La pierre philosophale, c'est ni plus ni moins ce qu'espère trouver Howard Lester, un jeune savant anticonformiste. Il a entrepris des recherches qui, croit-il, lui montreront le chemin vers l'immortalité et lui permettront de connaître la vérité sur les origines de l'homme, et du monde...

     Une opération du cerveau, destinée à intensifier sa perception et ses pouvoirs psychiques, lui confère une étrange capacité à visualiser le passé, à contempler des scènes, des gens et des lieux, même aussi lointains que le Stonehenge des origines ou le mystérieux continent de Mu. Mais quelque chose tourne mal : une force bizarre, maléfique, s'oppose à sa pénétration dans des temps immémoriaux. Néanmoins, Howard Lester et son ami, le psychologue Henry Littleway sont résolus à aller jusqu'au bout de leur quête, qui tourne au cauchemar... lovecraftien. Et si l'oeuvre de H.P. Lovecraft n'était pas une fiction, mais bel et bien la réalité ? Les Grands Anciens, le mythe de Cthulhu, le Nécronomicon : tout recommence, ou plutôt, continue !

     Hommage à H.P. Lovecraft, mais aussi interprétation inattendue de son oeuvre, cet étourdissant roman scientifico-fantastique, riche en péripéties, se lit comme un roman policier. Comme dans tous les livres de Colin Wilson, oni y trouve les considérations philosophiques et les réflexions sur les véritables pouvoirs de l'homme qui servent de fil rouge à toute son oeuvre.

     Depuis longtemps introuvable, ce livre est aujourd'hui proposé dans une traduction revue et complétée, avec une préface de François Truchaud, spécialiste incontesté de H.P. Lovecraft.

     La bibliographie française de Colin Wilson nous offre comme le portrait en creux d'un brillant polygraphe, usant avec le plus parfait bonheur de tous les genres. Colin Wilson n'est pas uniquement l'auteur des Vampires de l'espace ou des Parasites de l'esprit et il n'a rien d'un épigone de Lovecraft, même s'il le met à contribution. Ce n'est pas un autre Brian Lumley ! Il suffit pour s'en convaincre de lire Soho à la dérive,roman « mainstream » disponible en Folio.

     La pierre philosophaletout en usant de références lovecraftiennes, rompt totalement avec les schémas et les structures en usage dans ce sous-genre hypercodé. S'il est question de Grands Anciens, c'est aux confins du livre, par la bande, après une longue errance philosophique qui constitue le véritable sujet de ce roman ambitieux.,

     Si l'ésotérisme y tient une grande place, d'une manière étayée et sérieuse, Wilson se livre également à une pertinente réflexion sur le statut et les buts de la science. « La science n'est pas une tentative d'atteindre la « vérité », du moins pas la vérité des simples « faits ». Ce que l'homme désire, c'est élargir son champ de conscience(...) » (p. 30). Voilà une position lucide qui est à souligner en ces temps de retour « néoclassique » à un scientisme suspect.

     La pierre philosophalen'est certes pas destiné à être lu comme un roman d'aventures. Les cinquante premières pages montrent à suffisance l'abîme qui sépare l'histoire (passionnante) de Howard Lester des aventures de Randolph Carter. Pourtant on lit cet ouvrage porté par le texte comme par une vague impérieuse. Roman ambitieux n'égale pas roman ennuyeux. Il s'agit sans conteste d'une réussite remarquable, qui mêle sens esthétique et réflexion en une parfaite synthèse littéraire. L'érudition manifeste de l'écrivain balise un lent parcours au gré de l'évolution de la pensée d'un homme : nous sommes en présence d'un roman d'apprentissage. A l'heure où l'on crie au chef-d'œuvre comme d'autres crient au loup, il faut affirmer clairement que l'on tient ici une œuvre étourdissante.