C'est parce qu'il a été un piètre joueur de golf - « Le plus détestable que le monde ait porté » - que Jean Ray a écrit les contes réunis dans ce volume. Autant dire par vengeance. Mais le plus extraordinaire est de retrouver ici, sur ce seul et unique sujet, tous les grands thème de la mythologie de l'auteur : les univers intercalaires, la déchéance des dieux, l'envoûtement, la magie noire. Sous sa plume, les moindres objets s'enrobent de mystères redoutables. Ainsi le stick de golf retrouvé dans un nécropole égyptienne, la balle qui se dirige seule, les arbres qui bougent et tuent, obligeant les joueurs à abandonner le terrain, des joueurs poussés au meurtre par la compétition qui hante les links après leur mort, tandis que d'autres puisent dans des incantations magiques le secret de leur adresse. Jean Ray nous introduit de force dans un monde dangereux, régi par des lois maléfiques, où hommes et femmes sont les jouets d'un destin démoniaque. Ainsi le golf n'est-il finalement qu'un prétexte que prend le surprenant auteur de Malpertuis, des Derniers contes de Canterbury, ou des Harry Dickson pour offrir, une fois de plus, ses sortilèges à ses fervents, tous ceux qui ont senti un jour l'épouvante se glisser dans leur vie et qui en ont la nostalgie, comme d'un mets rare et délicieux.
Né en 1887, Jean Raymond Jean Marie De Kremer est mort à Gand en 1964. Célèbre en Belgique et dans les Pays Bas, bien avant la Deuxième Guerre Mondiale, sous le nom de John Flanders, ce n'est que beaucoup plus tard que la renommée lui vint en France sous le nom de Jean Ray. Parmi ses grandes œuvres publiées sous ce nom, on trouvera dans cette collection Visages et choses crépusculaires, La croisière des ombres, La cité de l'indicible peur, Le livre des fantômes, Les contes du whisky, Les Derniers contes de Canterbury, et enfin les contes noirs du golf. Nous avons également publié son anthologie fantastique La Gerbe noire et, dans la série NéoClub relié, les quatre premiers de l'intégrale des Aventures de Harry Dickson écrites par Jean Ray qui en comportera vingt et un. De John Flanders, cette collection a publié Visions nocturnes, Visions infernales, La malédiction de Machrod, La Neuvaine d'épouvante et La brume verte. Ainsi se dessine peu à peu, chez NéO, la publication des Œuvres complètes de cet immense créateur visionnaire, le seul qui, en langue française, puisse être comparé aux grands Américains du fantastique contemporain.
1 - 72 holes... 36… 72, pages 5 à 13, nouvelle 2 - "Le Golfeur" de Mabuse, pages 14 à 19, nouvelle 3 - Seul dans le Club-House, pages 20 à 26, nouvelle 4 - Mlle Andrette Froget, pages 27 à 31, nouvelle 5 - Influence, pages 32 à 38, nouvelle 6 - La Balle de l'engoulevent, pages 39 à 46, nouvelle 7 - La Parade des soldats de bois, pages 47 à 53, nouvelle 8 - Les Hazards du colonel Midgett, pages 54 à 59, nouvelle 9 - Le Swing, pages 60 à 64, nouvelle 10 - La Bête des links, pages 65 à 70, nouvelle 11 - Les Links hantés, pages 71 à 79, nouvelle 12 - La Grande Ourse, pages 80 à 87, nouvelle 13 - La Chance des Aigles blancs, pages 88 à 94, nouvelle 14 - Le Plus ancien membre, pages 95 à 99, nouvelle 15 - EG-1405, pages 100 à 106, nouvelle 16 - La Balle volée, pages 107 à 113, nouvelle 17 - La Forêt de madrones, pages 114 à 119, nouvelle 18 - Hécate, pages 120 à 127, nouvelle 19 - M. Ram, pages 128 à 135, nouvelle 20 - La Fin, pages 136 à 140, nouvelle 21 - Le Septième trou, pages 141 à 146, nouvelle 22 - Qui ?, pages 147 à 153, nouvelle 23 - La Belle partie, pages 154 à 156, nouvelle 24 - Le Driver doré, pages 157 à 162, nouvelle 25 - Le Vestiaire, pages 163 à 167, nouvelle 26 - Le Mystère du Dip-Club, pages 168 à 180, nouvelle 27 - Lexique, pages 181 à 184, lexique
Le recueil, constitué après la mort de Jean Ray, regroupe des textes initialement parus dans la revue Golf. Exercices d’écriture sous contrainte, donc. Dans Les Contes du whisky, l’unité thématique donnait prétexte aux récits sans vraiment les influencer. Ici, le fond détermine les différentes variations formelles, et Jean Ray brasse large. « 72 holes… 36… 72 », « Seul dans le Club House » et « Mademoiselle Andrée Froget » traitent de tragédies amoureuses. « La Balle de l’engoulevent » s’intéresse à la sorcellerie, « Les Links hantés » et « La Chance des aigles blancs » sont des histoires de fantômes, « Hécate » et « EG-1405 » parlent de surnaturel exotique, tout comme le très beau « Monsieur Ram », histoire d’enfant martyr et de son ami pas si imaginaire que cela. « Le Mystère du dipclub » propose une vengeance à la Monte-Cristo. « La Grande Ourse » revisite l’un des thèmes classiques du fantastique, la boutique qui disparaît du jour au lendemain. « La Bête des links » offre un récit réaliste autour d’un tueur de femmes, tandis que « Le Plus ancien membre », « La Fin » et « Le Septième trou » relèvent du fait-divers. On retrouve aussi la parodie d’essai, exercice cher à l’auteur, avec « Le Vestiaire » et l’usage de références historiques, fausses ou avérées dans « Le Golfeur de Mabuse ».
On appréciera, à titre de clin d’œil, « La Balle volée », qui permet de retrouver le personnage de Si Triggs, héros malgré lui du roman La Cité de l’indicible peur (Alma, 2015), et surtout « Le Swing », récit d’une réjouissante méchanceté.
Un ensemble hétérogène, qui va de l’agréable à l’excellent, complété dans l’édition d’origine par une postface d’Henri Vernes.
Xavier MAUMÉJEAN Première parution : 1/7/2017 Bifrost 87 Mise en ligne le : 12/1/2023