Le numéro 27 (sans Lunatique), lui, se penche sur la SF ukrainienne, ce qui, au vu des événements de février 2014, est pour le moins singulier.
Hors dossier, on trouvera cinq nouvelles. Les deux plus intéressantes sont celles de Keffy R.M Kehrli et Santiago Eximeno. La nouvelle d’Eximeno, « Tarentule », est une histoire de super-héros qui explore un passage bien précis du film Incassable de M. Night Shyamalan. Il y a quelque chose de « bien vu » dans ce texte court, et en même temps, on ne peut être que déçu par son manque d’ambition. Le texte de Kehrli reprend une des thématiques préférées de Greg Egan, l’identité, dans un contexte familial : une petite fille meurt, on en fait un clone qui refuse de se considérer comme la petite fille décédée. C’est bien, voire très bien, malheureusement, d’un point de vue littéraire, c’est plus ou moins écrit comme une liste de courses, d’une platitude douloureuse.
Si le dossier ukrainien est plutôt intéressant du fait de ses nombreuses interviews, le problème vient plutôt des nouvelles, qui semblent toutes, à quelques détails près, dater des années soixante… ou datent effectivement des années soixante ! Ce qui est le cas du texte d’Oles Berdnyk. Un jeune homme se promène en forêt et tombe sur un étrange savant et son étonnante machine. Le savant assure qu’il peut dépasser la vitesse de la lumière avec son engin mu par l’esprit, rejoindre les lointaines galaxies en un instant. Et hop ! les deux hommes se lancent dans un petit voyage, heureusement de courte durée. Comme il se doit, ce texte naïf, un brin new age et daté, est le plus marquant du lot. C’est dire…
Ce dossier montre, non sans un certain brio, une SF masculine en retard de cinquante ans et sous la double influence d’H.G. Wells et Ray Bradbury. Une SF « régionale » et/ou sclérosée qui n’a pas assimilé l’apport de Greg Egan, James Patrick Kelly, Ian McDonald ou encore Paul J. McAuley. Et ne parlons même pas de celui d’Ursula K. Le Guin ou James Tiptree Jr. On ressort de l’ensemble avec l’impression paradoxale que tout ce que ces auteurs disent en interview est intéressant, alors que tout ce qu’ils écrivent n’a que peu, voire aucun intérêt.
On notera que le cahier critique, pages 147 à 177, est d’une grande tenue.
Pour conclure : on peut, par curiosité, se pencher sur cette SF ukrainienne « mal incubée », doucement misogyne, dont la découverte a des petits airs de voyage dans le temps. Back to the future !
Thomas DAY Première parution : 1/4/2014 dans Bifrost 74 Mise en ligne le : 28/3/2020