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Révolte sur la Lune

Robert A. HEINLEIN

Titre original : The Moon is a Harsh Mistress, 1966
Première parution : If, décembre 1965 à avril 1966. En volume : États-Unis, New-York : G. P. Putnam's Sons, mai 1966
Traduction de Jacques de TERSAC
Traduction révisée par Nadia FISHER
Illustration de Éric SCALA

TERRE DE BRUME (Dinan, France), coll. Poussière d'Etoiles n° (5)
Dépôt légal : mai 2005
Réédition
Roman, 448 pages, catégorie / prix : 22 €
ISBN : 2-84362-268-9
Genre : Science-Fiction



Quatrième de couverture
     Voici l'histoire d'une révolution.
     Né libre sur une Lune jadis transformée en colonie pénitentiaire, Manuel Garcia O'Kelly y mène une existence.de technicien informatique sans la moindre perspective. Incapable de supporter la gravité terrestre, il sait que jamais il ne mettra les pieds sur le berceau de l'Humanité et qu'il est condamné à partagé le destin des bagnards de Luna et de leur descendants, dont la Terre exploite sans vergogne le travail.
     Mais Manuel rêve de justice. Et quand Mike, son ordinateur devenu une entité consciente, finit par déduire des données à sa disposition que la colonie lunaire court à sa perte si elle ne se libère pas du joug terrestre, la solution s'impose d'elle-même : il faut organiser la révolte...

     Vaste réflexion sur la politique et les passions humaines, sur l'histoire et la science, consideré comme le meilleur roman de son auteur, Révolte sur la Lune a obtenu le prix Hugo en 1967.

     Robert Anson Heinlein (1907-1988) est considéré aux Etats-Unis comme l'un des plus grands écrivains de science-fiction d'après-guerre, l'égal d'un Isaac Asimov ou d'un Frank Herbert.Lauréat à quatre reprises du prestigieux prix Hugo, il est l'auteur de quelques-uns des plus grands classiques du genre : l'immense Histoire du futur, Starship troopers, En Terre étrangère ou encore Double étoile.
Critiques
     La Lune est devenu le pénitencier de la Terre. Dans les colonies souterraines vivent les exilés et leurs enfants, nés libres, également soumis aux exigences de leurs maîtres qui, sur une planète surpeuplée, les exploitent honteusement. Sur Luna, l'eau, rare et dispendieuse, risque de disparaître à terme si le produit des récoltes, chichement rétribué, continue à être expédié sur Terre sans renvoyer en retour de quoi pérenniser les cultures... Métaphore des pays industrialisés exploitant plus pauvres qu'eux, le roman raconte une révolution orchestrée par un groupe refusant le joug. Placé bien involontairement à leur tête, Manuel O'Kelly, technicien informatique, a l'avantage de nouer des liens privilégiés avec Mike, l'ordinateur de la planète, qui n'a révélé qu'à lui son éveil à la conscience. Sans son aide efficiente, les efforts du trio comprenant, outre O'Kelly, le professeur La Paz et la passionaria Wyoming Knott, auraient été voués à l'échec.

     La première partie est un véritable manuel du parfait agitateur délivrant les recettes pour faire parler de sa cause. La seconde, plus politique, illustre les retorses négociations pour trouver un terrain d'entente entre les deux parties, qui se soldent malgré tout par une guerre ressemblant à l'affrontement de David contre Goliath.

