Kit REED Titre original : Magic time, 1980 Première parution : New York, USA : Berkley/Putnam, janvier 1980ISFDB Traduction de Roland DELOUYA Illustration de Stéphane DUMONT
DENOËL
(Paris, France), coll. Présence du futur n° 354 Date de parution : 2 février 1983 Dépôt légal : janvier 1983, Achevé d'imprimer : janvier 1983 Première édition Roman, 288 pages, catégorie / prix : 8 ISBN : 2-207-30354-3 Format : 10,8 x 17,8 cm✅ Genre : Science-Fiction
de régimes, d'exercices et de liftings,
vous en faites à peine 30.
Venez vous éclater avec des jeunesses de votre genre
à Heureux Habitat, le super-club de milliardaires
où tout est conçu pour votre bonheur.
Vous vous étonnez que vos enfants aient fait
ce sacrifice financier pour une mère
qu'ils semblaient haïr ?
Vous ne comprenez pas très bien la présence
sur ces lieux de ces uniformes noirs
qui vous ont facilité l'entrée,
mais vous barrent la sortie ?
Qu'à cela ne tienne !
Vous finirez peut-être offerte aux lions
dans un temps romain,
assommée par un homme préhistorique,
criblée de balles par les franquistes,
mais vous aurez passé des vacances inoubliables !
L'auteur
Née en 1932, Kit Reed est un auteur
encore peu connu en France,
mais dont les nouvelles ont déjà
une belle réputation aux États-Unis.
Elle se spécialise souvent, comme ici,
dans la satire sociale où elle excelle.
Critiques
Ce roman exploite deux postulats, très américains tous les deux : les vacances à tout prix, rester jeune à tout prix. Les deux facteurs étant bien entendu confondus. Vacances : c'est le séjour à Heureux Habitat, en apparence une extension de Disneyland et du Club Méditerranée, avec bien entendu le sexe à volonté (« Il y a une séance de pelotage au sauna, ou si vous préférez, séance de natation en nu intégral dans les eaux minérales, ou des parties carrées dans le puits de la passion... » p. 80), mais aussi l'aventure, qui peut culminer dans de vraies batailles, avec (en apparence seulement ?) de vrais morts. C'est la face externe du récit, satire, suspense, action. Jeunesse, maintenant : c'est la face interne, où Kit Reed, femme, et qui a maintenant 53 ans, parle peut-être bien d'elle-même : « Je commençais à être fatiguée de me casser le cul juste pour garder la tête hors de l'eau, ras le bol des pilules, de l'exercice, (...) des amants tocards qui vous embarquent, prête à tout, et au moment de la grande secousse vous regardez leurs yeux et vous y voyez la vérité : ils vous haïssent parce que vous êtes vieille » (p. 36). Il y a beaucoup de justesse et de vécu dans ces pages, où l'on passe de l'ironie à une sorte de monologue nauséeux.
Liant ces deux directions, il y a aussi la notion que tout est spectacle, que la vie n'est rien d'autre qu'une pièce qu'on joue pour les autres, quand les autres jouent pour vous. Ici, l'auteur rejoint le concept bien connu de la Société Spectacle... Tel quel, le roman encourt deux (légers) reproches : celui d'exploiter des thématiques qui auraient paru virulentes dans les années 60, mais qui sont passablement éventées aujourd'hui (c'est le reproche qu'on a fait à Boisset pour Le prix du danger, d'après une nouvelle de 1958 de Sheckley) ; et celui de quelque peu tirer à la ligne car, si le récit reste constamment brillant, on a tout compris au bout de cent pages et la suite n'est que redites. Relisons alors les Fiction 93, 105, 107, 1 19, 125, 133, 145, 154, 160, 165, 174, 244, 271, 319 et 321, où l'auteur donne le meilleur d'elle-même : la nouvelle.