Philip K. Dick (1928-1982) a laissé une œuvre considérable tant dans le domaine de la nouvelle que dans celui du roman. Écrivain phare de la science-fiction, il a profondément marqué toute une génération d'auteurs et de lecteurs. Plusieurs de ses récits ont été portés à l'écran : on citera Blade Runner, Total Recall et Planète hurlante.
Méfiez-vous du réel : les objets ne sont pas ce qu'ils semblent être. Des entités rôdent. Des simulacres vous guettent. Dans les sept récits de ce recueil, écrits entre 1952 et 1953, tous les thèmes qui ont fait le succès de Philip K. Dick sont déjà présents : le double, le simulacre, ou la perception de la réalité, thème central de la conférence qui ouvre ce recueil, « Comment construire un univers qui ne s'effondre pas deux jours plus tard ».
On nous annonçait il y a deux ans environ la publication prochaine par Denoël de l'intégrale des nouvelles de Philip K. Dick. Malheureusement, certains directeurs de collection (dont nous tairons les noms) ayant entre temps refusé de céder les droits des recueils qu'ils avaient publies, le projet dut être partiellement abandonné pour se réduire à une simple série de recueils compilant la totalité des nouvelles, inédites ou non, n'ayant jamais été reprises en volumes. Le Crâne n'est autre que le premier volet de cette grande saga dickienne. Nous y découvrons un Dick « première période », encore tout imprégné par ses lectures, par Van Vogt diront certains, à travers sept nouvelles de jeunesse publiées originellement entre 1952 et 1953. et traduites, à l'exception de « Colonie » (qui était déjà disponible dans Galaxie et Marginal), par Pierre-Paul Durastanti. A noter une nouvelle traduction de « Beyond lies the Wub », la première nouvelle de l'auteur ayant trouvé acquéreur, différente de celle d'Iawa Tate dans Univers n° 11.
Il n'y a malheureusement que peu de rapports entre ces textes, toujours plaisants il est vrai, et les grands romans de l'auteur (Ubik, Le Dieu venu du Centaure, Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ? Le maître du Haut Château, La transmigration de Timothy Archer...). même si on y aperçoit plusieurs thèmes qu'il développera plus tard et certains de ses traits caractéristiques : son humour (« Aux confins de l'espace guette le Wub »), sa vision paranoïaque du monde et des objets (« Le canon » et « Colonie »), sa définition de l'univers (« Le monde qu'elle voulait »)...
Pas de fresques grandioses, de scènes puissantes, de séquences délirantes (à l'exception du texte clôturant le volume), on pourrait le regretter. Mais quand on sait ce qu'était la SF dans les années cinquante (voir à ce propos la vision de Dick de l'édition spécialisée à cette époque dans le numéro de Science-Fiction qui lui est consacré), on ne peut que se féliciter de la bonne tenue de l'ensemble qui. à défaut de nous passionner, nous fait passer un bon moment grâce à de bonnes et efficaces histoires classiques tenant toujours la route trente cinq ans plus tard. Que dire de plus si ce n'est que pendant ces années la SF (et Dick du même coup) a considérablement évoluée ?
Toujours est-il que le travail que nous proposent Alain Dorémieux, Pierre-Paul Durastanti et Emmanuel Jouanne devait être fait un jour ou l'autre, aussi les remercions-nous d'avance pour le second volume et les encourageons-nous à poursuivre cette vaste entreprise d'exhumation qui devrait satisfaire conjointement passionnés de Dick et amateurs de bonne Science-Fiction !