[Critiques des livres suivants :
- La naissance des dieux de Charles Henneberg, Ed Métal série 2000 n° 6
- L'homme de l'espace de Jimmy Guieu, Fleuve noir Anticipation n° 45
- La révolte des femmes de Jerry Sohl, Gallimard Rayon Fantastique n° 29
- La mort aux vifs de Robert Georges-Méra, Ed de la Corne d'Or Epouvante n° 3
- Le cycle épouvantable de R. Egasel, Ed de la Corne d'Or Epouvante n° 4
- Le Monde des abîmes de Leopold Massiera, Ferenczi Mon Roman d'Aventures]
Le Grand Prix du Roman d’Anticipation Scientifique (Prix Rosny aîné) a été attribué, il y a environ six semaines, à Charles Henneberg pour « La naissance des dieux » que publient les Éditions Métal. Ce résultat a été obtenu au deuxième tour de scrutin, par neuf voix contre deux à deux autres concurrents dont les ouvrages seront publiés chez le même éditeur. Nous ne trahirons point un secret en disant que nous avons voté pour M. Henneberg dès le premier tour et que nous nous réjouissons fort du résultat. Le roman primé n’est d’ailleurs pas à proprement parler un ouvrage d’A.S. ou fantastique. Il est les deux en même temps et quelque chose de plus. Imaginez une œuvre qui vous empoigne, qui vous coupe le souffle. Imaginez un déchaînement de sons, de couleurs, de sensations. Certains membres du jury ont parlé d’« épopée wagnérienne ». Oui, mais pas seulement cela. Il se dégage de ces pages, d’une écriture extraordinairement riche, un souffle d’héroïsme, de grandeur, d’immensité. Le sujet ? Très simple. Cela débute par la fin du monde. Ou, du moins, la fin d’un monde. Trois ou quatre personnes parviennent à s’échapper dans une machine mystérieuse, genre machine à voyager dans le temps, et se retrouvent dans un monde neuf, vierge. Est-ce le nôtre à ses origines ? En est-ce un autre ? Et là, au milieu d’animaux étranges, de créatures bizarres, de tribus primitives, se répètent les grandes légendes de la Mythologie. L’ouvrage, plein de symboles, a tout d’un véritable séisme. Rarement un auteur d’A.S. a pu obtenir par son style et par la structure de son ouvrage d’aussi surprenants résultats. Recommandé et plutôt deux fois qu’une.
Un autre Grand Prix d’Anticipation Scientifique a été attribué, le même mois, par le Club des Intellectuels Français, et c’est notre ami Jimmy Guieu qui en est le lauréat. L’ouvrage primé, « L’homme de l’espace », paraît en librairie au Fleuve Noir. Contrairement à « La naissance des dieux », c’est un pur roman d’A.S., fort bien écrit comme tous les romans de Guieu, dont l’intérêt réside, côté science-fiction, dans la réaffirmation de la théorie sur l’origine extra-terrestre des soucoupes volantes et, côté symbolique, dans la lutte entre le Bien et le Mal. Nous y retrouvons des personnages déjà connus de l’auteur – Jean Kariven, Michel Dormoy et Robert Angelvin aux prises avec deux groupes d’êtres d’un autre monde, les Polariens et les Denebiens, les uns voulant le bonheur des hommes, les autres complotant leur perte. C’est aussi un excellent roman d’aventures dont on pourrait tirer un film passionnant. Nous l’avons lu avec beaucoup de plaisir.
« La révolte des femmes » (The Haploids), de Jerry Sohl (Gallimard, Rayon Fantastique), débute à la façon d’un roman policier : on amène à l’hôpital un homme atteint d’un étrange mal, puis un autre, puis un troisième. Tous en meurent. Chose curieuse, les femmes n’en sont point atteintes. Intrigué, le journaliste Travis se met en campagne, parallèlement à la police. Mais voici que le mal s’étend, gagne des cités voisines. Et ce sont des femmes qui semblent être à la base de l’épidémie. Mais sont-ce de vraies femmes ? Non, affirme un savant. Des haploïdes, des femmes nées dans des bocaux, des femmes insensibles à l’amour, des femmes qui veulent dominer un monde qu’elles estiment mauvais par la faute des hommes. À partir de ce moment, l’ouvrage devient un véritable suspense. Pourra-t-on enrayer l’offensive des haploïdes ? L’auteur nous a semblé assez misogyne, ce qui n’empêche pas son ouvrage d’être passionnant d’un bout à l’autre, bien charpenté, bien écrit, bien traduit et méritant de retenir l’attention.
« La mort aux vifs », de Robert Georges-Méra (Ed. de la Corne d’Or, « Épouvante »), nous décrit une croisière fantastique dans le Pacifique dont deux passagers seulement survivent, tous leurs compagnons mourant l’un après l’autre par suite de l’ire d’une divinité hindoue. Rédigé d’une façon plus littéraire, l’ouvrage eût pu concurrencer bien des thrillers anglo-saxons. Tel quel, ce n’est qu’un roman d’aventures, non dénué de qualités, écrit avec métier, jamais ennuyeux, mais s’adressant davantage au public moyen qu’à ceux qui, dans ce genre, recherchent des sensations plus raffinées.
La même collection nous offre, sous le titre de « Le cycle épouvantable », un autre roman d’épouvante signé R. Egasel, dont la sobriété nous a agréablement surpris. C’est l’histoire d’un parachutiste qui, par suite d’un accident, atterrit dans une région inconnue du Cambodge et se retrouve parmi les lépreux. Il parviendra à s’enfuir, non sans péripéties, mais… D’une écriture dépouillée, ce roman n’est pas sans défauts – à commencer par un certain nombre de longueurs – mais l’auteur sait doser ses effets et essaie, non sans succès, de ne pas dépasser certaines limites. Son second ouvrage, « Chauffeur de morts », nous est annoncé chez le même éditeur. Nous l’attendons avec intérêt.
Et ne terminons pas sans signaler, dans la petite collection « Mon Roman d’Aventures », (Ferenczi), une courte novelette de Léopold Massiéra « Le Monde des abîmes » qui, en 30 pages, nous raconte la découverte au fond de l’Atlantique, par un savant et sa fille, d’étranges hommes-poissons, peut-être des descendants des Atlantes. Plaira probablement au public très populaire auquel il s’adresse.