     Comme souvent chez Heinlein, la trame du récit est assez simpliste et les personnages convenus, mais l'auteur donne toute sa mesure dans la prospective et l'agitation d'idées originales et non conventionnelles. Il donne à voir la naissance d'une société anarchiste et libertaire, prônant la polyandrie. On ne peut qu'admirer, une fois de plus, la dimension prophétique de Heinlein, qui a su anticiper bien des aspects de notre société. Souvent considéré en France comme un fasciste (en raison notamment de Starship Troopers — point de vue que ne semble pas partager la nouvelle génération d'éditeurs, qui réédite à l'heure actuelle Heinlein abondamment : dernier titre en date, Marionnettes humaines chez Folio « SF »), Heinlein ne doit ces critiques qu'à un réalisme pragmatique qui refuse de se laisser leurrer par les bons sentiments. Sa fable sociale est plus subtile qu'il n'y paraît au premier abord. Quarante ans après, ce roman, lauréat du prix Hugo en 67, reste sur bien des points d'une troublante actualité et d'une formidable clairvoyance.

Claude ECKEN (lui écrire)
Première parution : 1/10/2005 dans Bifrost 40
Mise en ligne le : 12/11/2006


     En 2075, les habitants de la Lune, pour une bonne partie des condamnés de droit commun envoyés là pour libérer la Terre de leur présence inopportune, souffrent de l'omniprésence de l'Autorité. Cette dernière bafoue en effet leur liberté, dans le but inavoué d'entretenir les échanges commerciaux entre les deux camps (et même si le terme d'échanges est usurpé, les avantages étant surtout du côté de la Terre). Aussi les sélénites vont-ils prendre leur destin en main, en fomentant une révolution.

     Classique de la science-fiction, prix Hugo 1967 du meilleur roman, Révolte sur la Lune n'usurpe pas son statut. La description de Robert Heinlein de la société sélénite est particulièrement minutieuse et crédible ; au centre de celle-ci, la notion de « mariage familial », immense famille où les couples sont multiples et interchangeables, et les candidats cooptés par l'ensemble des membres. Tout ceci permet une grande stabilité à cette structure. La Lune a ainsi développé des qualités humaines que la Terre lui envie. Toutefois, elle est sous le joug des préjugés terriens ancestraux, aussi pour s'épanouir doit-elle s'affranchir de ceux-ci. Alors seulement elle pourra prétendre à devenir une utopie telle que la voyait certainement Heinlein, écrivain profondément humaniste et libertaire — en dépit de sa réputation de militariste convaincu.

     L'affranchissement passera forcément par la révolte du titre, qui tient davantage de la révolution. Même si le nerf de celle-ci est totalement invraisemblable — la machine la plus importante du système terrien sur la Lune, quasiment omnipotente, acquiert des facultés cognitives, voire une conscience, et se rebelle — l'intérêt est ailleurs, dans la mise en branle du changement. D'abord bavards, échafaudant plan sur plan, les révolutionnaires devront bientôt agir pour faire valoir leur droit ; les sacrifices seront nombreux, mais c'est le prix à payer. La description du modus operandi de la révolution est tout aussi étayée que celle de la société lunaire, de sorte que l'on se prend au jeu de tenter d'anticiper les étapes ultérieures du développement, d'autant plus que le ton alerte d'Heinlein et son humour omniprésent font mouche.

     Bref, une réédition bienvenue, qui plus est dans une traduction révisée (qui n'aura néanmoins pas permis de supprimer les nombreuses coquilles). Dommage néanmoins que l'éditeur, comme il en a l'habitude pour la collection Terres fantastiques, ne nous propose pas de texte accompagnateur pour Poussière d'étoiles ; l'article de Francis Valéry, « Révolte sur la Lune (La révolution libertarienne selon Robert Heinlein) », paru naguère dans Cyberdreams n°10, aurait été tout à fait à sa place ici.

Bruno PARA (lui écrire)
Première parution : 1/10/2005 dans Galaxies 38
Mise en ligne le : 12/11/2008

Critiques des autres éditions ou de la série
Edition GALLIMARD, Folio SF (2010)

     Roman culte par essence, Révolte sur la Lune rouvre (ou referme) le débat sur le supposé « fascisme » de Robert Heinlein. On renverra évidemment les lecteurs au célèbre Solutions non satisfaisantes d'Ugo Bellagamba et Eric Picholle, qui fait aujourd'hui autorité sur le sujet. Reste qu'avec cette histoire de révolution, Heinlein brouille intelligemment les pistes, tout en signant ici l'un des livres de référence de la S-F américaine. Couronné d'un Prix Hugo en 1967, Révolte sur la Lune marque durablement par son universalité.

