présentement a été dit hier, etc... Bref sa perception sensorielle est complètement décalée, éclatée. On avouera avoir connu des nouvelles basées sur des idées plus communes... Au final un texte étonnant, une entrée en matière remarquable.
Avec « Du rififi au grenier », on passe d'une ambiance très intériorisée à une nouvelle qui, si elle conserve par instant un côté indéniablement introspectif, puise davantage ses ressorts dans l'action. Isabella est une méga-télépathe Tutsi aux pulsions sexuelles un tantinet pédophiles. Elle peut lire les pensées, bien sûr, mais aussi les influencer. Son job ? Intervenir sous couvert gouvernemental en cas de pépin. Et un tueur fou qui découpe deux cent cinquante touristes au laser dans un Disney Land satellisé, ça, c'est un vrai pépin. Nul besoin d'en dire plus. Outre le fait que « Du rififi au grenier » soit une nouvelle au titre français ridicule, c'est aussi et sans conteste la perle de ce recueil, une nouvelle courte mais d'une puissance certaine et dont les trois dernières pages, gageons-le, n'ont pas finies de surprendre...
Arrive « Mourir pour l'art — et vivre », peut-être la nouvelle la plus ambitieuse d'Odyssées aveugles. L'histoire s'inscrit dans un monde futuriste passablement décadent ou la dernière mode pour faire sensation en société réside dans l'exhibition de bubons et autres chapelets de cellules cancéreuses hypertrophiées. Un régal, quoi. Comme dans « L'homme décalé », le héros de « Mourir pour l'art — et vivre » a subi un accident lors d'un vol spatial, son vaisseau ayant été détruit par une nova. Rescapé miraculeux mais défiguré (son ordinateur occipital a fondu lors de la catastrophe !), il ne cesse de revivre le souvenir de ce drame au cours duquel sa femme a perdu la vie. De retour sur Terre, il se lance dans une carrière de sculpteur, utilisant comme matériau une substance extraterrestre capable de communiquer, par simple contact, les sentiments qu'on y imprime. C'est lors de son premier vernissage qu'il rencontrera Lin Chakra, une artiste fascinée par la mort et les émotions qui y sont liées... « Mourir pour l'art — et vivre » est une nouvelle intéressante quoique parfois à la limite du « téléphoné », un texte qui, en définitive, promet beaucoup et donne un peu moins qu'il était possible d'espérer.
Odyssées aveugles s'achève enfin sur « Les disciples d'Apollon », une magnifique histoire d'amour entre deux personnes condamnées. D'aucuns trouveront sans doute que l'argument science-fictif est ici bien mince. Ils auront probablement raison. Ce qui n'ôte rien aux qualités réelles de ce texte ou la sensibilité de l'auteur sourd de chaque mot.
En refermant ce petit recueil, on ne peut que se dire qu'Eric Brown est un bien bel auteur, un de ces écrivains qui, dans une remarquable économie d'effet, use avec bonheur des ressorts de la Science-Fiction pour nous faire nous mieux connaître, loin, très loin des images classiques d'un genre trop souvent banalisé. En somme une superbe démonstration à dévorer sans tarder.
ORG Première parution : 1/4/1998 dans Bifrost 8 Mise en ligne le : 2/11/2003
L'essentiel est dit dès la préface de Sylvie Denis : la solitude des personnages (« propulseurs » spatiaux dans leur caisson, artistes blessés, enfants trahis, malades condamnés — on peut cumuler), la recherche de la fusion avec l'autre ou le grand Tout — de quoi alimenter bien des pathos adolescents. Mais aussi le talent et le métier. La densité, c'est à dire la capacité à retracer en concentré des itinéraires antérieurs, d'où la richesse de textes. Le croisement de la psychologie mainstream, identificatrice, et des idées proprement SF. L'inventivité, derrière la cohérence donnée par la réutilisation de thèmes propres et d'éléments classiques revisités. Les surprises finales, qui font qu'on ne dira pas ici comment finit le « propulseur » dont les perceptions se décalent dans le temps, son cerveau percevant les sons, les images, etc. avec un retard croissant (encore que des quatre, ce soit là le texte le plus linéaire), ni comment son collègue difficilement rescapé d'une catastrophe et capable de transmettre ses sensations à travers des cristaux promus œuvres d'art gère son désir de mort, ni qui est le forcené qu'une jeune télépathe esseulée neutralise dans un Disneyland orbital, ni quelle maladie cloître ses victimes dans une île, quitte à leur accorder le temps d'un dernier amour.
Bref, tout cela est bel et bon, et on a plaisir à retrouver Eric Brown dans CyberDreams 12, avec un texte plus ancré dans le monde « normal », mais jouant tout autant sur le pathétique, et équilibrant le sain cynisme du Sherlock Holmes sadique du monde parallèle imaginé par Thomas Day, et l'eau-forte d'un bled perdu des « États-Unis socialistes où Kim Newman et Eugene Byrne font patauger dans le gore un émule local d'Hannibal Lecter (Le Silence des agneaux), protégé par un Parti où ont fait carrière Al Capone, Edgar Hoover ou Richard Nixon. Que les dieux de la SF prêtent longue vie aux éditions DLM...