Jusqu'où l'art peut-il nous emmener ? Vers quoi la science peut-elle nous entraîner ? L'un et l'autre sont-ils voués à être éternellement opposés ? Ou bien...
Ou bien viendra-t-il un jour (et cela ne s'esquisse-t-il pas dans les signes de notre quotidien, dans notre architecture, dans nos armes, nos véhicules, nos centrales), ne viendra-t-il pas un jour où l'on tentera la fusion définitive ? Où les créateurs rejoindront les inventeurs, où il n'y aura plus que des chercheurs ?
La Rose est l'histoire de trois êtres. Un homme faible, en quête de vérité. Deux femmes. L'une compose de la musique, l'autre tente de forger une arme absolue.
Trois êtres totalement différents qui vont, précisément, susciter l'apparition d'une humanité différente.
1 - Michael MOORCOCK, Préface (1968), pages 5 à 9, préface 2 - La Rose (The Rose, 1953), pages 11 à 154, nouvelle, trad. Alain DORÉMIEUX 3 - La Nouvelle réalité (The New Reality, 1950), pages 155 à 221, nouvelle, trad. Daphné HALIN
Critiques
La science-fiction est souvent associée, dans l'esprit du grand public, à des histoires d'extra-terrestres et de voyage spatial. La réalité est bien entendu tout autre. La science-fiction aborde des thèmes extrêmement variés et peut rejoindre d'autres types de littératures, sérieuses ou légères, imaginaires ou bien ancrées dans la réalité. Dans ce dernier cas, c'est surtout la présentation des éléments du récit qui fera qu'un texte sera classé d'une façon ou d'une autre.
Harness a peu écrit dans le genre. Si son Anneau de Ritornel correspond bien à l'idée reçue de ce qu'est la science-fiction, La Rose est original en ce qu'il met en scène un débat quasi philosophique sur la Science opposée à l'Art.
Il y a relativement peu de personnages dans ce court récit au style très facile d'accès. Les deux disciplines sont symbolisées par un couple, Martha et Ruy Jacques, elle plaidant pour la Science et lui pour l'Art. Il faut y ajouter quelques témoins (comme le docteur Bell) et une rivale à Martha dans le cœur de Ruy. Alors tout se déroule de façon implacable, comme une démonstration ou une symphonie... L'évolution de l'intrigue est centrée sur Anna van Tuyl, psychiatre et artiste. En tant que membre du corps médical, elle s'intéresse à Monsieur Jacques car celui-ci ne sait plus lire... En tant qu'artiste, elle compose un ballet qu'elle voit et entend dans ses rêves. Il y est question d'une rose, d'un rossignol, etc... Que deviendra-t-elle et finira-t-elle son ballet ? Quel est le rôle exact d'Anna dans la lutte entre l'Art et la Science ? Et bien sûr qui va l'emporter, et comment ?
L'auteur semble plus versé dans l'Art et développe un peu moins les aspects techniques. Un bon nombre de disciplines sont abordées, musique, peinture, écriture, danse. Cela donne naissance à des scènes d'un intérêt certain, comme la composition d'un tableau sous nos yeux par exemple. On comprend pourquoi ce tableau, utilisé comme une arme, va effectivement assurer la défense d'Anna. L'ennemi est résumé à la Sciomnie qui englobe, en quelques équations, l'ensemble des connaissances scientifiques. Les discours qui les concernent passent bien. Ils ne sont ni trop savants, ni trop absurdes.
Il est donc plaisant de suivre le déroulement de ce minidrame car on est dans la réalité en ce qui concerne le fond mais avec une mise en scène totalement imaginaire et très symbolique. De plus, l'auteur choisit de nommer un vrai vainqueur, contrairement à l'attitude plus classique qui consiste à poser la question sans en donner la réponse. Cela ne peut laisser indifférent. Vite lues, ces cent-soixante-six pages constituent une curiosité agréable, belle et profonde, qu'on suit avec intérêt, le sourire aux lèvres.
Par l'auteur, peu prolixe mais toujours remarqué, de L'enfant en proie au temps(« Histoires Fantastiques de demain », Casterman) et de L'anneau de Ritornel(Laffont), un très court roman dont la parution en magazine remonte à 1953, suivi d'une longue nouvelle, La nouvelle réalité.Dans les deux, il mêle une grande érudition (sur les arts dans l'un, l'histoire des sciences et la philosophie dans l'autre) et une poétique sensibilité (beauté et amour) : mais alors que dans The rosele mariage est réussi et donne un fascinant ballet sur l'éclosion de l'Homo Superior, dans The new reality l'intuition proprement renversante que l'homme crée le monde et le recrée sans cesse tourne finalement à... l'eau de rose.