Les mille et un fantômes se présente comme un roman, mais il s'agit d'une suite d'histoires fantastiques échangées au cours d'une soirée par les témoins d'un crime sordide, histoires d'inspirations diverses, avec pour toile de fond une Histoire comme seul Dumas sait la faire vivre.
L'étrange crime initial, où une tête tranchée se met à parler, n'est que le prétexte à une réflexion assez sérieuse sur les possibilités de la persistance d'une vie, d'une conscience, et surtout d'une souffrance, dans les minutes qui suivent une décapitation.
Comme Dumas en avertit le lecteur «
ce n'est pas pour faire de l'horrible à froid que nous nous appesantissons sur un pareil sujet, mais il nous a semblé qu'au moment où l'on se préoccupe de la peine de mort, une pareille dissertation n'était pas oiseuse. ».
Si le sujet est grave, cette
dissertation est tout sauf ennuyeuse. Dumas n'a pas son pareil pour convoquer les grandes figures de l'Histoire, comme Charlotte Corday à propos de la guillotine, et pour leur donner vie sur le mode de l'anecdote.
Passé cette première partie, les récits deviennent vraiment fantastiques : fantômes, morts-vivants et vampires sont de la partie. Mais l'Histoire demeure bien sûr très présente.
L'une des scènes les plus extraordinaires se situe en 1793, lors de l'exhumation des anciens rois enterrés à l'abbaye de Saint-Denis. Après l'examen de corps plus ou moins décomposés, le cadavre
merveilleusement conservé de Henri IV se retrouve posé debout contre une colonne,
vêtu comme de son vivant. Cette impressionnante statue de chair morte saura-t-elle se venger du soufflet que lui inflige alors un ouvrier ?
Dumas a un sens extraordinaire de la mise en scène, et son style vivant et rapide demeure d'une grande fraîcheur. Son habileté à ressusciter le passé convient aussi merveilleusement à l'élaboration de scènes morbides et de visions effrayantes, et
Les mille et un fantômes s'impose ainsi comme un grand classique du fantastique, où Dumas explore avec aisance l'ensemble des principaux thèmes du genre.
Pascal PATOZ (lui écrire)
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