J'AI LU
(Paris, France), coll. Millénaires n° (6055) Dépôt légal : décembre 2000, Achevé d'imprimer : décembre 2000 Première édition Roman, 396 pages ISBN : 2-290-30974-5 Format : 13,0 x 19,5 cm✅ Genre : Science-Fiction
Dans un lointain futur, la Terre est divisée en gigantesques cités qui tiennent lieu d'états. Et sur cette planète prisonnière d'un bouclier électromagnétique, conséquence des guerres du passé, la science a perdu sa prédominance au profit d'une magie omniprésente.
Convoité de tous, mais accessible seulement aux nantis, le plasma est à la fois une ressource énergétique puissante et l'essence fondatrice de cette magie. Mais c'est surtout une denrée rare dont le gouvernement régule la consommation et contrôle les prix.
Lors d'une enquête, Ayah, simple envoyée de l'office de contrôle du plasma, découvre par hasard un gisement inexploité et non recensé, qu'elle décide de détourner à son profit. Elle choisit de le vendre à une entreprise privée dirigée par Constantin, homme politique et riche industriel aux desseins révolutionnaires, qui prépare un coup d'état.
Ayah fait rapidement siennes les ambitions progressistes de ce puissant magicien qui lui révèle comment utiliser son propre don géomantique.
S'engage alors une course poursuite contre la vigilance du gouvernement...
Né en 1953, Walter Jon Williams a écrit des romans d'aventures maritimes avant de se consacrer à la science-fiction. Avec Câblé, il s'est imposé comme l'un des maîtres du courant cyberpunk. Il propose ici son roman le plus ambitieux, au croisement de la science-fiction et de la fantasy, dans lequel il mélange avec bonheur mysticisme et technologie au sein d'un univers insolite d'une grande originalité.
Critiques
En dépit d'une qualité aussi régulière qu'indéniable, Walter Jon Williams ne s'est toujours pas imposé en France comme une star de la S-F. Bien trop éclectique. Impossible à ranger dans la case des faiseurs de ça ou ça. L'ex-cyberpunk de Câblé et Le Souffle du cyclone (Denoël « PdF ») est passé vancéen avec Les Joyaux de la couronne (Rivages), laissant entre temps sur nos étagères un space op' à la Iain M. Banks revu et corrigé baroque, Aristoï (J'ai Lu), et son chef-d'œuvre inclassable : Sept jours pour expier (Denoël « Présences »). Que du bon.
Contrairement à l'assertion de la quatrième de couverture, pour apporter un bémol, je ne pense pas que Plasma soit son livre le plus ambitieux ni qu'il égale Sept jours pour expier. En fait, Plasma est de la même veine vancéenne que Les Joyaux de la couronne et n'est pas sans rappeler Emphyrio (Opta « Galaxie bis », puis Pocket) par certains aspects. À ceci près, et ce n'est pas peu, que W. J. Williams n'est pas un émule de Jack Vance.
Il aime, comme Vance, certes, dépeindre des sociétés différentes, étranges et étrangères, baroques à souhait, et s'emploie à les faire vivre sous nos yeux. Exercice auquel il s'entend fort bien.
Dans un très lointain futur, la Terre a été enfermée sous un bouclier qui cache la lune et le soleil et elle s'est couverte d'une conurbation globale. On pourrait se demander où tout ce monde trouve à bouffer mais, à vrai dire, on s'en fout. La bureaucratie, l'imbécillité, la corruption et le conformisme règnent toujours avec cette consternante constance qui caractérise si bien l'Humanité et doit être le signifiant-maître de son inconscient collectif. Le temps a passé mais rien n'a changé, les gens, petits et grands, sont toujours aussi cons du sol au plafond.
Ayah, l'héroïne, est plutôt au-dessus du lot. Le choix d'un bon parti lui a permis de sortir de la zone pour intégrer la classe moyenne inférieure : fonctionnaire. Le couple a néanmoins quelques soucis d'ordre financier. Aussi, quand Ayah a l'occasion de se « goinfrer », elle ne tergiverse pas longtemps. Elle s'empare d'une importante source de plasma qu'elle est censée contrôler au nom de l'Etat. Le plasma étant un fluide élémental, à la fois énergie, électromagnétisme et pouvoir psi, il est bien sûr rare et cher. Pas idiote au point d'être honnête, ni tout à fait dénuée de sens moral, elle vend sa source à un idéaliste bourgeois, Constantin. Elle apprend à se servir du plasma, mène une jolie carrière d'agent double de pair avec une double vie sexuelle, le tout sans négliger sa famille, que l'on croirait italienne dans un pays en proie aux mafias...
C'est à la fois fluide et touffu, très agréable à lire. Le monde créé par W. J. Williams est des plus originaux, très lointain et pourtant si proche... Il n'y a pas d'apothéose de l'héroïne ni de transcendance... On a l'impression d'un roman noir sans la noirceur. Il y a de l'idéalisme chez Constantin, mais on sait que le chemin de l'enfer est à ce point pavé de toutes les bonnes intentions du monde qu'il est devenu une autoroute... Il n'y a pas de fieffés salauds... Pas d'héroïsme enthousiaste ni de cynisme blasé. C'est un roman d'action adulte, au-delà de l'héroïsme phallique comme de la résignation. Avec Plasma, on entre dans un univers où la jouissance succède au désir sans pour autant avoir dû se conformer à l'impossible idéal. W. J. Williams propose une alternative à la logique du tout ou rien. Voilà un livre en bonne santé pour apprendre, avec les protagonistes, à vivre dans la réalité, à renoncer à l'idéal sans sacrifier tous ses désirs. Et puis c'est d'une lecture divertissante...
