Site clair (Changer
 
    Fiche livre     Connexion adhérent
Je suis d'ailleurs

Howard Phillips LOVECRAFT

Traduction de Yves RIVIÈRE
Illustration de EIKASIA

GALLIMARD (Paris, France), coll. Folio SF précédent dans la collection n° 84 suivant dans la collection
Dépôt légal : avril 2003, Achevé d'imprimer : 2 avril 2003
Retirage
Recueil de nouvelles, 256 pages, catégorie / prix : F6
ISBN : 2-07-042120-1
Format : 11,0 x 18,0 cm
Genre : Science-Fiction


Quatrième de couverture
     « C'était le reflet vampirique de la pourriture, des temps disparus et de la désolation ; le phantasme, putride et gras d'égouttures, d'une révélation pernicieuse dont la terre pitoyable aurait dû pour toujours masquer l'apparence nue. Dieu sait que cette chose n'était pas de ce monde — ou n'était plus de ce monde — et pourtant, au sein de mon effroi, je pus reconnaître dans sa matière rongée, rognée, où transparaissait des os, comme un grotesque et ricanant travesti de la forme humaine. Il y avait, dans cet appareil pourrissant et décomposé, une sorte de qualité innomable qui me glaça encore plus. »
 
     Howard Phillips Lovecraft (1890-1937) fait partie des grands créateurs littéraires de ce siècle. Il est l'inventeur d'un genre inédit : le conte matérialiste d'épouvante, inscrit dans un cadre mythologique terrifiant car cohérent et scientifiquement plausible.
Sommaire
Afficher les différentes éditions des textes
1 - Je suis d'ailleurs (The Outsider, 1926), pages 7 à 20, nouvelle, trad. Yves RIVIÈRE
2 - La Musique d'Erich Zann (The Music of Erich Zann, 1922), pages 21 à 36, nouvelle, trad. Yves RIVIÈRE
3 - L'Indicible (The Unnamable, 1925), pages 37 à 51, nouvelle, trad. Yves RIVIÈRE
4 - Air froid (Cool Air, 1928), pages 53 à 69, nouvelle, trad. Yves RIVIÈRE
5 - Le Molosse (The Hound, 1924), pages 71 à 84, nouvelle, trad. Yves RIVIÈRE
6 - La Maison maudite (The Shunned House, 1928), pages 85 à 128, nouvelle, trad. Yves RIVIÈRE
7 - La Tourbière hantée (The Moon-Bog, 1926), pages 129 à 142, nouvelle, trad. Yves RIVIÈRE
8 - Arthur Jermyn (The White Ape / Arthur Jermyn / Facts Concerning the Late Arthur Jermyn and His Family, 1921), pages 143 à 157, nouvelle, trad. Yves RIVIÈRE
9 - Le Modèle de Pickman (Pickman's Model, 1927), pages 159 à 181, nouvelle, trad. Yves RIVIÈRE
10 - La Cité sans nom (The Nameless City, 1921), pages 183 à 202, nouvelle, trad. Yves RIVIÈRE
11 - La Peur qui rôde (The Lurking Fear, 1923), pages 203 à 237, nouvelle, trad. Yves RIVIÈRE
Critiques des autres éditions ou de la série
Edition DENOËL, Présence du futur (1961)

    « Lovecraft, qui est américain, a inventé un terrifiant monde de l'espace-tempsson style gagne encore à la traduction française. » Nanti de cette peu compromettante bénédiction qui est signée Jean Cocteau, de l'Académie française, Lovecraft a obtenu les suffrages des amateurs français d'insolite, une vingtaine d'années après sa mort. L'attrait que le démoniaque et le monstrueux exercent sur ses protagonistes, les extra-terrestres terrifiants qu'on devine dans les coulisses de certains de ses récits, ainsi que la précision inquiète avec laquelle il sait dépayser son lecteur, sont autant de gages de son originalité. Celle-ci n'est plus en cause, bien entendu, et les nouvelles de ce recueil en contiennent maint exemple. Mais elles présentent aussi plusieurs faiblesses, dont il y a lieu de dire quelques mots, car elles sont en général négligées au profit des qualités.