     Transformée au départ en colonie pénitentiaire par les autorités terrestres, la Lune a dépassé son statut de bagne et abrite désormais toute une communauté de citoyens (théoriquement) libres, dont l'immense majorité descend des premiers détenus. Si la Terre est loin et trop occupée par ses propres problèmes pour gérer convenablement son satellite, elle n'en maintient pas moins une certaine forme de coercition par l'intermédiaire du « Gardien », essentiellement dévoué à l'exploitation des ressources lunaires pour le seul compte de son gouvernement, sans faire grand cas des dures conditions de vie des Sélénites. Le parallèle avec le colonialisme des années 60 (et sa fin programmée) ne s'arrête évidemment pas là, et si le titre original The Moon is a Harsh Mistress laisse planer un léger doute, la version française (nettement moins subtile) règle assez vite la question. Révisée par Nadia Fisher pour la parution chez Terre de Brume (et ce n'était pas du luxe), la traduction originale oscille d'ailleurs entre le ridicule et le mensonger, ce qui n'aide par le roman à décoller d'un point de vue stylistique. D'autant que, une habitude chez Heinlein, les personnages se révèlent assez vite caricaturaux (les femmes surtout, ah tiens), les dialogues consternants et la vision d'ensemble aussi datée que dépassée. En refermant le livre, on a la curieuse sensation d'avoir ouvert une vieille bouteille de vin quelques années trop tard. Il nous reste la belle couleur, la belle étiquette, le verre en cristal et le plaisir du tire-bouchon, mais le vin en lui-même ne présente que peu d'intérêt. Hormis un bon moment. C'est peut-être là tout le sel du roman d'Heinlein qui atteint désormais le statut enviable (ou pas) de classique. Outre les personnages humains (interchangeables), l'auteur introduit tout de même la belle idée d'un ordinateur gestionnaire ayant enfin accédé à la conscience, et dont les actes réfléchis et intelligents permettent finalement la révolution (en secret). Certes, il a fallu quelques prétextes bien humains pour que l'inévitable se produise, mais l'idée est là. Une idée à la fois drôle et inquiétante (le personnage de l'ordinateur est d'ailleurs le plus intéressant du roman), secondée par des paragraphes entiers voués à l'idéologie libertarienne, souvent nauséabonde par ses préceptes économiques ineptes et destructeurs, car basés encore et toujours sur des rapports de force. Le côté américain du livre est d'ailleurs patent, même si l'histoire peut aussi se lire comme un divertissement bien fichu, bien mené et très malin. On notera d'ailleurs qu'Heinlein ne se prive pas d'égratigner son propre pays au passage, ce qui donne parfois des épisodes assez réjouissants. Au final, on comprend parfaitement pourquoi Révolte sur la Lune a obtenu son prix Hugo. Et si on ferme les yeux sur la forme, le fond régale longtemps après lecture, qu'on soit d'accord ou pas.

Patrick IMBERT (site web)
Première parution : 1/1/2010
dans Bifrost 57
Mise en ligne le : 24/7/2011


Edition POCKET, Science-Fiction / Fantasy (2003)

     «Il faudrait un long article, que j'écrirai peut-être un jour, pour débattre de tout ce qu'il y a de bon dans ce livre. »
David Friedman in Vers une société sans Etat.

