A rester des mois terré dans un placard, il vous vient parfois de drôles d'idées...
Pauvre Ronald ! Une tentative de viol qui tourne mal et le voilà recherché pour meurtre. Sa mère le sermonne, mais elle comprend bien qu'il s'agit d'un accident et l'aide à se cacher de la police. Par chance, il y a dans la maison un petit réduit qui ne demande qu'à être aménagé.
Le jeune meurtrier s'y installe. En principe juste pour quelques semaines, le temps que l'affaire se tasse... Mais sa mère, son seul lien avec le monde extérieur, victime d'un malaise, est emmenée à l'hôpital...
Jack Vance n'est pas seulement l'un des plus grands auteurs de science-fiction contemporains avec « La geste des Princes-Démons », « Araminta » ou « La perle verte » Il est aussi un maître du suspense. « Méchant garçon » est un des chefs-doeuvre du genre.
Coup sur coup à la fin 79, l'excellente collection policière « Red Label » a publié deux romans que, pour l'amateur de SF, il faudrait non pas vraiment repêcher mais assurément annexer à cause d'une dimension anecdotique. Il y a d'abord L'invisible Monsieur Levert, où John Sladek pastiche le roman à énigme comme il pastichait déjà la SF (Méchasme, Opta, 1972, rééd. Presses Pocket, et L'effet Mùller-Fokker, Opta, 1974) et ses figures principales (Un garçon à vapeur, Opta, 1977). Timide et sans débordement en apparence, ce roman est en fait une savante construction articulant de multiples niveaux de lecture. Son caractère spéculatif est donc essentiellement formel — ou ludique.
Tout aussi curieux est le roman de Jack Vance, Méchant garçon. D'abord parce qu'on ne connaissait pas cette face de l'écrivain, surtout célèbre par son heroic fantasy, fort bien faite mais qui ne cesse de ressasser les mêmes recettes désuètes. Certes, de Vance on connaissait aussi des merveilles comme La grande bamboche (in anthologie Bateaux ivres au fil du temps Casterman, 1978). Mais ce Méchant garçon est sans doute un des plus prodigieux romans noirs (et « à suspense ») jamais produits par le genre. Là aussi, l'amateur de SF détecte le caractère spéculatif tapi sous l'innovation thématique de Vance, l'invention d'un « cas de figure » inouï et qui focalise les fantasmes de voyeurisme. Ce qui est encore plus curieux, c'est que dans cette production policière (phénomène récent) de Vance se trouve littéralement mise en abîme toute son œuvre d'heroic fantasy ! Le personnage principal (qui est comme caché dans les murs d'une maison dont il épie les habitants) élabore jour après jour une vaste saga (le cycle d'Atranta) depuis son réduit secret où il est lui-même enfermé comme dans une microdemeure à l'intérieur de la villa. Une série d'emboîtements vertigineux !
A ne pas rater, pour l'anecdote comme pour les qualités intrinsèques de ces livres.