    En tout premier lieu, il serait à peine exagéré de dire que Lovecraft a écrit non pas un certain nombre de nouvelles, mais bien un certain nombre de fois une même nouvelle. Assurément, le décor et les circonstances du récit varient d'une fois à l'autre, de même que le protagoniste : il demeure néanmoins évident que leur trame est constamment la même : ils racontent la découverte de l'inconnu et du Monstrueux – que ce soit sous l'aspect des Grands Anciens, ou sous celui d'une négation effrayante des lois de la nature. Un homme normal se trouve mis en présence de quelque chose d'insolite et de terrible. La seconde faiblesse de ces récits, c'est qu'ils s'arrêtent presque invariablement là : le narrateur est paralysé par l'effroi, ou bien il fuit, il devient fou, ou encore il met fin à ses jours. Il ne tente jamais d'en savoir plus long sur les êtres dont il vient de découvrir l'existence, et, par conséquent, ceux-ci n'ont pas de véritable relief. Le lecteur a beau savoir qu'ils sont la cause de morts ou de disparitions, il n'est pas gagné par la terreur du héros, car ces monstres n'ont guère d'existence effective pour lui. On souhaiterait connaître – ne serait-ce qu'une fois – ce qui les anime, on voudrait qu'un contact fût établi avec ces machines à faire peur. Tel est un troisième défaut de ces récits : les monstres y possèdent autant de vraisemblance que le dragon des anciennes mises en scène de « Siegfried » – et ils demeurent encore beaucoup plus lointains. 

    Enfin, il faut bien reconnaître que si le caractère vague des descriptions de Lovecraft peut vraisemblablement résulter de la terreur qui frappe le narrateur, il ne contribue en revanche guère à communiquer cette crainte au lecteur. Que penser d'un passage comme celui-ci (dans « La peur qui rôde », nouvelle finale de ce recueil) : « Des ombres torrentielles, rouges et visqueuses, se poursuivaient, haletant et glissant, dans les corridors infinis du ciel violet et zébré d'éclairs… phantasmes sans forme, dessins d'un kaléidoscope vampirique… forêt de chênes monstrueusement nourris dont les racines en forme de serpent se tordaient, aspiraient d'innommables sucs dans la terre grouillante de démons cannibales… tentacules en forme de tertres, nés d'un noyau souterrain de pourriture perverse…» ? Quelles que soient les qualités d'un tel passage – dont la traduction française d'Yves Rivière conserve un reflet fidèle – il est difficile d'éprouver de la crainte en le lisant. Contrairement à ce qu'affirme la publicité accompagnant certaines éditions américaines de son œuvre, Lovecraft s'accommode parfaitement d'une lecture nocturne.

    Cette répétition du schéma fondamental provoque un curieux déplacement de la curiosité ; on ne se demande plus, en abordant ces nouvelles, quelle va être l'explication des phénomènes insolites qui s'y trouvent relatés : on attend le monstre, la goule et le vampire, sinon comme de vieux amis, tout au moins comme de divertissantes connaissances sans lesquelles la soirée – ou, plus souvent, la nuit – ne serait pas complète. Mais on demeure curieux de connaître la façon dont il vont apparaître, le symptôme par lequel le narrateur va être terrorisé.

    Les critiques précédentes paraîtront sans doute excessives : après tout, Lovecraft n'est-il pas un poète de l'effroi et de l'inquiétude ? Est-il équitable de l'attaquer pour des motifs plus ou moins « rationalistes » et logiques ? La réponse à une telle question peut être affirmative, à cause de la façon même dont l'écrivain américain bâtissait ses récits : ceux-ci étaient destinés à produire un choc – surprise, inquiétude, effroi – par l'apparition soudaine de l'insolite dans notre bon vieil espace-temps quotidien. Les règles de ce dernier demeurent applicables, puisque l'auteur choisit lui-même d'y placer son action, et puisque ce fond banal sert de repoussoir aux « abominations » qu'il imagine.

