J'AI LU
(Paris, France), coll. Science-Fiction (1970 - 1984, 1ère série) n° 1208 Dépôt légal : 2ème trimestre 1981, Achevé d'imprimer : 10 juin 1981 Première édition Anthologie, 448 pages, catégorie / prix : 4 ISBN : 2-277-21208-3 Format : 11,0 x 16,5 cm Genre : Science-Fiction
Quatrième de couverture
Univers 1981 vous présente le nouveau cru de la science-fiction anglo-saxonne et française.
Il s'ouvre sur Sonate sans accompagnement d'un jeune écrivain, Orson Scott Card, qui est un des plus beaux textes que nous ait donné la SF ces dernières années. Vous y trouverez ensuite des récits d'auteurs confirmés tels que Robert Silverberg, Fred Pohl, Robert Sheckley, Gene Wolfe. A côté d'eux des espoirs, C.J. Cherryh, Scott Baker, George R.R. Martin ou Lisa Tuttle et des nouveaux venus, Anne Lear et Dan Henderson. Côté auteurs français, voici Marianne Leconte, Sylviane Corgiat et Bruno Lecigne, Georges Panchard, Jerry A. California et Richard D. Nolane.
Enfin, ce numéro d'Univers vous présente quatre interviews, réalisées par Charles Platt, d'auteurs de première importance : Philip K Dick, Alfred Bester, Norman Spinrad et Samuel Delany. L'interview de Dick est encore plus dickienne que le plus dément de ses récits, ne la ratez pas.
Avec son deuxième numéro annuel. Univers entre vraiment dans sa nouvelle formule — celui de l'année dernière comportait encore des textes sélectionnés par Yves Frémion. Le virage est pris cette fois-ci, et Univers abandonne toute ressemblance avec une revue pour n'être qu'une anthologie — les seuls articles sont quatre interviews, tous tirés d'un recueil d'une trentaine, Dream makers,réalisé par Charles Platt (qui, n en déplaise à Jacques Sadoul, n'est pas un fan américain mais un auteur anglais proche du groupe New Wave de Michael Moorcock...). Les interviews de Platt sont intéressantes, se transformant par moments en ce que les Américains appellent des « profils », esquissés d'une plume agile C'est tout le recueil qu'il aurait fallu traduire ! Mais c'était peut-être une impossibilité commerciale...
Côté textes, Univers rend compte des tendances de la SF américaine actuelle : une bonne partie des textes marquants de l'année sont là, avec Sonate sans accompagnement, sans doute la meilleure nouvelle d'Orson Scott Card, et les deux nouvelles de George R.R. Martin qui ont raflé les Hugos à Boston, Par la croix et le dragon et Les rois des sables. Là où Scott Card utilise la SF comme véhicule pour nous prendre par les émotions, Martin se montre d'un humour raffiné (Par la croix...) ou maître consommé de la SF classique (Les rois des sables). Ce sont là de nouveaux noms auxquels vous allez devoir vous habituer, de même qu'à ceux de C.J. Cherryh et Lisa Tuttle, qui donnent chacune un texte typique de leur production, dans leurs registres respectifs : space-opera et psychologie angoissée.
Mais tout n'est, hélas, pas bon dans la production américaine actuelle, et répétition et commercialisme y ressurgissent trop souvent. Un bon exemple en est le texte d'Anne Lear, qui se situe en plein dans la mode consistant à rhabiller en SF moderne, à grands coups de voyage dans le temps, de grands mythes anglais du siècle dernier : Sherlock Holmes, les romans de Wells, Jack l'Eventreur... C'était amusant dans La machine à explorer l'espace ou C'était demain, mais j'en ai maintenant une véritable indigestion, et chaque rebondissement de cette histoire-ci devient tristement prévisible...
Les vieux d'autre part ne se défendent pas mal ; Silverberg revient même aux nouvelles avec Notre-Dame des Sauropodes, pas déshonorant du tout ; la nouvelle de Wolfe est la seule du volume à avouer dix ans d'âge, mais elle ne s'en porte pas plus mal, c'est un texte délicieux, tout en finesse ; seul le Sheckley est médiocre, alors qu'au contraire Nous les achetés de Fred Pohl est une réussite à tous points de vue, un texte inoubliable : comment on se sent quand on est un esclave, destiné à être possédé arbitrairement par des extraterrestres — le thème reçoit un traitement largement supérieur à celui qu'il avait reçu dans L'ultime fléau. La nouvelle veine de Pohl n'a pas fini de nous étonner.
Univers n'est pas toutefois que le reflet de la SF américaine : il présente aussi des œuvres inédites, de la SF autochtone (mentionnons à part, le cas de Scott Baker, Américain vivant à Paris, dont la nouvelle est publiée pour la première fois en traduction). Dans ce domaine plus spécifique, la réussite est malheureusement moins évidente. Le ratage le plus lamentable est celui de la nouvelle de Jerry A. California (avec un pseudonyme pareil !), qui malgré d'honorables goûts musicaux en dehors des sentiers battus (Blue Cheer et Jorma Kaukonen) donne une nouvelle discographiquement exacte, sans style et sans idées, à peine bonne pour un fanzine rock imitation de Philippe Manœuvre de troisième zone. Surnagent Nolane — avec un texte qui relève plus de l'hémoglobine de la veine nolanienne que de la SF — et surtout le tandem Sylviane Corgiat et Bruno Lecigne, avec le seul exemple de SF française post-jeuryienne du recueil, un texte délocalisé et lourd de symboles.
Moralité : lisez Univers pour savoir ce qui se vend de meilleur aux USA.