En se passant calmement chez lui le film de son dernier meurtre — un vrai carnage ! — , Dragon rouge se promit de faire mieux la prochaine fois.
Une série de meurtres terrifiants de sauvagerie secoue les Etats-Unis. Tous suivent le même rituel d'horreur, le même scénario, tous sont signés d'un mystérieux Dragon rouge.
Un homme est sur la piste. Il s'appelle Will Graham et a déjà montré par le passé une curieuse aptitude à se mettre dans la peau des psychopathes, à adopter leur point de vue, à deviner leurs pulsions les plus secrètes.
La traque commence. Pour Graham, c'est le début d'une descente aux enfers dans le psychisme d'un inconnu, avec lequel il a décidément trop d'affinités.
Rendu mondialement célèbre par son roman « Le silence des agneaux », Thomas Harris est un journaliste spécialisé dans les affaires criminelles. Considéré dans les pays anglo-saxons comme le grand classique du roman de terreur, « Dragon rouge » marque la première apparition de Jack Crawford et d'Hannibal le cannibale.
Trois monstres en présence : on ne peut plus brièvement résumer l'intrigue du Dragon rouge. Deux monstres asociaux : la Mâchoire ou le dragon, un mordeur, un psychopathe à l'enfance douloureuse, et le docteur Lester, psychiatre, qui a choisi lucidement de faire un art de la mort, de la souffrance et du cannibalisme. Le troisième, dont le rôle social est positif, est professeur de médecine légale au FBI. Schizophrène et dépressif, il a une telle intuition de la psychologie des monstres qu'il ne peut qu'en être un lui-même, comme le lui dit Lester et le pense La Mâchoire. Lester, cannibale de l'espèce la plus raffinée, purge sa peine à perpétuité après avoir été arrêté par Graham. Tous trois éprouvent la même fascination de la mort.
La Mâchoire s'appelle aussi le Dragon rouge, du nom d'une aquarelle de William Blake, dont il a la reproduction dans sa chambre et le tatouage sur le corps. Ce tueur en série psychopathe, pratique, à chaque assassinat, un rituel d'horreurs durant de longues heures, sacrifiant d'abord animaux, puis mari, femme et enfants, suivant une mise en scène effrayante. Il en filme le déroulement et en revoit ensuite les séquences pour satisfaire une libido restée infantile. Méticuleux, il ne laisse aucun indice qui puisse mettre les enquêteurs sur sa trace. Il voue à Lester une grande admiration, mitigée du désir de le dépasser, et même de le tuer pour s'emparer de sa force. Lester, bien qu'en prison sous haute surveillance, se fait un malin plaisir de suggérer à son admirateur envieux les conseils qui devrait lui permettre d'éliminer l'enquêteur le plus acharné à le découvrir, Graham, le troisième monstre. Graham éprouve une joie sauvage, suivie de dépression, quand il se rapproche d'un meurtrier pour le tuer. Il est capable d'éclaircir les machinations les plus mystérieuses, d'adopter le point de vue des serial-killers derrière leurs pulsions secrètes. Sa pénétration psychologique de la monstruosité criminelle est telle qu'elle lui a permis de faire mettre en prison Lester, pourtant remarquablement calculateur, en se mettant à sa place et en réfléchissant selon ses perspectives. Lester l'estime à sa valeur : « nous sommes pareils », lui dit-il. Pas du même camp cependant. Mais comprendre que les hommes sont gouvernés par des forces maléfiques, avoir une connaissance instinctive de ces forces ne peut se faire que dans une même conception de la monstruosité. On ne peut y accéder que parce qu'on a d'abord compris et admis le monstre en soi.
Roman éprouvant, moins cependant qu'Hannibal, ce thriller remarquablement construit est simultanément réaliste et psychologique. Tout y est déjà : la violence, le sexe, le sang, dans un suspense remarquablement mené. Ne ratez pas ce roman, qui est très proche de Le silence des agneaux et à mon sens supérieur à Hannibal.