Robert SILVERBERG Titre original : Valentine Pontifex, 1983 Première parution : États-Unis, Westminster (Maryland) : Arbor House, octobre 1983ISFDB Cycle : Majipoor vol. 3
Sur Majipoor, planète géante, règne lord Valentin le Coronal qui, naguère jongleur, a retrouvé son trône, mais a conservé un corps d’emprunt. Ces faits de haute chronique ont été relatés dans Le Château de Lord Valentin.
Mais il n’est pas dit que le règne de Valentin restera serein. Tandis que le Coronal entreprend son périple à travers les immensités de Majipoor afin d’aller à la rencontre de ses peuples, accompagné de Carabella, son épouse bien-aimée, de ses amis des jours d’infortune devenus grands seigneurs et d’une armée de courtisans, les nuages s’amoncellent, les maladies frappent, la famine survient, et la rébellion.
Des monstres surgissent des forêts d’habitude paisibles de Majipoor. Faudra-t-il faire la guerre aux Changeformes ? Car ce sont eux, premiers occupants de la planète, jadis massacrés et refoulés par les humains venus de l’espace, qui tentent une nouvelle révolte. Valentin, épris de paix et d’amour, ne parvient pas à s’y résoudre. Majipoor va-t-elle sombrer ?
Robert Silverberg déploie dans son cycle de Majipoor, dont voici le troisième tome, la fresque somptueuse d’un vaste univers, qui le range parmi les plus grands auteurs de littérature de l’imaginaire vivants.
Après Le château de Lord Valentin, qui posait le cadre de la planète géante en un long travellogue, et Chroniques de Majipoor, qui en une série de nouvelles explorait le passé de la colonisation, Silverberg boucle son cycle (à moins qu'il y revienne plus tard) en reprenant et en mêlant des éléments des deux premiers livres. On y retrouve bien sûr Valentin, Coronal qui va devenir Pontife, et un long circuit à travers la planète, mais aussi Hissume, l'archiviste du registre des âmes des Chroniques, qui va lui succéder. On revient aussi sur le fait colonial et l'existence des habitants primitifs de la planète, les Changeformes, puisqu'une partie de ceux-ci, après 14 000 ans de colonisation, entre en révolte écologique (avec maladie végétale et création de monstres) contre les hommes.
On croit de prime abord à un vigoureux plaidoyer contre le fait colonial et pour l'acceptation de la différence, comme l'auteur savait en trousser à l'époque du Temps du changement par exemple. Hélas Silverberg esquive le débat, en restreignant la révolte à un seul clan, et en adoptant une solution humaniste qui fait tourner un peu court l'épopée historique qu'on croyait voir se dessiner. Ce qui a le plus manifestement intéressé l'auteur, ici, c'est le poids du Pouvoir sur les épaules d'un homme qui n'était peut-être pas fait pour lui, et qui pourtant consent à tous les sacrifices — jusqu'à faire ce qu'il désirait le moins, descendre dans le Labyrinthe pontifical jusqu'à la fin de ses jours, car telle est la coutume de Majipoor. L'histoire de cet homme fatigué, qui va jusqu'au bout de lui-même, n'est-ce pas celle de Silverberg en personne, las de parcourir cette grande épopée, qui n'est pas ce qu'il a fait de meilleur ? On peut le penser. Et, si la lecture de ces nouvelles 360 pages est agréable, tant le style de l'auteur est coulant, on ne peut tout de même que regretter L'oreille interne ou Shadrak dans la fournaise...