Ces deux cent quarante-quatre pages s'inscrivent dans le cycle de l'Histoire du futur qu'Heinlein fait débuter en 1975 et finir vers 2600. Elles se situent plutôt en fin de cycle, en 2125, une époque où le voyage interstellaire et la longévité préoccupent la race humaine, si l'on en croit le tableau dressé par l'auteur lui-même. Les premières années ont déjà été contées dans L'homme qui vendit la lune. Les clins d'œil à diverses nouvelles précédentes ne manquent d'ailleurs pas, mais le lecteur qui ne les aurait pas lues ne sera pas désorienté pour autant.
Le volume se compose de deux longues nouvelles, adroitement liées entre elles pour ne faire qu'une seule histoire. Chacune des parties traite néanmoins d'un sujet différent. Les problèmes induits par l'exceptionnelle espérance de vie d'une partie de la population terrienne dans la première ; l'exil interstellaire de cette population dans la deuxième. Un certain nombre d'idées complémentaires vient étoffer ce canevas de base. Des anormaux télépathes, des animaux domestiques très particuliers, des fruits au goût de ragoût, des innovations technologiques qui font rêver...Il s'agit donc d'un livre où s'opère un curieux brassage de thèmes.
Le sujet du premier texte est éminemment d'actualité, puisque la société d'aujourd'hui rencontre des problèmes similaires. Et de même que les pauvres de notre planète acceptent de moins en moins leur pauvreté, de même dans le récit, la population dont l'espérance de vie est la plus courte refuse cet état de fait ! Si l'on substitue la richesse matérielle à la longévité, on obtient donc un parallèle frappant. La richesse étant un facteur favorisant la longévité, cette histoire sonne dès lors comme un signal d'alarme aux oreilles des nantis des pays occidentaux ! Mais en dépit du cadre extraordinairement libre de la fiction, l'auteur ne propose pas véritablement de solution à cette crise !
Le thème du second récit relève d'une SF plus conventionnelle et plaira davantage au lecteur amateur de spectaculaire. D'abord parce que la découverte d'autres planètes habitables et habitées est incroyablement fascinante. Ensuite parce que ce qui est découvert est indubitablement étonnant. Une fois encore, R.H. se montre à la hauteur des attentes de lecteurs exigeants.
C'est donc avec un plaisir certain qu'on absorbe cette avalanche d'idées, quel que soit le niveau de lecture pratiqué. Si la construction est moins impeccable que dans d'autres romans du même auteur, il n'en reste pas moins que l'ensemble est très réussi. Quant aux messages qui peuvent se dégager de chacune des deux sections, ils sont clairs dans les deux cas : d'une part l'homme est d'une jalousie maladive, d'autre part il sera toujours curieux et insatisfait. En d'autres termes, nous ne serons pas au bout de nos peines en l'année 2125, même si nos rêves les plus fous se réalisent.
Une lecture aisée, des trouvailles diverses dont certaines procèdent d'une véritable prospective, que peut-on espérer de plus pour agrémenter une bonne soirée au coin du feu ?
Antoine ESCUDIER (lui écrire)
Première parution : 19/3/2004 nooSFere