Propulsé en 1940 à Londres par le professeur Dunworthy sans la moindre préparation, John Bartholomew intègre la brigade des veilleurs du feu, ces héros qui ont sauvé la cathédrale Saint-Paul des bombes allemandes... À cette époque, de nombreux Londoniens ont survécu au Blitz en se réfugiant dans le métro, dont plusieurs stations portent aujourd’hui encore de bien curieux stigmates... Et tandis que d’autres vont chercher la mort beaucoup plus loin, sur les rives antiques du Nil, certains accueillent en eux la présence des dieux à têtes d'animaux pour en faire un commerce fort lucratif.
Neuf nouvelles et courts récits primés — parmi lesquels Les veilleurs du feu, préquelle au roman Black-Out et au cycle temporel —, qui donnent à voir un aperçu complet des talents de conteuse de Connie Willis.
CONNIE WILLIS
Reconnue comme un auteur de science-fiction de premier plan, elle vit un pied dans le Colorado, l’autre solidement planté dans les rues embrumées de sa ville de cœur, Londres.
1 - Avant-propos (Introduction, 2013), pages 11 à 20, introduction, trad. Sébastien GUILLOT 2 - Une lettre des Cleary (A Letter from the Clearys, 1982), pages 21 à 41, nouvelle, trad. Françoise JAMOUL rév. Sébastien GUILLOT 3 - Au Rialto (At the Rialto, 1989), pages 42 à 78, nouvelle, trad. Jean-Pierre PUGI rév. Sébastien GUILLOT 4 - Morts sur le Nil (Death on the Nile, 1993), pages 79 à 116, nouvelle, trad. Jean-Pierre PUGI rév. Sébastien GUILLOT 5 - Les Veilleurs du feu (Fire Watch, 1982), pages 117 à 179, nouvelle, trad. Philippe R. HUPP rév. Sébastien GUILLOT 6 - Infiltration (Inside Job, 2005), pages 180 à 278, nouvelle, trad. Sébastien GUILLOT 7 - Même sa Majesté (Even the Queen, 1992), pages 279 à 308, nouvelle, trad. Jean-Pierre PUGI rév. Sébastien GUILLOT 8 - Les Vents de Marble Arch (The Winds of Marble Arch, 1999), pages 309 à 389, nouvelle, trad. Sébastien GUILLOT rév. Sébastien GUILLOT 9 - Tous assis par terre (All Seated on the Ground, 2007), pages 390 à 484, nouvelle, trad. Sébastien GUILLOT 10 - Le Dernier des Winnebagos (The Last of the Winnebagos, 1988), pages 485 à 563, nouvelle, trad. Jean-Pierre PUGI rév. Sébastien GUILLOT 11 - Anne Lesley GROELL, Note de l'éditrice (Editor's Note, 2013), pages 565 à 566, notes, trad. Sébastien GUILLOT 12 - Discours de l'invitée d'honneur Convention mondiale de science-fiction 2006 (2006 Worldcon Guest of Honor Speech, 2006), pages 567 à 586, notes, trad. Sébastien GUILLOT 13 - Discours de secours pour la remise du Grand Master Award (Grand Master Backup Speech (never delivered), 2013), pages 587 à 598, notes, trad. Sébastien GUILLOT 14 - Discours de la lauréate du Grand Master Award (Grand Master Acceptance Speech, 2012), pages 599 à 604, notes, trad. Sébastien GUILLOT
Le titre original de cet ouvrage, The Best of Connie Willis, est on ne peut plus clair, et ça ne mégotte pas : les neuf nouvelles qui le composent (initialement publiées entre 1982 et 2007) ont toutes été primées. Hugo, Nebula, Locus comme s’il en pleuvait. C’est dire la valeur sûre que représente l’ensemble – quand bien même, en ces temps troublés, ces récompenses ne possèdent peut-être plus l’aura d’antan –, qui offre qui plus est une vue assez large du talent considérable de cette auteure peu prolifique, mais ô combien efficace.
Commençons donc par le récit qui donne pour partie son titre au recueil : « Les Veilleurs du feu ». Cette histoire de voyage temporel est à l’origine des deux grands romans de 2010, parus par ici chez Bragelonne en 2012 et 2013, Black-Out et All Clear (cf. les critiques dans les numéros 69 et 73 de Bifrost) et désormais disponibles en poche chez J’ai Lu. Dans ce texte, les historiens peuvent voyager dans le temps pour se confronter, en principe, à leur période de prédilection. C’est ainsi que le narrateur se retrouve plongé en plein Blitz, à Londres, avec les défenseurs de Saint-Paul. Or, il le sait, cet édifice sera détruit par les bombardements… Écrit sous forme de journal, ce texte est sans appel : Connie Willis excelle à peindre les sentiments de ses personnages, et semble rien moins qu’habitée par son sujet tant elle restitue avec minutie le contexte historique dans lequel s’inscrit son récit. Des qualités d’empathie et de précision qui traversent l’ensemble des nouvelles ici proposées. « Les Vents de Marble Arch » est à ce titre exemplaire. Avec encore le Blitz en guise de toile de fond, pour cette évocation douce-amère des traces laissées par le passé dans notre vie quotidienne à travers le souffle du métro londonien – une histoire tout en touches subtiles.
Comme tout bon auteur de SF, Connie Willis dépeint souvent l’avenir pour interroger le présent. Regard nostalgique dans « Le Dernier des Winnebago » : par un parallèle surprenant, Willis peint un monde où les chiens ont disparu, suite à une épidémie, tout comme les camping-cars, interdits dans la plupart des États américains. « Même Sa Majesté », nouvelle pleine d’humour, se moque gentiment des modes de retour à la nature et aux bienfaits de l’ancien temps (ici, la « joie » d’avoir à nouveau ses règles alors qu’un médicament est parvenu à les supprimer, avec les douleurs et embarras afférents) et questionne avec finesse l’influence de la société sur la condition féminine.
Car dérision et légèreté figurent aussi dans l’éventail des talents de Connie Willis. « Tous assis par terre » raconte l’« invasion » de la Terre par des extraterrestres silencieux et boudeurs. Loin des Independence Day et autres attaques massives de notre pauvre planète, cette nouvelle observe avec détachement les comportements caricaturaux de certains êtres humains, à commencer par les extrémistes religieux. « Au Rialto » n’épargne pas la manie des conventions scientifiques et autres réunions de pairs dont les États-Unis sont le théâtre permanent. Humour toujours avec « Infiltration », enquête rondement menée sur les arnaques des faux médiums, où le réel côtoie le fantastique. Une frontière, celle du surnaturel, que Connie Willis n’hésite pas à franchir dans « Morts sur le Nil », incursion réussie au royaume des morts.
On l’aura compris, Les Veilleurs constitue une entrée idéale dans l’univers de Connie Willis, plus accessible, peut-être, que les longs (mais réussis) Black-Out et All Clear. D’autant que les textes qui accompagnent chaque nouvelle sont éclairants et offrent l’image d’un écrivain réfléchi, lucide sur son travail et l’influence de ses « maîtres » (Heinlein, Haldeman, Silverberg), engagée dans la vie publique. Enfin, en guise de bonus, l’éditeur nous offre trois discours, prononcés (ou non), une autre facette de l’auteure du Grand Livre distinguée par le Science Fiction Hall of Fame. Une réussite, assurément, dont on ne pourra faire l’économie.
Raphaël GAUDIN Première parution : 1/10/2015 Bifrost 80 Mise en ligne le : 19/7/2020