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Canyon street

Pierre PELOT


Illustration de Stéphane DUMONT

DENOËL (Paris, France), coll. Présence du futur n° 265
Dépôt légal : 4ème trimestre 1978, Achevé d'imprimer : 25 septembre 1978
Première édition
Roman, 260 pages, catégorie / prix : 2
ISBN : néant
Format : 11,0 x 18,0 cm
Genre : Science-Fiction



Quatrième de couverture

Canyon Street, c'est le fleuve-monde,
le labyrinthe, la pieuvre. La planète quadrillée
par un réseau sans commencement ni fin
d'artères géantes, rectilignes, bordées par
les hautes murailles aveugles des Horizons Fermés.
C'est cela Canyon Street.
Procréez ! disait la Loi. Soyez forts,
méritez la manne qui vous est offerte
aux Points de Don ! Méritez d'être un jour des Elus.
Et les Cohortes masqués de cuir venaient,
silencieux, chercher les plus méritants.
Les Pilleurs lançaient leurs razzias.
Les abbés Speakers y allaient de leurs sermons
télévisés... Puis, un jour, tout s'est arrêté.
Pourquoi ? Pour combien de temps ?
Comment survivre ?

Critiques

            Canyon Street ressemble à une prison à ciel ouvert, bornée de tous côtés par la barrière cyclopéenne des Horizons fermés. La contrée est un dédale, en apparence infini, de rues et ruelles, de bois, de pâtures et d’agglomérations. Sous un ciel éternellement embrumé, comme barbouillé par un artiste fatigué de repeindre toujours le même tableau, ses habitants, ou plutôt devrait-on dire ses détenus, jouent et rejouent la comédie de l’existence. Soumis à la Loi, ils attendent la Manne distribuée par les Cohortes masquées de cuir, espérant un jour faire partie des Élus et repartir en leur compagnie dans le tunnel menant à l’autre monde. Mais un jour, tout s’arrête. La Manne se tarit et les Cohortes disparaissent, laissant la place à la prédation généralisée. La foule fanatisée par les abbés-speakers bascule dans la folie et la barbarie. Malheur au solitaire ou au marginal. Il risque désormais le grill à plus ou moins brève échéance car « seul le plus fort gagne et survit ». Javeline l’a bien compris. Elle se cache dans un appartement pour échapper à son destin de femme, armée et résolue, prête à défendre son ventre contre celui qui tentera de le violer. Raznak le Fou sait où elle se terre. Il a un plan pour s’évader de Canyon Street, rejoindre le pays du Grand Ciel et ses perspectives ouvertes.

            À la fin des années 1970 et au début de la décennie suivante, le paysage de l’imaginaire français a été marqué par une série de romans qui l’ont traversé comme un riff rageur. Joël Houssin, Kriss Vilà, Jean-Pierre Hubert, Philippe Cousin, Joëlle Wintrebert, Jean-Pierre Andrevon et Pierre Pelot mettent le feu avec des histoires oscillant entre critique sociale et nihilisme punk.

            Par sa violence, son univers oppressant et sa radicalité, Canyon Street rappelle Blue et Argentine de Joël Houssin. On y trouve une rage semblable, une envie d’en découdre et de faire exploser les carcans. Le périple de Javeline et Raznak est également une quête vers un monde meilleur, loin de l’aliénation et de la violence ambiante. Un voyage à travers un monde truqué vers un miroir aux alouettes destiné aux esprits crédules. L’itinéraire du duo dévoile ainsi le machiavélisme d’un système fondé sur le conditionnement d’une population préférant les promesses de la religion et du consumérisme à la liberté. D’aucuns trouveront le propos convenu, du moins conforme à l’esprit de contestation de l’époque. Il n’en demeure pas moins fondé. La liberté reste un choix. Il ne tient qu’à chacun de l’assumer pleinement en rejetant les illusions forgées par la foi et le conformisme. Mais, encore faut-il renoncer au confort matériel d’une existence réglée. Un choix difficile auquel se trouveront confrontés eux-mêmes Javeline et Raznak.

            Comme bien des romans populaires de son acabit, Canyon Street se lit sans déplaisir. Et si le propos demeure amer et désabusé, le traitement des personnages apporte un peu de tendresse, histoire d’éclairer leur malheur.

Laurent LELEU
Première parution : 1/1/2016 dans Bifrost 81
Mise en ligne le : 1/11/2020


 
     LES VASES COMMUNICANTS DE L'ALIENATION

     Accompagnée de Raznak le Fou, Javeline la Mauride, empruntant la Voie des Cohortes, fuit Canyon Street et la démence des Détenus, pour le paysage du Grand Ciel, le pays d'au-delà les Horizons Fermés. Quête typique du héros pelotien (ou suragnien) que cette trajectoire symbolique de l'obscur vers le soleil, cette recherche désespérée de la Terre Promise, cette fuite éperdue devant l'aliénation tentaculaire.
     Canyon Street la bien nommée, c'est « un réseau immense, sans bornes, qui parcourt la planète et la quadrille, (...) un réseau de rues gigantesques, droites, toujours éternellement droites, que d'autres rues éternellement droites croisent parfois, coupent en angle droit, traversent (...) des rues qui découpent des bandes de paysages divers de quarante ou cinquante kilomètres de large. (...) Les frontières de ces rues, ce sont les parois verticales des Horizons Fermés, des falaises cyclopéennes que personne n'a jamais pu mesurer, (...) qui tombent au hasard de leur course rectiligne sur les montagnes, les plus hautes, les plus inaccessibles ».
     Au-delà de Canyon Street, derrière les Horizons Fermés, s'étend le Territoire des Satisfaits. Monde réel ou illusion ? Dans leur fuite, Raznak le Fou et Javeline la Maudite se sont-ils précipités droit vers les gouffres béants de la schizophrénie ? Mondes-miroirs ou mondes-gigognes ?
     Ou deux mondes bien réels, vases communicants de l'aliénation pour le plus grand profit des Jouisseurs, mystérieux Grands Guides, qui exploitent Détenus et Satisfaits en exaltant les Saintes Vertus du Travail Accompli dans la joie, l'obéissance et la résignation, et leur promettent d'entrer à leur tour dans le Domaine des Jouisseurs par la Voie du Travail Rédempteur. Mais cruelle désillusion, la Terre Promise est à l'image de notre monde, où l'exploitation de l'homme est poussée à son maximum, société-vampire qui presse l'individu puis le rejette, exsangue.
     Canyon-Street est une parabole habillée de chair, de sang et de larmes, un violent réquisitoire contre la religion et la société de consommation qui proposent à l'individu l'éternel marché de dupes de la Rédemption (par la retraite ou le Paradis), c'est-à-dire donner maintenant pour profiter ( ?) plus tard, et le dépossèdent de ses forces vives, de son identité. Inlassablement, obsessionellement, roman après roman, Pelot mène son combat contre les forces de l'aliénation qui nous emprisonnent et nous masquent la réalité. A l'image de Javeline la Maudite-Javeline la Folle depuis son retour du Territoire des Satisfaits — il nous demande de vivre pour nous-mêmes, par nous-mêmes et de rejeter les béquilles de notre environnement psychique et social. Il nous supplie de l'écouter :
     « ECOUTEZ-MOI ! suppliait Javeline la Folle »

Denis GUIOT
Première parution : 1/1/1979 dans Fiction 297
Mise en ligne le : 1/3/2010

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