Suite à des guerres vieilles d'un millénaire, un Bouclier électromagnétique isole la Terre de l'espace. Des villes gigantesques divisées en autant d'États recouvrent la planète. L'instrument de pouvoir que représente le Plasma, énergie d'essence magique capable aussi bien de régénérer le corps que de perforer la roche, de communiquer par télépathie ou de se télétransporter, est sévèrement contrôlé par le gouvernement et réservé aux nantis. Encore faut-il être formé pour utiliser un tel concentré de puissance.
Ayah, une enquêtrice de l'Office du Contrôle, découvre un immense gisement qu'elle évite de déclarer afin de l'utiliser pour son propre compte. Elle le propose à Constantin, un riche homme politique qui n'a pas abandonné ses rêves révolutionnaires de Cité Nouvelle juste et égalitaire. Gagnée à sa cause, elle participe à la préparation du coup d'état. La principale difficulté est de parvenir à acheminer le Plasma depuis son gisement sans attirer l'attention du gouvernement.
Il ne s'agit pas réellement d'un « croisement de la science-fiction et de la fantasy » comme le signale la quatrième de couverture ; du moins, ce croisement ne produit pas un hybride mais une œuvre de science-fiction : le Plasma, bien qu'il soit utilisé par des mages, est manipulé de façon scientifique. Davantage métaphore des diverses sources d'énergie, sa magie rappelle celle de la « fée Électricité » (on parle de jus acheminé par câble), le pouvoir du nucléaire (dans ce futur, la distance s'exprime en rad) ou encore les miracles du virtuel, quand Ayah, au nom transparent, envoie une anima pour menacer un ennemi. De même, l'exotisme de la société ressemble davantage à un XXe siècle dénaturé, depuis les canettes de bière jusqu'au fonctionnement administratif ou au discours révolutionnaire. On reste cependant séduit par la cohérence de cet univers vaguement familier et pourtant si différent.
Mais il est dommage que le but premier de Constantin en acquérant le Plasma, à savoir percer le Bouclier, soit oublié en cours de route et qu'à travers la trajectoire d'Ayah, Williams ait limité son ambition à la peinture d'un monde. La richesse insolite de son univers méritait davantage, même si ce regret ne saurait gâcher l'impression générale.
A la suite d'une guerre, la Terre est prisonnière d'un bouclier électromagnétique, enfermant les peuples qui n'ont pas obtenu l'Elévation. De ces temps héroïques ne subsistent que quelques légendes à l'authenticité incertaine.
La surface de la planète est entièrement couverte d'une ville tentaculaire, divisée en quartiers fortement tribalisés. Ayah, l'héroïne de ce roman, est une Barkazie : elle appartient au Peuple Astucieux, dont le mode de vie consiste à se trouver un passu, c'est-à-dire un pigeon à plumer.
Cette cité-monde forme un complexe amalgame de fer, de brique, de roc et de béton qui se comporte comme une sorte de pile capable de générer une énergie : le plasma. L'esprit humain peut entrer en résonance avec cette substance, qui s'accumule dans des poches sous-urbaines, pour le contrôler eten obtenir des effets que l'on peut qualifier de « magiques ». Monopolisée par l'Office du Plasma, cette source de pouvoir n'est cependant accessible qu'aux riches.
Lorsque Ayah découvrira un gisement de plasma inconnu, elle va en dissimuler l'existence et en offrir le contenu à Constantin, un célèbre et mystérieux homme d'affaires dont elle espère faire son passu. Mais Constantin est aussi un idéaliste, capable de passer à l'acte...
Walter Jon Williams met en place un univers particulièrement complexe et riche en possibilités. Malheureusement, si les premiers chapitres sont captivants et prometteurs, l'intrigue s'oriente vite vers la mise au point d'un banal coup d'Etat, dont l'intérêt paraît discutable.
En effet, alors que le plasma est une source d'énergie incroyable, aux possibilités théoriquement infinies, les protagonistes ne s'en servent que pour « planer » – littéralement – ou pour se le jeter à la figure dans une guerre bien peu subtile.
De même, tous les autres aspects du roman ne sont que superficiellement traités : nous n'en saurons guère plus sur le bouclier et sur les « héros » de l'Elévation – à peine cités – , sur les différentes tribus qui peuplent la gigantesque métropole, et même sur ce que Constantin va réellement entreprendre une fois atteints ses objectifs politiques à court terme. Au lieu d'approfondir chaque sujet, Williams accumule d'autres éléments dont certains vraiment superflus, comme les dauphins intelligents dont on aurait bien pu se passer dans ce contexte.
Le roman n'a donc pas tenu toutes ses promesses. L'auteur n'est pas parvenu à organiser des idées nombreuses et parfois brillantes autour d'une histoire réellement consistante, ni surtout à les exploiter à fond. Il en résulte un thriller agréable et bien mené, situé dans un décor attrayant, mais qui laissera le lecteur sur sa faim.