Gregory BENFORD Titre original : Great Sky River, 1987 Première parution : États-Unis, New York : Bantam Spectra, décembre 1987ISFDB Cycle : Le Centre galactique vol. 3
Robert LAFFONT
(Paris, France), coll. Ailleurs et demain Date de parution : janvier 1989 Dépôt légal : janvier 1989 Première édition Roman, 360 pages, catégorie / prix : 100 FF ISBN : 2-221-05832-1 Format : 13,5 x 21,5 cm✅ Genre : Science-Fiction
La Tribu fuyait. Malgré les vestiges de leurs moyens techniques, leurs casques de communication et leurs armes, leurs exosquelettes et leurs jambières dynamiques, les derniers humains de Nivale fuyaient éperdument depuis la destruction de la dernière Citadelle. Ils fuyaient devant des machines. Devant une civilisation de machines qui avaient évolué vers l'intelligence, colonisé et transformé cette planète — et des milliers d'autres dans cette région du centre de la galaxie — et qui tenaient les humains pour des rats ou pis, des insectes.
Le seul espoir de Killeen, de Shibo, de l'enfant Toby et des autres membres de la Tribu était de regagner l'espace. Pour cela, Killeen devait réussir l'impossible : nouer une alliance avec des machines aussi rusées qu'un Fabriquant, aussi mortelles que la Mante qui cherchait à comprendre la nature de l'art.
Gregory Benford, écrivain et physicien, allie le talent littéraire révélé par ses nombreux romans et ses nouvelles et une culture scientifique sans faille dans ce tableau de l'affrontement étrange entre des humains et des formes de vie mécanique qui ne cessent d'évoluer.
Critiques
Tout amateur de science-fiction se souvient des premières images frappantes du film Terminator, de James Cameron : sur une planète lugubre et désolée (la Terre, mais peu importe), baignant dans une perpétuel crépuscule, des humains en haillons livrent parmi les ruines une perpétuelle bataille à coups de rayons laser contre d'énormes machines robots... Ce sont très exactement ces images-là qui vous viennent dans l'œil à la lecture de la plus grande partie de ce récent Benford. Le roman étant paru originellement en 1987, l'auteur s'est-il effectivement (et fût-ce inconsciemment) inspiré du film ? C'est possible. Et en même temps cela a peu d'importance, même si cette rencontre méritait d'être signalée. Une rencontre de toute façon évidente, puisque ce roman est le plus « physique » que nous ait donné jusqu'à présent Benford, un roman d'action, ou priment les batailles...
Elles ne se déroulent certes pas sur Terre, mais sur Nivale, un monde situé en plein de cœur de la galaxie, où les humains se sont établis dans un passé reculé, après avoir fait un voyage de 60.000 ans dans l'espace sous forme de sperme et d'ovules congelés. Et les machines, qui ont permis aux hommes de se reconstituer et de reconstituer une civilisation, ont peu à peu évolué, jusqu'à transformer la planète en monde stérile et en refoulant les humains loin de leurs villes. Le récit se situe dans la phase terminale de ce combat, alors qu'il ne reste plus sur Nivale que quelques « Familles » (des tribus) pourchassées par les machines intelligentes (les « Mécas »). La révolte des robots ? Voilà certes un thème qui n'est pas tout neuf, et qu'Asimov a essayé, dès les années 40, de dépoussiérer, sinon de renvoyer au néant... Bien sûr, Benford a tenté d'insuffler à ce vieux thème des considérations plus personnelles : les derniers humains survivants sont tellement bourrés de prothèses mécaniques et informatiques (ils vivent dans un exosquelette, en compagnie de l'esprit de certains de leurs ancêtres, les « Aspects », ils possèdent les pouvoirs psi artificiellement gonflés, etc.) qu'ils sont devenus presque semblables à des machines. Inversement, les Mécas, intelligents, eux aussi doués de pouvoirs psi, et qui possèdent leurs Renégats (le Fabricant, la Mante) fascinés par les humains au point d'intégrer de la chair humaine dans leurs engrenages (cf. les pages 245 et suivantes, où l'on visite l'intérieur d'une machine où des jambes humaines montées sur un axe pédalent sans cesse I), ne sont pas si loin que ça de l'humanité. Et à l'occasion de trop rares envolées lyriques (la page 327, où l'homme Killeen refait connaissance avec l'amour), il prouve qu'il est un écrivain, un vrai.
Mais la fin de l'ouvrage, trop prévisible, trop facile (les derniers humains quittent la planète hostile dans un vaisseau miraculeusement remis en état), déçoit. Pour reprendre une comparaison souvent employée par les critiques de s-f (par paresse, sans doute : tant pis), La grande rivière du ciel n'est pas grand-chose d'autre qu'un bon Fleuve Noir multiplié par cinq quant à son contenu, grâce à l'emploi pervers du traitement de texte. On est loin de Paysages du temps ou de Au cœur de la comète, loin de la plupart des nouvelles de En chair étrange, même si La grande rivière du ciel reste un ouvrage costaud (forcément costaud) qui se lit (presque) sans ennui.