La jolie blonde blottie dans les bras de Fafhrd se transforma soudain en truie. Ce n'était pas un phénomène courant, même à Tyr. A peine l'avait-il projetée dans l'abreuvoir qu'elle redevint une fille. Elle sortit, furieuse et mouillée, de la pièce en lui lançant une dague qu'il écarta distraitement d'un revers de gobelet ; elle alla se planter dans la bouche d'un satyre de bois pendu au mur. Forcément, Fafhrd soupçonna le Souricier, mais il changea d'avis quand celui-ci se retrouva en train d'embrasser un escargot géant lové sur ses genoux. Drôle de maléfice... mais le fils de chienne qui leur avait fait ça devait avoir ses raisons. Il fallait qu'elles soient fortes, car Fafhrd et le Souricier avaient encore pour eux la fraternité du sang et l'amour de l'aventure, que nul ne pourra leur enlever. Ensemble, ils allaient affronter des sortilèges immondes, des hallucinations lascives, des demoiselles timides et pour finir une construction vivante s'étendant sur plusieurs dimensions — un château nommé Brouillard.

 

Fritz Leiber jr. est né à Chicago en 1910. Il a atteint le sommet de son art dans Le Cycle des Épées.

     Que faire quand un Initié vous a jeté un sort et que, lorsque vous embrassez une fille, celle-ci se métamorphose aussitôt en une grasse truie ou en un escargot baveux ? Eh bien sans doute ce qu'on fait Fhahrd et le Souricier Gris : aller mander conseil à ce roi des menteurs et à cet empereur des hypocrites qu'est à la fois Ningauble-Aux-Sept-Yeux et, ensuite seulement, partir à la recherche du misérable coquin qui pour eux a fait de l'amour un enfer. Jusqu'au château Brouillard il leur faudra chevaucher. En revenir en sera-t-il question ?

     Le cycle des Epées fait partie de ces épopées qui ont rendu populaire une certaine forme de Science-Fiction : la Sword and Sorcery. Leiber n'a rien à envier à Moorcock, à Howard, voire à Tolkien. Ses deux personnages, Fhahrd et le Souricier Gris, sont taillés dans la substance qui fait des vieillards. Ici, les héros sont souvent fatigués. Pourtant, ils n'abandonnent jamais.

     Dieu sait qu'ils n'ont pas la vie facile. Heureusement, leur amitié constitue leur plus grande force. Que serait-il l'un sans l'autre ? Chacun un pâle Conan ou un pauvre Elric.

     Mais ils sont deux. Un pour deux et deux pour un. Oh pardon ! Un pour tous et tous pour un. Comme les improbables mousquetaires d'un non moins improbable monde appelé Nehwon.

     En outre, ce Cycle possède un plus par rapport aux autres : son humour. Il tombe toujours bien et provoque le sourire et la bonne humeur au sein même des situations les plus étranges. La cocasserie naît au cœur du maléfique et s'en abreuve.

     Cette drôlerie-là est unique.

     Leiber a l'envergure d'un maître-conteur. Il n'oublie jamais de saupoudrer son merveilleux inquiétant avec quelques paillettes issues de la Réalité.

     Si bien qu'on y croit...