Ecoute, petit robot : il était une fois une noble princesse dont la beauté éclipsait tous les joyaux de la Couronne.
Mais la démence s'était infiltrée dans ses électro-circuits et, aux purs chevaliers de titanium et d'airain qu'on lui proposait en mariage, elle préférait ces êtres flasques, vaseux et vénéneux de l'espèce marmaloïde, ces ratages de la création qu'on nomme les blêmards et qui vont, ballant et clapotant, sur une planète appelée Terre.
De ce qu'il en advint et de bien d'autres merveilles, tu sauras tout en lisant les Contes Inoxydables de l'inénarrable Stanislas Lem.
L'auteur,
Né en 1921 en Pologne, Stanislas Lem a fait des études de médecine.
Il a travaillé comme mécanicien et soudeur pendant l'occupation allemande de son pays.
Après la guerre, il s'est installé à Cracovie.
Journaliste, passionné de philosophie, de cybernétique, de physique et de biologie, membre fondateur de la Société polonaise d'astronautique, il manie aussi bien l'humour que le sérieux, comme dans son chef-d'œuvre Solaris, publié dans Présence du Futur.
1 - Les Trois électribuns (Trzy elektrycerze, 1964), pages 9 à 16, nouvelle, trad. Dominique SILA
1 autre édition de ce texte dans nooSFere : - in Contes inoxydables (DENOËL, 1989)
2 - Les Oreilles d'uranium (Uranowe uszy, 1964), pages 19 à 25, nouvelle, trad. Dominique SILA
1 autre édition de ce texte dans nooSFere : - in Contes inoxydables (DENOËL, 1989)
3 - Comment Erg l'automorphe terrassa le blêmard (Jak Erg Samowzbudnik Bladawca pokonal, 1964), pages 29 à 45, nouvelle, trad. Dominique SILA
1 autre édition de ce texte dans nooSFere : - in Contes inoxydables (DENOËL, 1989)
4 - Deux monstres (Dwa potwory, 1964), pages 49 à 58, nouvelle, trad. Dominique SILA
1 autre édition de ce texte dans nooSFere : - in Contes inoxydables (DENOËL, 1989)
5 - Comment Microphile et Gigatien suscitèrent la fuite des nébuleuses (Jak Mikromil i Gigacyan ucieczke mglawic wszczeli, 1964), pages 61 à 67, nouvelle, trad. Dominique SILA
1 autre édition de ce texte dans nooSFere : - in Contes inoxydables (DENOËL, 1989)
6 - Les Conseillers du roi Hydrogue (Doradcy króla Hydropsa, 1964), pages 71 à 87, nouvelle, trad. Dominique SILA
1 autre édition de ce texte dans nooSFere : - in Contes inoxydables (DENOËL, 1989)
7 - L'Ami d'Automathieu (Przyjaciel Automateusza, 1964), pages 91 à 113, nouvelle, trad. Dominique SILA
1 autre édition de ce texte dans nooSFere : - in Contes inoxydables (DENOËL, 1989)
8 - Le Roi Globares et les sages (Król Globares i medrcy, 1964), pages 117 à 130, nouvelle, trad. Dominique SILA
1 autre édition de ce texte dans nooSFere : - in Contes inoxydables (DENOËL, 1989)
9 - Conte du roi Trognace (Bajka o królu Murdasie, 1964), pages 133 à 145, nouvelle, trad. Dominique SILA
1 autre édition de ce texte dans nooSFere : - in Contes inoxydables (DENOËL, 1989)
10 - Les Trésors du roi Biscalare (Skarby króla Biskalara, 1964), pages 149 à 160, nouvelle, trad. Dominique SILA
1 autre édition de ce texte dans nooSFere : - in Contes inoxydables (DENOËL, 1989)
11 - Le Prince Ferrice et la princesse Cristalie (o Królewiczu Ferrycym i królewnie Krystali : z dziela Cyfrotikon, 1965), pages 163 à 177, nouvelle, trad. Dominique SILA
2 autres éditions de ce texte dans nooSFere : - in Cybériade (DENOËL, 1968) sous le titre Le Prince Ferrycy et la princesse Cristal - in Contes inoxydables (DENOËL, 1989)
Le titre polonais est sans doute plus transparent que le français : Bajki robotów, « contes de robots ». En effet, le « inoxydable » du titre français, s’il joue sur le double sens du matériau et de la résistance au temps, concerne bien les protagonistes principaux de ces contes : qu’ils soient électribuns, happelopins ou astruands, ces robots ont créé une société autonome qui se passe très bien de l’être humain. Celui-ci n’a pas complètement disparu, il intervient même très ponctuellement, mais le surnom que lui donnent les robots, les « blêmards », montre bien tout le mépris que les êtres inoxydables lui vouent. Il faut dire que les robots de Lem ont des pouvoirs que ne pourront jamais posséder les humains : ils maîtrisent l’électricité, qui leur ouvre un éventail d’inventions et de technologies invraisemblables, mais cela va encore plus loin : ils sont capables de forger des planètes, des étoiles, des galaxies… bref, de jouer au démiurge, parfois inspiré, parfois un peu bricoleur sans conscience. Et leurs faits s’apparentent bien souvent à de la magie. Ce qui nous ramène à l’autre élément du titre, la notion de conte. Les récits ici réunis adoptent ainsi tous cette forme, avec la portée philosophique qu’on lui connaît ; car, tout robots qu’ils soient, les personnages reproduisent le comportement et les modes de pensée des hommes, avec une propension évidente au despotisme, à la ruse, la trahison, bref à tout un tas de penchants obscurs que Lem, avec sa misanthropie et un ton sarcastique que lui permet ce double décalage, décortique avec gourmandise et beaucoup d’humour pour dresser un tableau peu flatteur des travers de l’âme humaine. Pourtant, l’utopie est parfois à portée de main pince : si tous les éléments sont à disposition pour construire une société idéale durable, il y a toujours un caillou dans l’engrenage.
On ressort ainsi de ces Contes inoxydables avec l’impression d’avoir lu quelque chose de profondément original, issu du contraste entre des contes à la Grimm ou à la Perrault et des protagonistes robots aux facultés quasiment divines et hautement technologiques, frappé du ton iconoclaste de Lem. On conseillera néanmoins de lire sans précipitation, pour d’une part éviter les redites (tous les contes étant en effet construits sur le même principe, même si les éléments de l’intrigue diffèrent), d’autre part laisser le temps de mieux percevoir leur portée universelle, qui reste valable près de soixante ans après la parution originelle du recueil. En un mot : inoxydable.
Bruno PARA (lui écrire) Première parution : 1/10/2021 Bifrost 104 Mise en ligne le : 15/1/2025