    Cependant, de telles faiblesses n'excluent aucunement des qualités très réelles. Inconsciemment, Lovecraft s'était approprié l'héritage littéraire d'Edgar Poe, qu'il avait transformé selon les exigences de son propre tempérament. Cette filiation est manifeste par certains détails matériels : dans « Le molosse », la réclusion volontaire et les excentricités des deux protagonistes évoquent le chevalier Dupin et son discret chroniqueur ; et Poe est effectivement nommé dans « La maison maudite ». Mais la parenté est également perceptible de manière moins nette – ou plus subtile : un décor – l'irréel château de « Je suis d'ailleurs » ou la ville ou l'en entend « La musique d'Erich Zann » – une atmosphère qui semble être celle d'un passé lointain – « La tourbière hantée » – un personnage marqué par une tare ancestrale – « Arthur Jermyn » – pourraient être issus de l'imagination de Poe. Mais – est-il besoin de le dire ? – Lovecraft utilise de tels éléments selon sa fantaisie personnelle, beaucoup plus sombre que celle de l'auteur des « Histoires extraordinaires ».

    Les humains mis en scène dans « Je suis d'ailleurs » sont principalement des jouets de la fatalité, ou tout au moins des intermédiaires ; quelle que soit leur audace initiale, leur scepticisme scientifique ou leur curiosité d'investigateurs, ils ne sont là que pour la terrible découverte que Lovecraft leur imposera. Les sentiments qu'ils peuvent avoir au début du récit disparaîtront devant leur peur, et ils seront obligés de reconnaître l'existence de ces forces mystérieuses dont ils étaient prêts à rire : Joël Manton, à l'esprit « clair, pratique et éminemment logique », reconnaîtra spontanément qu'il a vu « L'indicible » ; Thurber, esthète raffiné, est frappé d'un tel saisissement en voyant « Le modèle de Pickman » qu'il refuse dorénavant de rencontrer ce peintre qu'il admire. L'évolution de la plupart des personnages de Lovecraft est similaire : pleins d'audace au commencement de la nouvelle, ils ne sont plus que le reflet amoindri d'eux-mêmes à la fin – lorsqu'ils ne se suppriment pas.

    L'écrivain a cependant magnifiquement su varier le décor, le milieu et ce qu'on pourrait appeler le « climat » dans lesquels ses protagonistes font leurs fatales découvertes. « La cité sans nom », perdue en Arabie, « La tourbière hantée », qui conserve les ruines – et davantage – de l'Irlande païenne et, bien entendu, la Nouvelle-Angleterre et en particulier l'imaginaire cité d'Arkham, s'animent toutes d'une existence étrange et fascinante. Lovecraft sait faire appel à l'imagination lorsqu'il s'agit d'évoquer un cadre qui conserve quelque rapport avec le réel : le lecteur complète, devine, invente selon ce que l'écrivain lui suggère. Il y a là des points de repère à partir desquels on peut rêver ; tandis que les monstres, à force de vouloir être effrayants et « différents de tout », finissent par devenir simplement inconcevables.

    Une autre qualité de ces nouvelles – une qualité qui suffit d'ailleurs à compenser leurs défauts – est l'air avec lequel Lovecraft sait raconter son histoire : il connaît le but à atteindre, et il avance dans sa direction sans jamais le perdre de vue. Il est encore, en cela, un héritier de Poe. La plupart des récits réunis dans ce livre ne se rattachent pas au cycle de Cthulhu, auquel ils sont généralement antérieurs (d'après certains bibliographes, la première publication de « La musique d'Erich Zann » daterait de 1922). S'ils ne possèdent pas les résonances cosmiques des nouvelles au fond desquelles on devine les Grands Anciens et les dieux du panthéon lovecraftien, ils ont en revanche une densité et une sorte d'économie qui en font de parfaites réussites narratives. Tel est surtout le cas de « La musique d'Erich Zann », « Le molosse » et « Je suis d'ailleurs », qui constituent de véritables chefs-d'œuvre dans le domaine du conte fantastique. La première de ces nouvelles, surtout, est exemplaire par la combinaison de son décor étrange (un quartier « hors de l'espace » dans une ville française) avec des événements dont la banalité disparaît progressivement pour faire apparaître l'inexpliqué.