     Nous sommes en 2075. Bien que la disette et la surpopulation y soient chroniques, la Terre est en paix sous l'égide des « Nations Fédérées » (une sorte d'ONU, en plus « musclée »). La Lune est habitée par plusieurs millions de personnes. Des bagnards et des déportés y ont fait souche et, pour des raisons physiologiques (car la gravité est plus faible sur la Lune et au bout d'un certain temps, le corps se modifie), ils ne peuvent revenir sur Terre. Leur principale occupation est la production de céréales dans de gigantesques galeries souterraines, céréales qui sont ensuite envoyées sur Terre.
     Comme son titre l'indique, ce roman raconte la révolte des habitants « lunatiques » qui veulent que leur indépendance soit reconnue par les nations terriennes. Suivront de nombreuses péripéties dont des bombardements de la Terre par des rochers catapultés de la Lune et l'aide d'une intelligence artificielle.

     L'intérêt principal de ce livre est la description que fait Heinlein de la société sélénite qui s'est développée à peu près librement sans beaucoup d'interférences de la part des Terriens qui se désintéressent de son sort tant que les céréales continuent d'arriver.
     La Lune est dirigée par un « gouverneur » représentant l'administration terrienne. Son rôle est donc de veiller au départ régulier des « péniches » transportant les céréales.
     Vues les conditions initiales du peuplement de la Lune (des déportés et des bagnards), les femmes sont beaucoup moins nombreuses que les hommes. Ce point de départ, ajouté aux conditions d'existence très dures, explique certaines particularités de la société lunaire. Les femmes ont un rôle très important ; ce sont elles qui sont la base des familles et des clans qui se sont constitués au fil du temps et la polyandrie est courante.
     La « révolution » est le fait d'un petit groupe d'hommes et de femmes « éclairés », une conception visiblement inspirée du léninisme même si Heinlein rend des hommages appuyés à la guerre d'indépendance américaine.
     Sur la Lune, il n'y a pas d'institution étatique, pas d'impôts, pas de « services publics », c'est le règne du pragmatisme et de « l'auto-organisation »...

     Dans ce roman, Heinlein ne cache pas ses sympathies libertariennes (mais peut-être que le terme est anachronique pour un roman datant de 1965 ?). Ayn Rand est citée (sous le nom de « Randite », ch. 6) et l'on rencontre un « anarchiste rationnel » (qui défend en fait des idées libertariennes). John Galt, le héros de Ayn Rand - dans le roman « Atlas Shrugged » - est mentionné dans le chapitre 9. Cette philosophie politique peu connue en France ne doit pas être confondue avec l'anarchisme et encore moins avec le communisme ou le trotskisme.

     Par ailleurs, Heinlein rend de multiples hommages à Sherlock Holmes.

     D'un point de vue critique, je ferai deux réserves sur les idées exprimées dans ce livre :
     — Heinlein s'appuie sur les idées de Malthus (ch. 18) pour expliquer la situation de disette permanente, que connaît la Terre dans son roman. Le malthusianisme ayant été depuis longtemps réfuté, il aurait été plus juste, à mon avis, et en tout cas plus conforme à l'histoire de ces cinquante dernières années, d'incriminer la collectivisation de l'agriculture par exemple.
     — Je ne suis pas sûr que des familles composées de plusieurs maris et de plusieurs femmes vivants ensembles avec leurs enfants puissent réellement exister. C'est une structure peut-être trop contraire à la nature humaine pour durer bien longtemps ! 1

     Mais ne boudons pas notre plaisir. Robert Heinlein a toujours défendu une Science Fiction humaniste et individualiste : que demander de plus ?

Notes :

1. Lire à ce sujet Comment fonctionne l'esprit de Steven Pinker (édition Odile Jacob), chapitre 7 : « Les valeurs familiales », en particulier pages 502 et suivantes.

Sylvain GAY
Première parution : 8/9/2003
nooSFere

Prix obtenus
Hugo, Roman, 1967


Cité dans les Conseils de lecture / Bibliothèque idéale des oeuvres suivantes
Association Infini : Infini (2 - liste secondaire) (liste parue en 1998)
Francis Valéry : Passeport pour les étoiles (liste parue en 2000)

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