J'AI LU
(Paris, France), coll. Science-Fiction (2007 - ) n° 2940 Dépôt légal : septembre 2009, Achevé d'imprimer : 22 septembre 2009 Réédition Recueil de nouvelles, 256 pages ISBN : 978-2-290-35338-7 Format : 11,0 x 17,8 cm Genre : Science-Fiction
C'est un monde crépitant et précipité, ivre et bariolé. Saturé de drogues synthétiques, d'informations truquées, de rebuts technologiques. Là-bas, les adolescents se font greffer des yeux artificiels, des crocs de dobermans. Depuis leurs consoles, les pirates informatiques pillent les matrices à coup de virus tueurs. On y trafique de tout : secrets militaires et tranches de silicium, hallucinations et gènes mutants, espoir et oubli... Vivre fort, vivre vite, sous le regard froid des « zaïbatsus », les multinationales qui orchestrent le moindre soubresaut de ce grand bazar hystérique et rutilant. C'est un monde de merveilles et de folie, qui ressemble tellement au nôtre...
Neuf nouvelles signées William Gibson, le chaman cyberpunk. Vision électrique d'un futur enfiévré, immergé dans les murmures bruissants de la technologie, comme un constant bruit de fond subliminal.
William Gibson
En introduisant la notion de cyberspace, qu’il a inventée dans Neuromancien, William Gibson devenait le père de la génération cyberpunk et changeait à tout jamais le visage de la science-fiction. Les nouvelles de Gravé sur chrome explorent plus avant les thématiques qui lui sont chères.
1 - Bruce STERLING, Préface, pages 5 à 11, préface, trad. Jean BONNEFOY 2 - Johnny Mnemonic (Johnny Mnemonic, 1981), pages 12 à 40, nouvelle, trad. Jean BONNEFOY 3 - Fragments de rose en hologramme (Fragments of a hologram rose, 1977), pages 41 à 50, nouvelle, trad. Jean BONNEFOY 4 - William GIBSON & John SHIRLEY, Le Genre intégré (The Belonging Kind, 1981), pages 51 à 70, nouvelle, trad. Jean BONNEFOY 5 - Hinterland (Hinterland, 1981), pages 71 à 99, nouvelle, trad. Jean BONNEFOY 6 - William GIBSON & Bruce STERLING, Etoile rouge, blanche orbite (Red Star, Winter Orbit, 1983), pages 100 à 129, nouvelle, trad. Jean BONNEFOY 7 - Hôtel New Rose (New Rose Hotel, 1984), pages 130 à 148, nouvelle, trad. Jean BONNEFOY 8 - Le Marché d'hiver (The Winter Market, 1985), pages 149 à 181, nouvelle, trad. Jean BONNEFOY 9 - William GIBSON & Michael SWANWICK, Duel aérien (Dogfight, 1985), pages 182 à 215, nouvelle, trad. Jean BONNEFOY 10 - Gravé sur Chrome (Burning Chrome, 1982), pages 216 à 247, nouvelle, trad. Jean BONNEFOY
Voici sans doute le chant du cygne de cette collection remarquable, qu'ont animée Douay, Andrevon et Duvic — et qui nous a depuis quelques années présenté des auteurs et des styles de SF neufs. Ceux qu'on a nommés les « cyberpunks » ou — selon le mot de N. Spinrad dans l'article époustouflant qu'il a écrit dans Univers 87 — des « neuromantiques ». J'en rappelle quelques titres, parce qu'ils valent vraiment la dépense : chaque lecture en étant une véritable perte/retrouvaille de soi dans un univers à la fois proche des nerfs et des sources de nos fantasmes : Comte Zéro et Neuromancien de Gibson, Armaggedon Rag de G.R.R. Martin. Dans un style autre mais tout aussi prenant Holdstock et sa Forêt des mythimages.
Pour ce qui regarde ces 9 nouvelles, et la préface subtile de Bruce Sterling, six sont de Gibson seul, 3 en collaboration avec J. Shirley, Bruce Sterling, Michel Swanwick : rien que du beau monde, pour le même prix vous avez toutes les nouvelles écrites par Gibson (moins une à paraître dans une anthologie compilée par Sterling en Denoël, où Sterling a publié deux romans). Mais c'est l'univers de Gibson qui persiste, malgré les apports étrangers. Ces nouvelles sont des fragments de l'univers qu'il a déployé dans les romans cités plus haut : l'univers melting pot de la culture des jungles modernes américaines, avec son argot et son ultrarapidité, l'obsolescence du langage impose qu'on soit toujours branché sur le dernier mot lancé — le code change vite. Avec, aussi, la pénétration dans le quotidien, du jargon de l'information en termes de hard et de software : on sent que le trésor ce n'est plus le coffre plein d'or ou la Princesse, c'est la puce. Voir Demain les puces in Denoël, mais chez Gibson c'est déjà aujourd'hui, avec ses hommes réservoirs d'info qu'ils ne peuvent atteindre, qui doivent se donner à décoder etc. : un univers à la Brussolo dans un langage totalement différent. Car ce mélange doit passer par une langue à la fois travaillée et familière : une brisure active, il en reste encore un goût de lourd métal sur la langue, des accompagnements de sons étranges, venus des groupes les plus fous. Non, je ne raconterai pas ces nouvelles. Elles sont toutes à lire, nous renvoyant à un monde social curieux pour la SF, proche de ce qu'on trouvait dans le polar, avec ses zones, ses paumés, ses disproportions entre le fric des uns et le néant des autres, sans dimension d'avenir : un éternel présent qui se répète dans des décors qui changent. Des scènes à la Chester Himes dans les dépotoirs d'astroports pourris tels que Ballard aurait pu les rêver. Mais nous sommes dans un présent fou plus que dans un avenir extrapolé. Mais ici comme ailleurs, c'est l'image d'une situation de folie ordinaire que nous renvoie le miroir du futur. La nouvelle qui donne son titre au recueil figure en dernier. Lisez-la en dernier. C'est un point d'orgue.