    Lovecraft possède des admirateurs pour lesquels la moindre des nouvelles qu'il a écrites est saisissante et se situe à l'abri de la plus timide critique. Il semble cependant plus juste de reconnaître qu'il possédait certaines faiblesses : cela ne l'empêchait point d'atteindre souvent une originalité profonde, et plusieurs des sommets de son œuvre sont contenus dans ce livre. Une fois reconnue l'identité des trames qu'il utilisait, il vaut la peine d'admirer la richesse des dessins dont il savait les orner.

Demètre IOAKIMIDIS
Première parution : 1/5/1961
Fiction 90
Mise en ligne le : 25/1/2025

Adaptations (cinéma, télévision, BD, théâtre, radio, jeu vidéo...)
Night Gallery (épisode : Pickman's Model ) , 1970, Jack Laird (d'après le texte : Le Modèle de Pickman), (Episode Série TV)
Night Gallery (épisode : Cool Air ) , 1971, Jeannot Szwarc (d'après le texte : Air froid), (Episode Série TV)
Music of Erich Zann (The) , 1980, John Strysik (d'après le texte : La Musique d'Erich Zann), (Court métrage)
Unnamable (The) , 1988, Jean-Paul Ouellette (d'après le texte : L'Indicible)
Dark Heritage , 1989, David McCormick (d'après le texte : La Peur qui rôde)
Outsider (The) , 1994, Aaron Vanek (d'après le texte : Je suis d'ailleurs), (Court métrage)
Lurking Fear , 1994, C. Courtney Joyner (d'après le texte : La Peur qui rôde)
Necronomicon ( segment 2 : The cold ) , 1994, Shusuke Kaneko (d'après le texte : Air froid), (Segment film à sketches)
Castle Freak , 1995, Stuart Gordon (d'après le texte : Je suis d'ailleurs)
Hémoglobine , 1997, Peter Svatek (d'après le texte : La Peur qui rôde)
Cool Air , 1999, Bryan Moore (d'après le texte : Air froid)
Chilean Gothic , 2000, Ricardo Harrington (d'après le texte : Le Modèle de Pickman), (Court métrage)
Music of Erica Zann (The) , 2002, Jeremy Hechler (d'après le texte : La Musique d'Erich Zann)
Shunned House (The) , 2003, Ivan Zuccon (d'après le texte : La Musique d'Erich Zann), (Film à sketches)
Shunned House (The) , 2003, Ivan Zuccon (d'après le texte : La Maison maudite), (Film à sketches)
Pickman's Model , 2003, Rick Tillman (d'après le texte : Le Modèle de Pickman), (Court métrage)
Tomb of Terror ( segment : Infinite Evil ) , 2004, C. Courtney Joyner (d'après le texte : La Peur qui rôde), (Film à sketches)
Musik des Erich Zann (Die) , 2005, Anna Gawrilow (d'après le texte : La Musique d'Erich Zann), (Court Métrage d'Animation)
Pickman's Model , 2008, Gary Fierro (d'après le texte : Le Modèle de Pickman), (Court Métrage)
Le Cabinet de curiosités de Guillermo del Toro (épisode S1E05 : Le modèle) , 2022, Keith Thomas (d'après le texte : Le Modèle de Pickman), (épisode d'une série TV)
Pickman's Model , 1981, Cathy Welch (d'après le texte : Le Modèle de Pickman), (Moyen Métrage)

retour en haut de page

Dans la nooSFere : 87251 livres, 112067 photos de couvertures, 83685 quatrièmes.
10815 critiques, 47149 intervenant·e·s, 1982 photographies, 3915 adaptations.
 
NooSFere est une encyclopédie et une base de données bibliographique.
Nous ne sommes ni libraire ni éditeur, nous ne vendons pas de livres et ne publions pas de textes. Trouver une librairie !
A propos de l'association  -   Vie privée et cookies/RGPD