Dans un futur assez lointain, l'humanité a quitté la Terre pour se répartir dans l'espace, au sein de stations orbitales. Deux factions se livrent un conflit perpétuel, les Mécas, des êtres humains augmentés par des implants cybernétiques, et les Morphos, qui s'appuient sur la programmation et la modification génétique. Ce conflit va cependant être perturbé par le premier contact entre l'espèce humaine et celle des Investisseurs, des reptiles capitalistes dont les objectifs sont le profit pur.
Au sein de cette société en mutation Abélard Lindsay, banni la république circumlunaire de Mare Serenitatis, traverse les sociétés, mais aussi le temps, devenant peu à peu une véritable légende qui cherche à réconcilier Mécas et Morphos autour d'un projet grandiose, la terraformation des mondes...
Cette nouvelle édition du chef-d'œuvre de Bruce Sterling réunit le roman La Schismatrice (paru en 1985) et cinq nouvelles situées dans son univers, déjà publiées chez Denoël dans le recueil Crystal Express.
La Schismatrice, roman tenu pour l'un des textes fondateurs du mouvement cyberpunk, se déroule sur presque trois cents ans, dans un lointain avenir. Les hommes ont colonisé le système solaire et vivent désormais sur d'immenses stations orbitales. L'humanité s'est scindée en deux branches : les Mécas, qui ont choisi la voie cybernétique, et les Morphos, passés maîtres dans les arts de la génétique et du contrôle de soi. Abélard Lindsay, jeune morpho dissident, est envoyé en exil sur un satellite-prison pour avoir conspiré contre le pouvoir en place dans la République circumlunaire de Mare Serenitatis. Astuce et hasard propulseront Lindsay sur les rampes de la gloire. Lindsay traversera les âges, assistera à l'arrivée des extra-terrestres (les Investisseurs, gros reptiles obsédés par le profit !), et à l'explosion de l'humanité en diverses ramifications (les « clades »). Il connaîtra une lutte fratricide avec son ami Constantin, deviendra un personnage légendaire et finira par tenter de fédérer les différentes factions et espèces de l'univers autour d'un grand projet : la terraformation.
La Schismatrice, sommet de l'œuvre de Bruce Sterling, possède à la fois cet humour acide déjà présent dans son premier roman, La Baleine des sables, et cette démesure propre aux plus grands chefs-d'œuvre. Simultanément space opera jubilatoire, récit cyberpunk halluciné et roman philosophique de haute tenue, La Schismatrice déborde du cadre strict de ses pages pour laisser entrevoir un univers infini, sans jamais tomber dans la vaine recherche de l'exhaustivité. Clonage, hommes transgéniques, cyborgs, intelligences artificielles, extra-terrestres, post-humanité, immortalité : La Schismatrice brasse tous les thèmes de la science-fiction moderne sans perdre une once de fraîcheur ou d'homogénéité, et surtout avec une modestie confondante. Grand roman sur les questions fondamentales de la science et de la philosophie — on devine la culture de Bruce Sterling, à commencer par les philosophes allemands, La Schismatrice transfigure toute action en métaphysique et toute métaphysique en action. Sterling se permet même l'audace de clore son récit sur un éclair poétique, dénouement aussi magnifique qu'inattendu qui en dit long sur les aspirations de l'auteur.
Les cinq nouvelles qui accompagnent le roman méritent également le détour. Déjà excellentes pour leurs qualités intrinsèques, ces suites directes des derniers rêves d'Abélard Lindsay — mais avec d'autres personnages — , qui gravitent autour de la terraformation, prolongent le plaisir d'évoluer dans cet univers fantastique et constituent autant de réflexions supplémentaires. À lire dans la foulée.
La Schismatrice est sans doute l'un des romans de science-fiction les plus intelligents (et délirants !) qui soient et justifie amplement son statut de roman-culte. Les malheureux qui ne l'ont jamais lu doivent impérativement courir l'acheter.