C'est ce que pensent avec l'énergie du désespoir tous les habitants de la Terre, en cette funeste année 1964 placée sous le signe de l'invasion des Martiens.
L'invasion des Martiens ? Depuis le temps qu'on en parlait, les hommes auraient pu et auraient dû s'y attendre. Oui, mais certainement pas à ce genre d'invasion... ni à ce genre de Martiens !
Ils peuvent se déplacer en un clin d'oeil d'un endroit à un autre. Ni les murs ni les portes ne les arrêtent ! Ils sont capables de voir dans le noir, de lire les secrets enfermés dans un coffre. Leur plus grand amusement consiste à clamer partout la vérité. Ils parviennent à faire « fondre » le Rideau de Fer, à paralyser les gouvernements et les économies de tous les pays. Seuls les psychiatres, les ministres des divers cultes et les débitants de boisson peuvent survivre à ce cataclysme.
Ce qui se passe ensuite et comment la Terre arrive enfin à se débarrasser de ses hôtes forcés, reste jusqu'aux dernières pages le secret de l'auteur.
Avec ce roman d'une brillante verve satirique, Fredric Brown s'affirme comme un des plus originaux écrivains de science-fiction. En tournant en loufoquerie les affaires d'une planète qui a fini par se prendre trop au sérieux, ses Martiens nous incitent à la plus saine réaction qui soit devant la noire absurdité de ce monde : l'anticonformisme de la franche hilarité.
Voici un petit roman de SF parodique qui connaît la bonne fortune, depuis sa première parution en français en 1957, d'être souvent réédité, aux côtés d'éternels chefs d'oeuvre ( ?) comme Dune ou Le Seigneur des Anneaux. Rares, pourtant, sont ces romans que le temps n'oublie pas au milieu des nouveaux ouvrages des littératures de l'Imaginaire, et plus rares encore, ceux de SF humoristique. Celui-ci doit son immortalité au fait qu'il est de ces romans (encore plus rares) qui, d'une manière ou d'une autre, s'actualisent ou restent actuels.
L'histoire, c'est l'invasion de la terre par les extraterrestres. On en connaît des tas. Trop. Et Fredric Brown fut de ceux qui ont vu à quel point ce thème se prêtait à la parodie. À son époque déjà, des créatures aussi immondes que cruelles envahissaient les écrans et les librairies. Ces histoires se sont toujours vendues, car elles font appel à la peur de l'Etranger et au goût du public pour les sensations fortes. Pour tourner le sujet en ridicule, Brown s'appuie sur le fait que la SF « avait toujours évité le plus banal des clichés... (...) Les Martiens étaient vraiment des petits hommes verts » !
Son invasion atypique, non contente de tourner nos émotions en dérision, nous présente ses Martiens en petits gnomes rigolards et irrespectueux, sans cesse à la recherche de nos défauts, de nos secrets, de nos hontes. Et Brown s'en donne à cœur joie lorsqu'on faisant parler ses agaçants petits personnages, il pulvérise lui-même nos défenses et nos pudeurs, sans jamais se départir de son humour bon enfant.
Fredric Brown mène son roman sur un rythme soutenu, dans une tradition assez proche de celle de Wul ou Spitz. On ne s'étonnera plus, dès lors, que la France l'ait toujours gardé sur ses étagères. Son expérience du polar lui permet de conclure sur un final parfaitement minuté, dont l'effet est malheureusement gâché par l'épilogue. On pourra regretter que le roman ait un peu vieilli, sur certains aspects géopolitiques ou technologiques, mais le lecteur peut très facilement actualiser la forme de cette histoire aussi loufoque que caustique.
En bref, Martiens, Go Home ! s'adresse à tous les amateurs de SF qui ne peuvent supporter de voir leur genre favori être livré à de plus en plus nombreux Alien ou Indépendance Day surgis tout droit d'Hollywood.
Xavier NOŸ Première parution : 1/12/2000 dans Galaxies 19 Mise en ligne le : 1/3/2002