Ender a gagné la guerre contre les doryphores, ces extra-terrestres qui, croyait-on, menaçaient l'humanité et contre lesquels on l'avait armé physiquement et mentalement au point d'en faire l'arme la plus redoutable de l'histoire.
Mais Ender sait à présent que les Doryphores n'étaient pas hostiles, que la guerre était née de la peur et d'un malentendu et que le Xénocide a été un crime inexpiable.
Un crime dont il est le coupable.
Alors, Ender devient la voix des morts et porte l'espoir impossible de la résurrection de l'espèce assassinée et de la réhabilitation de l'humanité.
Il lui faut trouver une espèce à sauver...
Orson Scott Card a obtenu pour ce roman, qui fait suite à La stratégie Ender, à la fois le prix Hugo et le prix Nebula en 1987. Chose plus surprenante encore, il avait reçu pour sa première partie, La stratégie Ender, en 1986, déjà les prix Hugo et Nebula. Aucune œuvre de toute l'histoire de la science-fiction n'a jamais été pareillement distinguée.
Suite de La stratégie Ender, ce roman lui est bien supérieur, tant par la complexité de l'intrigue et des thèmes que par l'intensité des sentiments exprimés. Ou peut-être seulement parce qu'il prend modèle sur Un cas de conscience de Blish au lieu de suivre Etoiles, garde-à-vous ! de Heinlein. Au lieu de tout faire dépendre d'une guerre impitoyable avec un adversaire incompréhensible, on s'intéresse à la tentative de compréhension d'une race amicale, les « petits cochons ». Choix révélateur que cet aspect physique : mignons, mais inquiétants — comme peut l'être une truie enragée. L'inquiétude prend corps quand ils massacrent le xénologiste qui les étudiait.
Ender Wiggins n'arrive sur les lieux que plus tard. Card a une nouvelle fois succombé à la tentation de faire de son héros un surhomme, éminence grise de toute l'histoire humaine : exécré comme criminel de guerre par l'opinion publique, ils prononcent des éloges funèbres qui n'en sont guère : la vérité sur le défunt, rien que la vérité...
Ce pourrait être la recette d'un roman policier, mais l'enquête devient théologique et passionnante. C'est la première fois que Card met autant de lui-même dans un roman de SF (je n'ai pas lu son œuvre historique sur les Mormons, The thorn birds). Lui a qui été missionnaire mormon au Brésil, il crée une planète de Noirs lusophones et catholiques jusqu'au bout des ongles, placée dans une fédération humaine qui est en fait une alliance de théocraties. Ender, missionnaire mal vu du pouvoir épiscopal, passe comme Saint-Paul sa vie à expier ses erreurs passées ; mais c'est l'évêque local qui devra finalement trouver son chemin de Damas.
La reduplication est omniprésente au fil des multiples générations présentées par l'auteur (trace de roman dynastique !). Card est conservateur, volontiers sentencieux, par exemple quand il explique la nécessité du mariage pour être citoyen à part entière (pour Heinlein, c'était le service militaire). Pourtant ses histoires de famille sont horribles, et tous doivent souffrir, pris dans l'étau d'un conflit insoluble entre les valeurs de leur hiérarchie et leurs sentiments, il accumule en particulier les exemples d'inceste frère-sœur. Curieux personnage que Card. Même si la conclusion du livre renonce à ses habituels coups de matraque émotionnels, et déçoit par conséquent un peu, on reste marqué par ce livre. Qu'on soit d'accord ou pas.
Cité dans les Conseils de lecture / Bibliothèque idéale des oeuvres suivantesJean-Pierre Fontana : Sondage Fontana - Science-fiction (liste parue en 2002) pour la série : Ender Jean-Bernard Oms : Top 100 Carnage Mondain (liste parue en 1989) pour la série : Ender