Une jeune femme qui s'entraîne au tir à la carabine, entièrement nue au milieu de la forêt, et une lettre signée d'une militante extrémiste qui s'est immolée par le feu il y a une dizaine d'années... Tels sont les points de départ d'une dérive qui va entraîner une famille « normale » de Californie, les Markham, dans une spirale cauchemardesque.
Peu à peu, la vie se transforme en une illusion angoissante et fait ressembler le quotidien à un de ces films d'horreur dont le jeune Eddie, leur fils, est si friand. Les événements irréels ressurgis du passé, qui se succèdent à un rythme toujours plus rapide, sont-ils seulement le fruit d'une confusion des sens, ou faut-il pour en trouver la clef chercher une signification et un message dans ces productions cinématographiques à la fois californiennes et gothiques où les cimetières de voitures font office de cathédrales ?
Mais les cadavres des victimes égorgées sont eux bien réels, ainsi que les signes mystérieux dont s'accompagne chaque crime.
Dans ce récit, Dennis Etchison a adapté le style gothique au roman et au monde moderne tout en nous offrant une allégorie d'une force saisissante sur notre temlps et l'imaginaire qu'il engendre.
Dennis Etchison est également l'auteur du Démon de l'ombre dans la même collection.
Dennis Etchison prend aujourd'hui, dans la littérature de terreur, une place méritée. Jusqu'ici, d'autres auteurs plus axés que lui sur la recherche du choc visuel — Stephen King, Clive Barker — ont occupé le devant de la scène horrifique. Avec Etchison nouvelliste, comme avec Steve Rasnic Tem, nous assistons — impuissants — à une montée des pressentiments devant l'informe entraînant une angoisse qui saisit les personnages et contamine le lecteur. Dans California Gothic, le second roman d'Etchison paru chez Denoël après Le Démon de l'ombre, on pense au premier abord qu'il s'agit d'un roman à grand spectacle, à l'opposé de l'univers de ses nouvelles. En effet, c'est un roman qui joue — un peu comme dans le film Scream — sur des allusions cinématographiques, ne serait-ce que parce que l'un des protagonistes tourne un film d'horreur en se référant à des films qu'il visionne. Mais à l'intérieur de ce qui aurait pu n'être qu'un montage alterné de type film/ réalité et mixage par la folie, autre chose a lieu. Le « studio réalité » (pour emprunter cette image à William Burroughs), se met à produire des effets non prévus.
Dès le départ, dans une sorte de prégénérique — lui aussi renvoyant à mille films d'horreur connus — une tueuse nue abat un forestier trop curieux (et on ne saura jamais ce qu'il y avait derrière cette porte qu'il a voulu ouvrir...). Par la suite, dans une famille où le fils adolescent s'emploie à réaliser des films d'horreur, cette femme, ou une qui lui ressemble et porte son nom (pourtant morte depuis longtemps) réapparaît pour, semble-t-il, reprendre place auprès du père du gamin, dont elle avait partagé la vie dans sa jeunesse.
L'ouvrage est composé — à la manière de Misery — de l'alternance de récits renvoyant à cette histoire impossible, et de scripts d'un film en gestation, que tourne le fils avec un de ses amis. Les éléments du script, comme les décors du film que les adolescents repèrent puis filment, se mêlent aux décors de la « vie réelle » des personnages adultes. Au point que l'on ne sait plus, par exemple, à quoi est due la chute d'un arbre immense devant la maison des parents. De plus dans les deux univers ainsi conjoints, un élément joue un rôle identique : le feu, dont la tueuse semble surgir comme une sorte de salamandre.
Malgré les scènes spectaculaires — on se croirait dans un ouvrage écrit pour être filmé — qui mêle l'aspect gothique du titre à Hollywood (à cause de la Californie), ce qui domine, on le voit à la fin, géniale, c'est, comme le donne à lire le regard de l'adolescent « l'attente d'un signe ».