2010... L'Amérique du Nord est recouverte d'un réseau informatique qui traite et retient toutes les données concernant les personnes, les entreprises, les institutions et toutes autres données identifiables.
Le réseau est accessible à partir de n'importe quel téléphone public ou privé.
Encore faut-il connaître un code privilégié pour avoir accès à toutes les informations du réseau. Ou à presque toutes.
Car il existe sans doute des codes plus puissants.
Chacun vit dans l'angoisse d'en savoir moins que le voisin, et tous subissent le "choc du futur", entraîné par les modifications constantes de l'environnement, les mutations technologiques, les migrations incessantes auxquelles contraint la nécessité de changer fréquemment d'emploi.
Nickie Hafflinger, sorte de génie de l'informatique qui compose des programmes pour ordinateur comme s'il s'agissait de symphonies, a une revanche à prendre sur ce réseau. Il veut sa ruine. Mais un homme seul peut-il venir à bout de la société informatisée ?
Dans ce grand roman, de la même veine que Tous à Zanzibar et que Le troupeau aveugle, John Brunner explore certaines des conséquences dans la vie quotidienne de l'explosion informatique annoncée par Alvin Toffler dans son célèbre Choc du futur.
Dans ce gros et puissant roman, les références au Choc du futurd'Alvin Toffler et à 1984 d'Orwell sont évidentes, et même explicites (pp. 220 et 273) : c'est un « Ingsoc » où le rôle d'uniformisation et de contrôle de la télévision à double sens est tenu par le système informatique (banque d'ordinateurs et viphones) ; mais Winston Smith et Julia, devenus ici Nick Hatlinger et Kate, ne se contentent pas de se « faufiler entre les mailles du réseau », ils y font de gros accrocs, qui finalement emportent tout l'ouvrage : en retournant ses armes contre lui, ils parviennent à renverser « Big Brother », ici hydre dont les têtes principales sont Big Government et Big Crime. Mais une autre référence s'est imposée à moi : il y a du Jeury dans l'art de plonger le lecteur abruptement dans une société étrangère, grouillante de personnages inconnus et de mots nouveaux : seulement, alors qu'un livre comme Soleil chaud est une tranche de vie qui n'a ni commencement ni fin, Brunner, plus intellectuel que Jeury (comme il est moins sensuel), donne sur la fin une explication du mécanisme de cette société (p. 278) et une conclusion aux machinations et contre-machinations de ses personnages. Une grande et belle machine, à la finition impeccable, sur un sujet d'une brûlante actualité (SAFARI, vous connaissez ?).