La Voie s'enfonçait dans l'infini. Par endroits, elle donnait sur des Portes. Celles-ci ouvraient sur des univers parfois différents et quelquefois sur des variations de la réalité que les humains de l'Hexamone considéraient comme la leur.
Des mondes parallèles.
D'une de ces portes avaient surgi les Jarts. Des étrangers absolus, des ennemis terrifiants. Il avait fallu condamner la Voie. Mais à présent, Olmy devait rouvrir la Voie. Et aller si possible jusqu'au bout de l'éternité.
Pour vaincre les Jarts.
Ou, mieux, pour faire la paix.
Éternité est le second volet de l'œuvre la plus ambitieuse de Greg Bear, commencée dans Eon, et qui a le souffle et l'envergure des inventions les plus audacieuses d'Arthur C. Clarke ou d'A. E. Van Vogt.
Vingt ans après... la formule rendue célèbre par Alexandre Dumas a depuis été réutilisée par de quarterons d'auteurs plus ou moins populaires. Revoici donc les protagonistes de la découverte mouvementée par l'humanité du 20e siècle, siècle fou, de la Voie, univers cylindrique infini dissimulé au fond d'un astéroïde remanié. Garry Lanier et Karen Farley, reconvertis à la reconstruction de la Terre ravagée par les échanges atomiques, Olmy, toujours plongé dans la politique de l'Hexamone — maintenant en orbite terrestre — et Rhita, une descendante de Patricia Vasquez dans l'univers parallèle où cette dernière s'était retrouvée en essayant de regagner son passé d'origine depuis la Voie. Oui, il vaut mieux avoir lu Eon pour tirer de ce livre-ci un profit complet.
Et si en conclusion d'Eon la Voie avait été fermée, cautérisée même, il est une règle sans appel du roman d'aventure à rallonge qui veut que les héros en reviennent toujours, comme des mouches au miel, au péril et à l'enjeu qui avaient fait le piment des volumes précédents. La Voie sera donc rouverte, n'en doutons pas. Les seuls éléments nouveaux du roman tiennent à la description des Jartes, ennemis sans visage dans Eon, et aux passages situés dans l'univers de l'Oikoumënë, où Patricia est devenu la Sophë Patrikia Vazkayza.
Malheureusement on ne passe pas assez de temps dans l'Okoumënë pour apprécier ce qui le différencie d'un démarquage d'antiquité hellénistique ; et les Jartes, s'ils ne se révèlent pas aussi mauvais que l'on aurait pu le croire, avec leur aspect de blattes qui auraient inventé l'humanicide en aérosol avant nous, sont en fin de compte quand même un cliché : l'ennemi qui sacrifie tout à une idéologie et méprise la valeur de l'individualité. Ainsi la littérature populaire américaine a-t-elle décrit les Japonais durant la Deuxième Guerre Mondiale, et les Soviétiques durant la guerre froide... Bear a perdu l'effet de surprise qui donnait son punch à Eon, et quand il s'est essayé en fin de livre à des envolées transcendantes, je ne l'ai pas suivi.
Ajoutons à cela une erreur de technique littéraire : intrigue et péripéties nous sont débités en tranches de trois pages, alternant sans cesse entre trois pistes parallèles. Cette tactique du salami porte tort à un livre déjà trop long, qui finit par tristement mériter son titre.