FLEUVE NOIR / FLEUVE Éditions
(Paris, France), coll. SF n° 65 Dépôt légal : avril 1999 Première édition Roman, 288 pages, catégorie / prix : 39 FF ISBN : 2-265-06752-0 Format : 11,0 x 17,5 cm Genre : Science-Fiction
Nicolas Bouchard, né en 1962, vit à Chateauroux. Il a publié en 1997 un premier roman très remarqué Terminus Fomalhault aux Editions Encrage. De formation juridique, il s'est glissé avec aisance dans la peau d'un huissier pour ce deuxième roman Astronef aux enchères d'une rare efficacité. La SF française compte désormais un nouvel auteur très prometteur.
Avec son petit mètre soixante quinze, Rachel Fahrmer ne plaît guère aux habitants immenses et filiformes des stations spatiales ! Mais après tout, qu'y peut-elle si l'ovule qui a présidé à sa naissance n'était pas de premier choix ? Plus qu'un bel enfant, ce que désirait avant tout son père c'était un futur huissier. Le voici servi : Rachel est aujourd'hui la meilleure dans son domaine et son cabinet jouit d'une exceptionnelle réputation.
Une affaire de saisie d'astronef pas très claire... Et tout va basculer ! Un de ses clients est retrouvé sauvagement assassiné dans une mise en scène épouvantable. Rachel est accusée du crime. Qui lui en veut ? Pourquoi ce meurtre ? Et si derrière tout ça se cachait une gigantesque manipulation...
Truculence, humour et caractère : Rachel Farhmer n'a pas fini de vous séduire à travers ce polar échevelé. Plaisir de lecture garanti.
Critiques
On pourrait prendre ce livre de haut. Les aventures dans la ceinture d'astéroïdes, avec docks, bordels, baroudeur, notables pourris, idylle retardée jusqu'à l'épilogue, captures, trahisons, retournements de situation, etc., cela remonte à la mise à la sauce SF des histoires des sept mers. La machine à décérébrer pour fabriquer des esclaves dociles, et son inévitable dysfonctionnement lorsqu'elle est appliquée au personnage principal, ne sont pas non plus d'une époustouflante nouveauté. On est dans le téléfilm. Par charité, on passera sur les béquilles que sont les notes de bas de page.
Reste que l'on passe un bon moment. Que manœuvres et magouilles se succèdent assez rapidement pour que les retournements de situation trop téléphonés ne choquent pas, et surtout pour que les trajets en transports en commun en soient sensiblement abrégés. Qu'il fallait oser choisir pour héroïne un huissier (dit-on une huissière ?), et truffer le texte de formulations juridiques qui pourraient être rébarbatives et deviennent franchement comiques, le décalage aidant. Qu'on a le droit d'être bon public, d'aimer l'aventure traditionnelle mêlée d'humour décontracté. Bref, qu'on ne le dira pas au rédacteur en chef, mais qu'on a bien aimé. Parce qu'après tout, on n'a pas si souvent l'occasion de s'amuser, et que si ce n'est ni Brown, ni Sheckley, ni Pratchett, ni Wagner, ce n'est déjà pas si mal que ça.
Pour une astroïdienne, Rachel Fahrmer est physiquement plutôt hors-normes. Petite, toute en rondeurs et couverte de taches de rousseurs : elle pourrait presque passer pour une terrienne ! Ce qui, on en conviendra, est un lourd handicap dans les stations de la Ceinture, où tout ce qui évoque la Terre est considéré avec une franche suspicion. Ce qui n'a pas empêché Rachel de se hisser à la tête d'un des cabinets d'huissier les plus prospères de l'astéroïde Goldschmidt. Car en effet, côté business, la petite en connait un rayon et s'en tire haut la main. Enfin s'en tirait haut la main jusqu'à ce que son dernier client se fasse assassiner, qu'elle se trouve subitement accusée du meurtre dudit client, perde à peu près tout ses droits ainsi que sa fortune, soit recherchée par les forces de l'ordre et se trouve plongée jusqu'au cou dans une affaire de rébellion et d'espionnage, le tout en moins de temps qu'il n'en faut pour l'écrire...
Nicolas Bouchard, un nom qui n'est pas inconnu des lecteurs de Bifrost (cf. sa nouvelle « Escapade Théologique » in Bifrost 12), appartient à cette nouvelle vague d'écrivains de science-fiction qu'on désespérait de voir arriver et qui pourtant, ces derniers mois, semble enfin prendre réellement corps et gagner audience auprès des grands éditeurs parisiens. Auteur d'un premier roman fort correct, Terminus Fomalhault aux éditions Encrage en 1997, j'attendais pour ma part son second roman avec intérêt.
Si, comme pour Terminus Fomalhault, on reste ici dans le registre de l'enquête et du crime crapuleux, Bouchard a cette fois opté pour un ton résolument humoristique. Ainsi suit on les pérégrinations de cette pauvre Rachel, qui nous raconte ses déboires (le roman est écrit à la première personne du singulier) à mesure que tout s'écroule autour d'elle. Le style de l'auteur, d'une simplicité presque naïve, est entièrement dévolu au développement de l'intrigue. Point de fioritures, d'effets, de descriptions plus qu'il n'est nécessaire. Astronef aux enchères se veut avant tout un roman distrayant : il l'est incontestablement. Ce qui ne signifie pas qu'il soit, dans son genre, totalement exempt de défauts. En effet, les différents éléments constitutifs de l'intrigue sont bien longs à se mettre en place (près de cent pages !). D'où un déséquilibre narratif entre le premier tiers du roman et les deux tiers restants Bouchard brosse sa société futuriste par le biais de ses lois, de son système législatif et de ses instances judiciaires. Une démarche intéressante, on en conviendra, mais qui nécessite pour le lecteur néophyte quelques digressions et un appareillage de notes fastidieux. D'où, en grande partie, le déséquilibre évoqué plus haut. Cette mise en situation trop longue (même si elle sait se montrer savoureuse) est le principal handicap de ce roman au demeurant sympathique. Il eût sans doute été préférable d'alléger un tant soit peu cette exposition et, en revanche, de davantage s'attarder sur des personnages qui manquent de reliefs.
Mais quoi ? Astronef aux enchères n'est certes pas un chef-d'œuvre. À vrai dire, du fait de sa construction inéquilibrée et de ce qu'on appellera quelques candeurs stylistiques, il serait même moins bon que Terminus Fomalhault. Ce qui n'empêchera pas de prendre un réel plaisir à sa lecture, pour peu qu'on l'aborde pour ce qu'il est, un pur objet de divertissement. Nicolas Bouchard est un jeune auteur, presque un débutant. Et s'il n'explose pas à proprement parler dans son second roman, il confirme néanmoins qu'il est un auteur à suivre.
ORG Première parution : 1/6/1999 dans Bifrost 14 Mise en ligne le : 12/10/2003