En visitant une charmante église lors d'une promenade à la campagne, Catherine Wilfart connaît la peur de sa vie : dans le cimetière, près d'une tombe profanée, une voix lugubre se manifeste à elle, comme jaillie de sous ses pieds. La blague d'un mauvais plaisant ? Pas si sûr. Car, quelques jours plus tard, la voix se fait à nouveau entendre, en pleine rue, lui enjoignant de pousser son enfant sous une voiture.

     De ce jour, la vie de catherine bascule dans l'horreur : est-elle en train de devenir folle ? Époux, amies, prêtre, psychiatre, pourront-ils aider la jeune femme à contrôler cette force maléfique qui l'envahit chaque jour davantage et ne manifeste qu'un seul et unique but : pousser au crime...

     Né en 1954, Alain Delbe est l'auteur de deux romans : Les îles jumelles (Phébus), qui a obtenu le prix Alain-Fournier, et François l'Ardent (Climats). II a également publié de nombreuses nouvelles, aussi bien à la NRF que dans Fluide Glacial, Hauteurs, Phénix, Ténèbres ou Otrante. Auteur talentueux et sans concession, Alain Delbe élabore au fil de ses productions l'une des œuvres les plus captivantes dans le domaine du fantastique contemporain.

     C'est un curieux ouvrage que ce livre composé pour la première partie d'un court roman, Le Complexe de Médée, et pour la seconde d'un recueil de nouvelles réunies sous le titre générique : Les Guêpes. Curieux parce que fantastique, et donc flirtant outrageusement avec l'étrange, mais aussi curieux parce que très irrégulier. Et s'il est agréable de voir réunies les diverses facettes du talent d'un auteur, il l'est moins d'avoir le sentiment que certains textes sont décevants, alors que d'autres sont excellents.

     Le roman qui donne son nom au livre, le Complexe de Médée, est bâti de manière conventionnelle et se déroule sans surprise. Ce n'est pas cela qui nous fera bouder notre plaisir mais le lecteur pourra tiquer de temps à autre à cause de fautes de grammaire ou de conjugaison. Pourtant, l'usage du présent de l'indicatif devrait faciliter l'emploi du subjonctif ! Cela mis à part, l'histoire est agréable mais les lecteurs assidus de littérature fantastique devineront trop vite ce qui arrive.

     Le recueil de nouvelles est d'emblée de meilleure qualité. La nouvelle intitulée Les Guêpes fait délicieusement peur, c'est un mélange d'absurde et de folie dominé par un surnaturel distillé insidieusement, comme on l'aime. Plusieurs des nouvelles proposées sont ainsi, à cheval entre les réalités, comme l'excellent Baiser du Sphinx. Ou alors, elles chagrinent, comme Aïkido, Les Trois fils du Shogun — Alain Delbe semble inspiré par la civilisation japonaise — Le Beffroi ou encore Eddy, qui glace le sang.

     Une autre qualité d'Alain Delbe est l'humour. Il aime rire et faire rire, visiblement, et s'y prend de différentes manières. L'absurde, le grotesque ou le spirituel se retrouvent ainsi dans des textes comme Une aventure de Don Quichotte (comment Sancho Pansa relate une aventure oubliée), Momie Blues (les plaisirs coupables d'un nécrophage), ou encore Le savez-vous ? (et si le souhait d'un professeur était exaucé ?).

     Au final, un livre plutôt agréable, mais inégal : de très bonnes nouvelles... et d'autres bien ennuyeuses. On regrettera également que le sommaire n'indique pas les premières parutions des nouvelles qui ne sont pas inédites, mais on sortira de cette lecture avec le désir de découvrir d'autres œuvres d'Alain Delbe. On retiendra surtout que c'est dans les textes où il s'affranchit de l'obligation de coller à une réalité qu'il est le meilleur, par le biais d'un absurde imaginaire et drôle, d'une immersion dans l'aliénation mentale, ou d'un retour aux terreurs enfantines. Notons aussi l'illustration de couverture de Philippe Jozelon, véritablement effrayante — et pas moyen de retourner le livre pour la dissimuler : elle figure des deux côtés !